Michel Poniatowski, dans une allocution télévisée, fait état d'importants dégâts commis dans tout le Midi (environ 1 milliard de F), perceptions plastiquées, un émetteur de télévision et un relais hertzien téléphonique détruits. Albert Teisseyre (48 ans), viticulteur à Lauraguel près de Limoux (Aude), appréhendé le 1er avril, est inculpé le lendemain et remis en liberté pour raison de santé le 11 juin.

Un train et un consulat contre une patrie

En début de matinée, le 2 décembre, jeunes filles blondes, hommes d'affaires en complet strict et retraités rendant visite à des amis montent à bord de l'omnibus Groningue-Zwolle, au nord-est des Pays-Bas. Il fait froid, les vitres de la micheline jaune et bleue sont couvertes de buée. On lit le journal, on papote ; un trajet de plus entre la maison et le bureau ou la faculté.

Beilen

À l'arrêt de Beilen, sept jeunes Moluquois montent à bord. Personne ne s'en étonne : les Malais sont nombreux dans la région. Alors que le train arrive au niveau du village de Wijter, 5 km après Beilen, les Moluquois pénètrent dans la cabine de pilotage et ordonnent au mécanicien de continuer vers le sud sans s'arrêter. Devant son refus, il est abattu. Le train s'immobilise.

Il est 10 h 15, Pour 290 heures l'omnibus restera là en rase campagne, à proximité d'une usine d'incinération d'ordures.

C'est le chauffeur d'un train qui vient en sens inverse qui donne l'alerte : surpris de voir un convoi stoppé à cet endroit inhabituel, il s'arrête et, à pied, va proposer son aide. Il est accueilli par des coups de feu. Très vite, la police et l'armée bouclent le périmètre, évacuant les fermes situées trop près du train. Les terroristes jettent sur le ballast le corps du cheminot, à côté de celui d'un passager qui avait tenté de fuir dans les premières minutes du drame. Les 75 otages sont regroupés dans un seul compartiment de 48 sièges.

En fait, des deux motrices articulées de l'autorail, une seule est occupée. Trente heures après le début de la prise d'otages, une vingtaine de personnes s'échappent de la deuxième voiture, la nuit.

Dans les premières heures, les exigences du commando sont surtout techniques : ils veulent un autobus et un avion pour pouvoir fuir. Le gouvernement néerlandais refuse de traiter.

Le 4 décembre est le jour le plus noir. Vers 9 h 30, des Moluquois modérés qui servent d'intermédiaires pour les négociants montent à bord du train : ils apportent la réponse de La Haye : le refus catégorique devant les exigences du commando. Les Moluquois amènent un de leurs otages devant la porte du train et lui tirent une balle dans la nuque. Son corps roule sur le ballast.

Consulat

Trois heures plus tard, à Amsterdam, un second commando entre en scène. Le consulat général d'Indonésie est occupé par sept Moluquois. Vingt-cinq personnes et 11 enfants membres d'une chorale sont pris en otages. Plusieurs employés du consulat sautent par les fenêtres (l'un d'eux mourra à l'hôpital quelques jours plus tard).

Pendant encore dix jours à Beilen, pendant quinze jours à Amsterdam, l'angoissante guerre des nerfs va se poursuivre. Avec des bonnes nouvelles (la libération au compte-gouttes d'une quinzaine de personnes) et des moments de désespoir : une explosion à bord du train oblige les Moluquois à demander l'évacuation de l'un des leurs et de deux otages blessés ; pistolet sur la tempe, une femme est poussée dans l'embrasure d'une fenêtre du consulat jusqu'à ce qu'un négociateur moluquois arrive.

Ces deux prises d'otages faisaient partie d'un plan mis au point au mois de novembre.

Reddition

Dès la prise de contrôle du consulat d'Indonésie, ce sont des exigences politiques de ce type qui sont posées : à aucun moment le gouvernement n'a accepté de les prendre en considération. Sa tactique, attendre et laisser pourrir la situation sans brusquer les terroristes, portera ses fruits, le 14 décembre à Beilen et le 19 à Amsterdam, avec la reddition des commandos.

Et, malgré les trois morts du train et celui du consulat, de curieux liens semblent s'être créés entre les Moluquois et leurs prisonniers. Plusieurs d'entre eux ont déclaré avoir compris leurs geôliers et leur soif de justice. Avant de quitter l'autorail-prison, terroristes et otages ont prié ensemble.