Pour désamorcer l'insatisfaction grandissante des officiers et des sous-officiers, dont la conjonction avec le mécontentement des appelés serait grave de conséquences, le gouvernement prépare des projets de statuts des cadres de carrière dont il saisit le Conseil supérieur de la fonction militaire.

Pour la première fois, des groupes de travail sont créés dans les régions militaires, qui associent des officiers et des sous-officiers à l'élaboration de leurs nouveaux statuts. Cette consultation de la base (il existe en France 40 000 officiers et environ 200 000 sous-officiers) est présentée comme une procédure originale, mais, dans la pratique, les principaux intéressés s'estimeront déçus par l'expérience ; l'opposition de gauche dénonce cette parodie de participation.

Nouveaux statuts

Le projet de statuts des cadres militaires de carrière, présenté par Yvon Bourges, est approuvé le 25 juin en Conseil des ministres. Une trentaine de textes, nécessitant un vote au Parlement. Cette réforme (son coût est évalué à 2 160 millions de francs), qui devrait entrer en vigueur au début de l'année 1976, stipule que les officiers qui réunissent les aptitudes requises doivent bénéficier d'une accélération de leur carrière, et que l'âge d'accès aux grades supérieurs doit être abaissé. Dans le groupe des officiers subalternes (sous-lieutenants, lieutenants et capitaines), l'avancement sera automatique. La promotion du commandant au grade de lieutenant-colonel sera aussi automatique, mais avec un certain étalement, lie caractère sélectif des promotions sera accentué entre les grades de capitaine à commandant et de lieutenant-colonel à colonel. L'avancement au choix sera également observé pour l'accès au grade d'officier général.

Les sous-officiers devraient bénéficier, à la faveur d'une réduction de la durée des échelons de grade, d'une progression indiciaire plus rapide ; ils recevront, à diverses étapes de leur carrière, un avantage supplémentaire, indiciaire ou indemnitaire, ou encore sous la forme d'une bonification d'annuité pour la retraite. Enfin, un nouveau grade de sous-officier serait créé, l'adjudant-major, placé au sommet de la hiérarchie du corps des sous-officiers.

Dans le même temps, comme le fait apparaître une directive confidentiel-défense de février 1975, signée du secrétaire d'État à la Défense, le gouvernement prépare une réforme du commandement, dans l'intention de renforcer les pouvoirs des généraux commandant les régions militaires.

Pour l'armée de terre, le plan du général Bigeard consiste à systématiser une organisation déjà observée dans la marine, où les préfets maritimes cumulent des responsabilités opérationnelles et territoriales, ou dans l'armée de l'air, où le commandement de la région aérienne de Metz est confondu avec celui de la force aérienne tactique.

Le secrétaire d'État à la Défense introduit une nouveauté : le commandement régional est considéré comme une fonction prêtée, une responsabilité contractuelle, et non pas comme un poste assuré pour le restant de sa carrière à son titulaire. La mise en place progressive de cette nouvelle organisation du haut commandement se traduit par le départ anticipé à la retraite ou par un changement d'affectation de trois des sept généraux de corps d'armée qui assuraient, à ce jour, des responsabilités régionales (le général d'armée Philippe Clave et les généraux de corps d'armée Pierre Langlois et Maurice Buffenoir).

Sanction

Une autre décision du gouvernement a retenu l'attention : le retrait de son poste de major général de la Marine nationale au vice-amiral d'escadre Antoine Sanguinetti, frère de l'ancien secrétaire général de l'UDR, après la publication, dans Le Monde (10, 20 et 21 septembre 1974), de trois articles intitulés Une autocritique de l'institution militaire.

La tentative du vice-amiral d'escadre de rénover la pensée militaire officielle et de proposer un nouveau système de défense a été considérée comme un acte d'indiscipline intellectuelle de fait, qui devait être sanctionné. Le Conseil des ministres du 30 octobre 1974 place l'amiral Sanguinetti à la disposition du chef d'état-major de la marine, sans autre affectation précise. Cette disgrâce du major général marque les limites de la liberté d'expression reconnue aux cadres de carrière.