Journal de l'année Édition 1975 1975Éd. 1975

Ainsi est malaisément poursuivie la mise en œuvre des cinq thèmes que le président de la République avait assignée à son action et au gouvernement pour 1975 : la réforme de l'entreprise, l'amélioration des revenus, la réforme de l'éducation, la réforme du fonctionnement de la justice, la réforme des collectivités locales.

Les partis et l'unité

Un large reclassement des partis sur l'échiquier politique était prévisible au lendemain de l'élection présidentielle de mai 1974. Il n'a pas tardé à s'engager en effet, s'il n'a pas été conforme à ce que beaucoup prévoyaient.

On s'attendait plutôt à ce que la majorité se divise, que les gaullistes déçus et défaits contestent la primauté giscardienne, voire l'action du président, et qu'au contraire l'opposition de gauche, qui croyait être parvenue si près du but, scelle son entente et poursuive dans l'union son offensive. Quant au centre, entre la coalition au pouvoir et une gauche déterminée, on l'imaginait plus divisé et déchiré que jamais.

Or, c'est à peu près l'inverse qui s'est produit. Après avoir laissé s'exhaler la mauvaise humeur, la méfiance et le découragement de l'UDR, Jacques Chirac choisit avec soin le moment où la famille gaulliste tombe de l'irritation dans le désarroi pour en prendre, tambour battant, la direction. Par un coup d'audace soigneusement calculé, qui rappelait son ralliement à la candidature Giscard d'Estaing contre Chaban-Delmas aux premiers jours de la campagne de 1974, le Premier ministre, aidé par A. Sanguinetti (qui s'efface), se fait élire secrétaire général du mouvement gaulliste, lance de nouveaux mots d'ordre, ranime les courages, rallie les hésitants et s'impose sans coup férir. Les barons grognent. Robert Boulin quitte pour un temps l'UDR, J. Charbonnel entame une action judiciaire, J. Chaban-Delmas suspend sa participation aux instances nationales, Michel Debré, Maurice Couve de Murville, Olivier Guichard s'évertuent, s'opposent, menacent : il est visible qu'ils ne sont pas écoutés, qu'ils ne sont plus entendus, et J. Chirac obtient le 23 février, par 92,2 % des suffrages, la confirmation de sa responsabilité à la direction du gaullisme. Cette direction, il l'assume pendant quatre mois et l'abandonne aux assises de Nice, le 15 juin, afin de reprendre la tête non plus de la seule UDR, mais de toute la majorité que Valéry Giscard d'Estaing veut mieux rassembler et éventuellement élargir autour des thèmes de la « société libérale avancée ».

Parallèlement à la conquête de l'UDR par le Premier ministre, Michel Poniatowski, premier des ministres puisqu'il est le seul à porter le titre de ministre d'État en même temps qu'il administre l'Intérieur, s'installe à la présidence de l'autre grande formation de la majorité, le parti giscardien des républicains indépendants. Et si parfois un certain esprit de concurrence, voire des désaccords, se font jour entre les deux hommes, du moins l'association de leurs formations respectives dans la majorité témoigne-t-elle avec éclat de la résignation des uns, de la primauté nouvelle et reconnue des autres.

À gauche, en revanche, le dynamisme de la campagne a d'abord paru devoir survivre à la défaite, une fois surmontée la première déception. Au début de l'automne, les élections législatives partielles provoquées par le désir d'anciens ministres du gouvernement Messmer de retrouver leur siège de député sont assez largement favorables à l'opposition : un socialiste et un radical de gauche battent Joseph Fontanet (CDP) en Savoie et J.-Ph. Lecat (UDR) dans la Côte-d'Or, et sur les six sièges en balance la majorité ne recueille que moins de 50 % des suffrages (45,51 % au premier tour, 48,19 % au second), alors qu'il s'agissait évidemment de circonscriptions qu'elle détenait. En juin 1975, l'élection législative partielle du Havre, remportée par le candidat de la majorité, confirmera néanmoins les progrès du PC et du PS.

Si les élections sénatoriales de septembre n'apportent pas de surprise et ne comportent guère de leçon politique, les candidats de la gauche unie aux consultations cantonales et municipales partielles obtiennent dans l'ensemble de bons résultats. Mais bientôt les premiers grincements se font entendre et, en quelques semaines, l'entente socialo-communiste paraît voler en éclat. Les dirigeants du PCF, à commencer par son secrétaire général Georges Marchais, s'en prennent de plus en plus vigoureusement à F. Mitterrand et aux socialistes. La querelle débouche sur une véritable crise de l'union de la gauche.