Surtout dans un secteur où, tous les ans depuis 1968, on observe de longs arrêts de travail, une question de fond se pose : la grève d'Usinor est-elle liée à la dépression de ce secteur ou est-elle le résultat d'une fièvre locale croissante depuis des années, conséquence de conflits mal résolus ? Les grévistes, qui contestent la réalité de la crise et mettent en avant les profits réalisés par Usinor en 1974, retiennent naturellement la seconde hypothèse, que tendrait à vérifier la rapidité avec laquelle la grève s'est étendue à l'ensemble de l'usine autour de la défense de l'emploi et d'une revendication unifiante : les 250 F de plus par mois.

En revanche, à Usinor-Denain et dans la sidérurgie lorraine, où l'activité est plus ralentie, la solidarité passe mal. La direction ne nie pas que l'année 1974 ait été bonne, mais fait remarquer que les salariés en ont aussi profité (+ 22 % d'augmentation).

Grâce aux efforts de l'inspection départementale du Travail, le climat finalement se détend. Le conflit, cependant, aura été révélateur à la fois de la dégradation d'une situation locale et du refus des travailleurs de faire les frais d'un chômage conjoncturel d'autant plus ressenti que les salaires sont plus bas. Quand le terrain est miné à l'avance, comme à Usinor-Dunkerque, la moindre étincelle peut provoquer l'explosion.

Politique contractuelle

Apparemment, les conflits n'ont pas empêché des négociations de se poursuivre dans le secteur public et entre le CNPF et les syndicats. Reste que peut-être la politique contractuelle est minée de l'intérieur et ne fait que se survivre.

Secteur public

Il n'y a pas eu de changement dans la politique contractuelle : elle continue. Mais c'est le fait que les conventions soient renouvelées en 1975 (des observateurs, déjà l'an passé, en prédisaient la fin) qui constitue un événement. La signature des conventions salariales de la Fonction publique, de la RATP, de la SNCF, de Renault et d'Air France intervient la même semaine. La surprise la plus grande aura été sans doute la conclusion de la convention de la SNCF, signée par cinq organisations syndicales contre trois seulement en 1974.

Pas de changement notable dans le contenu de ces contrats, qui intéressent environ 3 500 000 salariés de l'État et des entreprises nationalisées. Ils comportent tous des clauses de garantie de progression du pouvoir d'achat (moyenne minimale de 2 %). Le fait nouveau est que le gouvernement a imposé la ligne Chirac, à savoir que l'effort principal se porte sur les bas salaires. Dans la Fonction publique, le salaire minimal à l'embauche sera, au 1er juillet 1975, de 1 696 F (la CGT et la CFDT réclamaient 1 700 F), et 100 000 petits fonctionnaires recevront des augmentations mensuelles (en plus de celles résultant du coût de la vie) variant de 180 à 200 F.

Il n'est pas facile d'évaluer le contenu réel des accords, les directions d'entreprise et les syndicats observant souvent une discrétion qui tend à minimiser l'importance des résultats acquis. C'est ainsi que pour l'un de ces contrats, celui de la SNCF, alors qu'il est dit officiellement que la progression du pouvoir d'achat est d'environ 2 %, une organisation non signataire affirme qu'il sera en 1975 de 3,5 % contre 2,3 % en 1974.

Pour le gouvernement, ce n'est pourtant qu'un demi-succès. La pérennité du système inauguré en 1969 n'est assurée que grâce au concours d'organisations comme FO, la CFTC, les syndicats autonomes et la Fédération de l'Éducation nationale. Si certaines d'entre elles bénéficient de positions de forces sectorielles (FO chez les fonctionnaires, la FEN chez les enseignants), ces organisations n'en sont pas moins minoritaires dans le monde salarié pris dans son ensemble.

Secteur privé

L'habitude est maintenant bien prise de la négociation permanente au sommet : pratiquement, une ou plusieurs négociations sont toujours en cours. Tandis que la négociation sur les conditions de travail ouverte en février 1973 se poursuit jusqu'en mars 1975, une deuxième série de discussions s'engage à la rentrée sur les garanties contre le chômage et se conclut dès le 14 octobre 1974.