Si le talent d'Alain Resnais n'est plus à découvrir, celui d'André Téchiné, après Souvenirs d'en France l'an dernier, restait à confirmer. Voilà qui est fait avec Barocco. Dans Amsterdam filmée comme jamais encore, Gérard Depardieu (grand triomphateur de l'année, il est désormais de ceux qui impriment leur marque personnelle aux œuvres auxquelles ils collaborent) y incarne un double personnage violent et tendre à la fois, inoubliable, aux côtés d'une Isabelle Adjani un peu écrasée, et de Marie-France Pisier dont l'étonnant second rôle de fille dans la vitrine a été justement récompensé par un Oscar. Controversé, ce film-événement reste le grand opéra baroque de la saison. Tandis que Le camion, de Marguerite Duras, avec le même Depardieu, où l'auteur, qui joue son propre personnage, raconte une histoire à un interlocuteur quasi muet, reste la pomme de discorde des cinéphiles. Chahutée à Cannes, encensée ou raillée, Marguerite Duras continue, bon an mal an, ses recherches d'avant-garde.

Sans Gérard Depardieu, on retrouve Isabelle Adjani, tenant toutes ses promesses, dans le charmant film de Jacques Rouffio, Violette et François, avec Jacques Dutronc et sa décontraction de charme : l'histoire, un peu ténue, d'un couple d'enfants d'aujourd'hui, irresponsables et un peu perdus.

Vedettes consacrées

Plusieurs autres films reposent presque entièrement sur les épaules de leurs interprètes, qui sont toujours les vedettes consacrées de ces dernières années. Romy Schneider, d'abord. Plus éblouissante que jamais dans Une femme à sa fenêtre, de Pierre Granier-Deferre, une adaptation (plutôt libre) d'un roman de Drieu La Rochelle où elle retrouve son partenaire du Vieux fusil, Philippe Noiret, et rencontre pour la première fois, très viril en militant communiste, Victor Lanoux. Et encore bouleversante, dans une brève apparition (une seule scène) de Mado, de Claude Sautet. C'est ici Michel Piccoli (le promoteur trop honnête), flanqué de Jacques Dutronc (lucide second), qui tient le grand rôle du film ; plus noir que les précédents et relativement moins bien accueilli, injustement, par un public peut-être trop routinier.

Alain Delon, courageusement embarqué dans une aventure insolite pour lui, n'a pas suffi pour convaincre les spectateurs des mérites de Monsieur Klein, de Joseph Losey. Perdant à Cannes l'an dernier, ce film important, ambigu, superbement filmé n'a pas eu la carrière qu'il méritait. Le public lui a préféré, très injustement, le Delon bouclé et rieur, du très banal Gang de Jacques Deray, d'après Roger Borniche. Injuste loterie du succès...

Le même Delon, apparemment infatigable, est à l'affiche de deux autres films : Armaguedon, une incursion un peu décevante d'Alain Jessua dans le policier psychologique où, face à Jean Yanne, en déséquilibré tentant désespérément d'exorciser sa médiocrité et sa solitude en faisant trembler le monde entier, il campe un peu vraisemblable médecin psychiatre ; et Comme un boomerang, peu convaincant plaidoyer de José Giovanni pour la jeunesse délinquante en blouson doré.

Jean-Louis Trintignant ne figure que sur une affiche : celle des Passagers, de Serge Leroy, où, poursuivi par Bernard Fresson, il fait une nouvelle démonstration de sa conduite automobile... sportive.

Encore une star supportant seule une œuvrette qu'elle ne réussit pas à sauver : Yves Montand, escroc de charme à la gouaille toute méditerranéenne dans Le grand escogriffe, de Claude Pinoteau. Dans un tout autre genre, Annie Girardot, toutes larmes dehors, en fait tant, dans À chacun son enfer, d'André Cayatte, une sombre et mélodramatique histoire de rapt d'enfant, qu'elle n'a pas obtenu ici son succès habituel. En revanche, la même Annie Girardot se taille, avec son partenaire Jean-Pierre Marielle, un joli succès dans la comédie gentillette de Robert Pouret, Cours après moi que je t'attrape, marivaudage sans prétention entre une toiletteuse de chiens et un percepteur. Elle semble désormais préférer le rire au désespoir, puisqu'elle campe aussi, dans Le dernier baiser, deuxième film de Dolorès Grassian, un chauffeur de taxi rigolard, très titi parisien, aux côtés de Maria Pacôme.

Charme

Ce panorama serait incomplet sans le charme blond de Catherine Deneuve, séduisante jeune mère du dernier film de Claude Lelouch, Si c'était à refaire. Virtuose du charme souriant et de la caméra nonchalante, Lelouch nous rend aussi, à peine touchée par l'outrage des ans, son interprète d'Un homme et une femme, Anouk Aimée. Et donne à Charles Denner l'occasion de quelques très jolies scènes.