Banques : journées d'action CGT-CFDT à l'appel de la CGT et de la CFDT le 8 avril et les 20-21 mai.

Journées de grève en 1975

En 1975, on dénombre 3 868 000 journées de grève, contre 3 380 000 en 1974 et 3 731 000 en 1973.

Les journées perdues par suite de mouvements généralisés représentent 10 % du total (362 000 journées). On a observé 56 conflits généralisés (4 pour l'ensemble des secteurs, 13 pour plusieurs secteurs, 18 pour un seul secteur, 21 au niveau régional).

Les conflits d'entreprise ont touché 5 000 établissements occupant 2,8 millions de salariés.

Les secteurs qui ont connu la plus forte progression du nombre de journées de grève sont la construction électrique (+ 197 %), la polygraphie (+ 102 %), la métallurgie (+ 79 %) et la chimie (+ 68 %).

Secteur public

Traditionnellement, la pierre de touche de la politique contractuelle dans le secteur public demeure le renouvellement des contrats de salaire. Les assauts n'ont donc pas manqué tout au long des négociations de décembre à avril. Le Premier ministre l'avait dit : « 1976 sera une année difficile pour la politique contractuelle. »

Au total, il n'y a pas eu rupture, mais un sérieux accident de parcours : d'un côté, des journées d'action relativement nombreuses mais d'ampleur inégale, lancées par la CGT et la CFDT ; de l'autre, des protestations verbales de FO, la CFTC et la CGC — la FEN, oscillant entre les deux attitudes. En vérité ces deux tactiques sont plus complémentaires que contradictoires. Face à la position dure des deux grandes confédérations ouvrières, le gouvernement ne pouvait que tenir compte des exigences des organisations modérées. Face aux accusations de Georges Seguy critiquant FO et la FEN prêtes à signer « des accords au rabais », ces dernières ne pouvaient que rappeler au gouvernement : « Il n'y a donc plus de temps à perdre. Le temps de la tergiversation est passé... Puissent les pouvoirs publics voir plus loin que le bout de leur nez » (André Bergeron, 3 mars 1976).

Seule avec la FEN et la CFTC à signer les accords de la fonction publique, FO n'a peut-être pas tort d'affirmer : « FO a fait sauter les verrous. » Alors qu'initialement le gouvernement ne voulait tenir compte que d'un maintien du pouvoir d'achat dans les limites d'une hausse des prix de 7,5 %, les fonctionnaires ont obtenu, outre cette garantie, une augmentation des bas salaires (le traitement minimal d'un père de famille de deux enfants est à Paris de 1 989 F), une réduction des abattements de zone, une amélioration des retraites et de diverses primes. Au total, de janvier 1970 à octobre 1975, la progression moyenne des rémunérations a été de 88,8 % (15 % par an en moyenne) pour une progression de 65 % de l'indice INSEE et de 85,3 % de celui de la CGT. Reste à savoir si ces résultats auraient été obtenus sans l'intransigeance de la CGT et de la CFDT.

Dans les entreprises publiques, les résultats sont analogues avec une progression plus forte des bas salaires : depuis 1970, les rémunérations ont augmenté de 74,1 % pour les cadres supérieurs de l'EGF et de 113,6 % pour le bas de l'échelle. La moyenne générale est de 96,5 % aux Charbonnages, de 94,2 % à la RATP et de 109 % à la SNCF, où le garde-barrière a bénéficié d'une augmentation de 159 %.

