Ces quatre orientations ne constituent en fait qu'un volet des intentions gouvernementales : la réforme de l'entreprise, la réduction des inégalités, la réforme fiscale constituent autant de projets à long terme destinés à concrétiser la société libérale avancée. Il est peu probable qu'ils se concrétisent, même partiellement, avant 1977.

Stratégies syndicales

Le congrès de la CFDT est finalement significatif de la stratégie de tous les syndicats : désormais, l'action revendicative a pour objectif les élections législatives de 1978. Aussi, les rapports entre la CGT et la CFDT sont-ils à la fois plus fréquents et plus tendus ; dans l'immédiat, l'union est d'autant plus nécessaire que l'action revendicative piétine et que, pour la première fois, l'hypothèse d'une victoire de la gauche devient crédible. Mais déjà (est-ce prématuré ?) on songe à « l'après-victoire » de la gauche ; et déjà se ravivent les désaccords sur le projet de société. Certes l'autogestion, le plan, les nationalisations demeurent au cœur du débat, mais précisément, parce que le débat devient politique, c'est le classique problème des rapports partis/syndicats qui resurgit à nouveau. Les tentatives d'implantation du PS dans les entreprises, la participation de syndicalistes à des fonctions politiques, la prise en charge de nouveaux thèmes revendicatifs sur le cadre de vie (loisirs, urbanisme, transports, consommation) sont autant d'occasions de controverses intersyndicales.

Même si officiellement FO, la CGC, la FEN et la CFTC maintiennent leur position d'apolitisme, déjà les états-majors de ces organisations multiplient les contacts, échafaudent les stratégies et s'efforcent dans l'immédiat de monnayer leur non-engagement auprès du gouvernement : les plaidoyers pour la politique contractuelle ne sont-ils pas un appel pour éviter que les mécontentements sociaux ne s'accumulent jusqu'aux élections ?

Le congrès du CNPF

L'assemblée générale du CNPF, qui s'est tenue le 13 janvier 1976 au Centre international de la porte Maillot à Paris, a réélu François Ceyrac à la présidence du CNPF pour trois ans. Ces assises, qui groupaient plus de 500 chefs d'entreprise, ont marqué un sensible durcissement dans l'attitude de l'organisation patronale.

Les différentes interventions, dont celles de François Ceyrac, Ambroise Roux, Jacques Ferry et Yvon Chotard, ont défini les nouvelles positions du CNPF sur les grands problèmes du moment. On peut les résumer ainsi :
– salaires : pas question d'envisager une progression du pouvoir d'achat tant qu'il y aura un million de chômeurs ;
– emploi : pas de possibilité d'amélioration si les pouvoirs publics n'envisagent pas un fort taux de croissance ;
– réforme de l'entreprise : rejet de la cosurveillance et, d'une manière générale, de toutes formules qui paralyseraient la direction des entreprises.

Pour les trois années à venir, F. Ceyrac entend intervenir auprès des instances responsables pour faire prévaloir des préoccupations prioritaires, à savoir : « Remédier au déséquilibre des échanges extérieurs, affirmer notre volonté dé croissance, renforcer l'entreprise dans la nation et débloquer le droit au licenciement, qui favoriserait l'embauche. »

Trois nouveaux au conseil exécutif du CNPF

Le baron Empain (P-DG de Schneider), représentant des grands groupes industriels.

Yvon Gattaz (P-DG de Radiall), représentant des firmes de taille moyenne.

Francis Gauthier (P-DG des Eaux d'Évian), représentant d'Entreprise et Progrès.

37e Congrès de la CFDT

Victoire de la gauche, responsabilité : tels ont été les deux thèmes majeurs du 37e Congrès de la CFDT, tenu à Annecy (25-31 mai 1976). Pour la plupart des congressistes, la gauche aura conquis le pouvoir en 1978. Cette quasi-certitude a fortement influencé les délibérations et les scrutins, dont les plus décisifs se trouvent dans une fourchette de 60 à 66 % des voix en faveur d'Edmond Maire et de ses amis. Comme le souhaitait le secrétaire général, la situation était propice pour délimiter le rapport de forces à l'intérieur de la centrale entre la majorité et les éléments de l'ultra-gauche. Et Edmond Maire n'a fait aucune concession à ses gauchistes (trotskystes ou maoïstes), surtout implantés dans les banques, les services de santé, l'habillement et les PTT : « Nous devons résister à ceux qui rêvent de socialisme en se basant uniquement sur des forces marginales et en récusant totalement les partis de gauche. » Ce souci de cohérence interne s'explique par deux raisons de fond : cesser de prêter le flanc aux provocations et aux critiques de la CGT et du PC ; donner plus de crédibilité encore au projet de socialisme autogestionnaire. Ce réalisme s'accompagne aussi d'une distance accrue par rapport aux partis politiques. Cette fermeté doctrinale ne devait pas entraîner l'immobilisme à l'heure de l'élection des organismes directeurs, puisque sur 31 membres le nouveau Bureau national compte 16 nouveaux. E. Maire demeure secrétaire général.

Revalorisation du travail manuel

Une volonté de changement allant dans le sens d'une amélioration des conditions de la vie ouvrière s'est manifestée durant le second semestre 1975 pour aboutir à un premier train de mesures qui a été rendu public en décembre.