À l'automne, les grèves se multiplient, désorganisant l'ensemble des programmes ; les députés refusent de voter l'autorisation de percevoir la redevance pour 1 976. Quelques jours plus tard, les sénateurs rétablissent la situation, en amputant la redevance de 5 F (155 F et 235 F).

Un an après la mise en place de ce que l'on a appelé, sans doute à tort, la nouvelle télévision, ébaucher un bilan serait légitime. À tous points de vue, il apparaît décevant.

Il semble que l'on renonce de plus en plus à la fonction créatrice de la télévision, pour la transformer peu à peu en un simple moyen de transmission. Les rediffusions multiples, les productions étrangères stéréotypées, la concurrence sauvage font oublier de très rares créations et des efforts ponctuels.

Giscard : « Encourager l'innovation »

Valéry Giscard d'Estaing, dans une lettre à Jacques Chirac, le 15 mai 1976, souhaite qu'un effort de création soit entrepris pour améliorer la qualité des émissions ; il demande au Premier ministre d'examiner les moyens qui permettraient « d'encourager l'innovation et d'éviter qu'un nombre trop élevé d'émissions soit confié aux mêmes personnes et aux mêmes équipes ».

Sondages

Fait surprenant, alors que le téléspectateur se plaint de son sort, un sondage réalisé pour Le Point par l'IFOP révèle que « la télévision dont rêvent les Français, c'est la leur ». Malgré la possibilité, offerte aux personnes ayant participé au sondage, de recomposer librement la physionomie de leur télévision, la grille obtenue recoupe fidèlement celle qui existe, jours et horaires compris. Faut-il conclure que nos compatriotes sont indécis, que les programmes existants sont si intimement liés au rythme de leurs habitudes qu'ils refusent (malgré leurs protestations) d'en changer ? Ou encore que la télévision suscite une étrange passivité ? Ce sondage (les résultats ont été publiés en juillet) est le reflet d'une nouvelle maladie. À l'image de tous les secteurs de la vie nationale, la télévision souffre du virus sondage. Il ne se passe pas un jour sans que les résultats d'un sondage soient publiés. Les grands hebdomadaires spécialisés, comme les quotidiens nationaux, organisent chacun le leur. Du temps de l'ORTF, les sondages existaient déjà et l'Office gérait son propre service d'investigations ; les résultats conservaient un rôle indicatif et ponctuel.

Désormais, selon la loi, chaque société reçoit, suivant les résultats des sondages, une note globale, sorte de moyenne annuelle, tenant compte de nombreux critères, servant ensuite à une répartition proportionnelle du produit de la redevance. Ce n'est pas le principe du sondage qui doit être mis en cause, mais son interprétation, et le système d'attribution des deniers publics, selon une équation quantité-qualité, paraît plus discutable. Le procédé devient système et l'on met en place des techniques qui assureront le sondage quart d'heure par quart d'heure. Une méthode qui devrait permettre une interprétation plus fine.

On compte, en France. 3 millions de téléviseurs couleur, contre 9 millions en RFA et 10 millions en Grande-Bretagne. En 1975, seulement 840 000 Français ont fait l'achat d'un récepteur couleur ; ils n'étaient que 680 000 en 1974. En revanche, ils étaient 1 180 000, la même année, à devenir possesseurs d'un appareil noir et blanc, et 1 120 000 en 1975.

Facilité

Le dimanche soir reste le moment d'écoute privilégié. Les films obtiennent toujours les audiences records. Les Français (tous les chiffres le prouvent) considèrent la télévision comme un moyen de se divertir et d'échapper au quotidien. Leur faveur va aux films comiques, aux émissions divertissantes. Il est difficile, dans ce contexte, de reprocher aux responsables une certaine facilité. Satisfaire le plus grand nombre au plus bas prix est toujours très tentant. Et, si les téléspectateurs apparaissent quelquefois satisfaits, ne le sont-ils pas à bon compte ? Une dizaine de films par semaine, des programmes faits de bric et de broc l'après-midi du lundi et du mardi sur TF1, des pseudomatinées sur A2, quelques transmissions de prestige, en direct de l'Opéra ou d'ailleurs, des débats ou des jeux de type radiophonique, est-ce vraiment ce qu'on attend de la télévision ? Et cela ne saurait faire oublier les aberrations d'une concurrence mal comprise, que la loi a voulue totale et qui conduit (jusqu'à l'accord conclu fin mars 1976, première entorse officielle au système) à la diffusion simultanée et intégrale de certaines grandes rencontres sportives, sur les deux chaînes qui couvrent la France entière.