Journal de l'année Édition 1975 1975Éd. 1975

Schématiquement, le PC reproche au PS de se laisser aller à l'anticommunisme, d'être parfois attiré par la majorité, de se trouver soit localement, soit idéologiquement (sur l'Europe en particulier) plus proche du pouvoir sinon du centre que de son allié, bref de trahir. La modération, la prudence de François Mitterrand et de ses amis, leur silence ou leurs répliques mesurées n'y font rien ; les accusations, les reproches, les soupçons déferlent à la moindre occasion ; tout propos, le moindre événement relance le procès : par exemple le fait qu'à Marseille, lors d'une visite surprise, V. Giscard d'Estaing soit accueilli par le maire de la ville, Gaston Defferre ; ou encore l'entrevue à l'Élysée du vice-président des radicaux de gauche, Henri Caillavet, avec le chef de l'État. D'âpres rivalités se font jour entre les alliés : les communistes assurent que les socialistes abandonnent le programme commun, Georges Marchais décrit F. Mitterrand comme « sûr de lui et dominateur », lui refusant avec violence l'étiquette de « chef de la gauche ».

Dans le même temps, F. Mitterrand doit faire face à des divergences internes dans le parti socialiste. Après avoir, là aussi, patienté, tergiversé même, il rompt avec le groupe le plus remuant de la majorité qui l'avait porté à la tête du parti, le CERES. Située à l'aile gauche du PS, cette tendance est exclue du secrétariat national à l'occasion du Congrès de Pau, aux premiers jours de février. Le premier secrétaire du PS rencontre aussi quelques difficultés non à cause des communistes français, mais de leurs camarades soviétiques : l'invitation lui avait été adressée par le gouvernement de Moscou à se rendre en URSS à la tête d'une délégation socialiste ; mais ce voyage, une première fois ajourné du côté français, est ensuite trois fois remis par les Soviétiques. Il a finalement lieu, sans grand éclat (23-25 avril 1975).

À l'approche de l'été, lorsque G. Marchais (qui a été éloigné pendant quelques mois par un accident de santé de ses responsabilités) reprend ses fonctions, un certain apaisement semble se faire jour. Des actions communes sont de nouveau envisagées, le dialogue se renoue malaisément en vue d'une éventuelle mise à jour du programme commun. La controverse, pourtant, n'est qu'assoupie et l'affrontement laisse des traces.

Le centre, enfin, a vu foisonner les tentatives de regroupement avec des fortunes diverses. Si les radicaux de gauche de Robert Fabre restent très proches des socialistes et se réclament de l'Union de la gauche, le parti radical de J.-J. Servan-Schreiber, le Centre démocrate de Jean Lecanuet, le Mouvement de la gauche réformatrice lancée au mois de janvier par Michel Durafour, Bernard Stasi et André Rossi, la Fédération des réformateurs ébauchée au mois de mars, d'autres petits groupes encore, se situent à des degrés divers dans la majorité. Quant au Mouvement des démocrates de Michel Jobert, qui tient son premier rassemblement à la mi-mars, il se veut autonome et original.

La diplomatie et la vie sociale

Valéry Giscard d'Estaing avait demandé, au lendemain de son élection, de n'être pas jugé avant cinq cents jours. C'est évidemment en politique extérieure que le délai apparaît comme un minimum. Disons donc simplement qu'une bonne année après son entrée à l'Élysée on ne discerne nulle part le dessein d'une diplomatie originale et nouvelle. La marge dans laquelle il est possible de marquer, à cet égard, de sa personnalité et de sa volonté l'action du pouvoir est extrêmement étroite, et c'est plutôt cette leçon-là qui s'est vite imposée.

On savait bien le nouveau président de la République ardemment convaincu de la nécessité de construire l'Europe, et comptant pour cela sur le chancelier allemand, son interlocuteur des années précédentes, alors qu'ils étaient tous deux ministres des Finances. On n'ignorait pas son atlantisme déterminé, son intention de maintenir néanmoins un certain équilibre de la France entre l'Est et l'Ouest, de corriger légèrement vers un équilibre nouveau les positions françaises au Proche-Orient, de défendre la présence au Maghreb et en Afrique noire, de la réaffirmer en Asie.