Secteur privé

La situation est-elle analogue dans le secteur privé ? En ce qui concerne les rémunérations, faut-il croire le libéral Jacques Plassard affirmant : « Le pouvoir d'achat n'a cessé de progresser pour la généralité des salariés » (Investir, 29 mars) ? En fait, au-delà des querelles sur l'indice des prix, trois constatations peuvent être faites :
– La négociation collective est en recul. Le CNPF s'est raidi et ne souhaite plus le développement d'accords au sommet. Ainsi l'accord cadre sur l'amélioration des conditions de travail, intervenu le 17 mars 1975 entre le CNPF et FO, la CFTC et la CGC, avait prévu une négociation par branche professionnelle. Si une telle négociation s'est ouverte dans quelques branches, elle n'a que rarement abouti à des accords. Dans les assurances, l'essentiel des dispositions concerne la grossesse et la maternité (congé de 20 semaines, notamment). Dans les chaux et ciments, l'accent est mis sur la sécurité et la réduction du temps de travail (40 heures à compter du 1er octobre 1976). Mais nulle part les suggestions gouvernementales sur la revalorisation du travail manuel ne trouvent beaucoup d'écho, et les négociations piétinent dans les grandes branches industrielles. Au sommet, le CNPF n'envisage pas d'autres rencontres que celles destinées à actualiser l'accord de 1970 sur la formation continue. L'ère du patronat d'initiative semble close.
– Les conflits relatifs à l'emploi demeurent nombreux. Les 9 et 29 octobre, chez Grandin et Teppaz deux conflits entamés depuis plus d'un an se terminent par une victoire syndicale de principe. Chez Grandin, la CGT, seule présente, obtient le réemploi de 156 personnes sur 600 salariés en 1973. Chez Teppaz, le principe de la survie de l'entreprise est admis. Dans les deux cas (Grandin, construction de téléviseurs ; Teppaz, fabrication d'électrophones), les syndicats ont plaidé la rentabilité économique de l'entreprise et mené une action de longue haleine, avec occupation des lieux de travail.
Mais, ailleurs, d'autres conflits éclatent ou demeurent sans solution. Ainsi, au Parisien libéré, E. Amaury fait la preuve qu'un journal peut paraître en dehors du monopole de la CGT. Mais à quel prix ? Les typographes, soutenus par l'ensemble de la profession, font, de leur côté, la preuve de leur ténacité et multiplient les manifestations (Notre-Dame, France, la Bourse, intervention dans la course cycliste Paris-Roubaix). Plus calmement, aux grues Griffet, chez Rhône-Poulenc textiles, à Fougères (chaussures), chez Boussac, chez Beghin, les grèves avec occupation des lieux de travail constituent la riposte aux menaces de licenciements. Cependant chez Lip, après le départ de Neuschwander et l'annonce du dépôt de bilan, les salariés occupent à nouveau l'entreprise, mais avec le sentiment que la partie sera plus difficile à jouer que lors de la première affaire.
– Les propositions de réforme de l'entreprise se heurtent à l'hostilité ouverte du patronat. Tandis que le gouvernement abandonne toute idée de cosurveillance, les chefs d'entreprise (notamment à l'instigation de L. Gingembre, patron des PME) multiplient leurs réserves à l'égard des projets gouvernementaux et notamment de toute extension de la présence syndicale dans l'entreprise. Par l'intermédiaire des parlementaires, la pression est vive pour faire modifier la loi sur les élections professionnelles, qui prévoit un monopole de présentation des candidats au profit des organisations syndicales représentatives. En droit, le texte ne concerne pas les grandes confédérations mais tous les syndicats représentatifs dans l'entreprise ; mais ce sont bien la CGT et la CFDT qui sont visées. Les controverses sur la présence de responsables politiques dans les entreprises ou sur la politisation des actions revendicatives témoignent aussi que l'heure n'est plus aux concessions mais au durcissement doctrinal.

Politique gouvernementale

Schématiquement, l'action des pouvoirs publics a été orientée dans quatre directions :
– Dans les relations du travail, une priorité est manifeste : la revalorisation du travail manuel. Mais, pour les syndicats, le scepticisme demeure à l'égard d'une politique qui leur paraît plus destinée à étonner superficiellement qu'à changer la nature du travail ouvrier. De façon accessoire, des mesures sont également prises en faveur des femmes (travail à temps partiel, protection de la maternité). On renforce enfin les moyens de l'Inspection du travail.
– Pour l'emploi, l'essentiel des mesures prises vise à améliorer la protection contre le chômage, soit en contrôlant les conditions de licenciement, soit en renforçant le montant des aides accordées aux chômeurs.
– De façon plus discrète est poursuivie la politique d'extension de la protection sociale menée depuis plusieurs années : généralisation de la sécurité sociale, augmentation du minimum vieillesse, harmonisation des prestations des handicapés, participation à l'équilibre financier de la Sécurité sociale.
– La définition d'une nouvelle politique familiale répond à un double objectif : compenser sur le plan démographique les conséquences de la baisse de la natalité dans la mesure où elle serait due au développement de l'avortement et de la contraception ; rassurer, sur le plan politique, les électeurs modérés inquiets de l'évolution des mœurs et du « libéralisme » présidentiel.