Maintenant que les États producteurs ont acquis la maîtrise totale des conditions de vente, on peut penser que la notion de prix affiché va tomber en désuétude.

Réel

À l'époque encore récente où elles commercialisaient la totalité du brut produit, et une fois payées les redevances calculées sur le prix affiché, les compagnies étaient évidemment libres, compte tenu des conditions du marché et de leur désir de profit, de fixer à leur guise son prix réel. En réalité, les compagnies, intégrées « du puits à la pompe », se vendaient la majeure partie du tonnage à elles-mêmes, pour un prix d'ordre secret, n'ayant donc pas grande signification économique (sinon de leur permettre de dégager le profit plus ou moins en amont ou en aval dans le processus de production). Pour les tonnages qu'elles vendaient à l'extérieur à l'état brut, le prix de vente réel, pendant toute la période d'abondance, était resté assez largement inférieur au prix affiché.

Les décisions prises à Koweït le 16 octobre 1973 fixaient à 40 % cet écart. Appliquée aux prix actuellement en vigueur (11,65 dollars le baril de « léger d'Arabie »), cette règle donnerait un prix réel de 7 dollars le baril au départ du puits. Mais l'abattement de 40 % a été à son tour remis en question. Dans le contrat conclu avec la France en janvier 1974, et dans celui dont elle a entrepris par la suite la négociation avec la compagnie américaine Aramco, l'Arabie Saoudite a fixé le prix de reprise par les compagnies à 93 % du prix affiché, comme l'Iran l'avait déjà fait. Le « prix de croisière » du pétrole, avec lequel il va falloir compter désormais, se situe donc plutôt aux environs de 10 dollars le baril, soit 350 francs la tonne (à raison de 5 francs par dollar et 7 barils par tonne).

On mesure l'importance du profit que laisse l'exploitation du pétrole si l'on considère que le coût de production d'un baril au Moyen-Orient se situe entre 0,10 et 0,30 dollar. À titre de comparaison, ce coût est d'environ 1,30 dollar dans les gisements des États-Unis et de la mer du Nord ; il serait d'environ 7 dollars pour le baril de pétrole extrait de schistes bitumineux.

Participation

L'accord de New York d'octobre 1972 prévoyait que les pays producteurs prendraient, dans le capital des compagnies pétrolières, une participation de 25 %, devant être portée à 51 % en 1982. Le pétrole produit devait être partagé dans les mêmes proportions. Les États disposaient ainsi d'un tonnage de brut participation croissant, et croissant d'autant plus vite que certains pays (Iran, Arabie Saoudite, Koweït, Libye), sans attendre, ont nationalisé à 51 %, 60 % ou même 100 % leurs gisements, et que les compagnies sont résignées à l'abandon final de leurs droits de propriété sur les gisements.

En fait, les États n'ont pas les moyens de commercialiser eux-mêmes ces tonnages énormes et les cèdent en grande partie aux compagnies ex-exploitantes au prix réel du marché (la différence étant toutefois que, dans ce cas, l'État empoche la totalité du profit). Mais ils ont mis aussi aux enchères une faible partie de ce pétrole, pour lequel ils ont réussi à obtenir, au moins au plus fort de la crise (décembre 1973), des prix extraordinairement élevés, allant jusqu'à 17 et même 22 dollars le baril.

Prix des produits pétroliers à la consommation

Pour passer du prix du brut (profit des compagnies et des États compris) à celui des produits pétroliers, il faut y ajouter le coût du transport, celui du raffinage (opération qui consomme 5 % du brut traité), de la distribution, enfin le profit des compagnies sur la phase raffinage-distribution et surtout les impôts à la consommation prélevés sur les produits pétroliers. Ceux-ci peuvent ainsi présenter, bien que provenant du même brut, des prix très différents. Ainsi, les carburants automobiles, pour lesquels il n'existe pas de produit de substitution, peuvent être vendus plus cher et taxés beaucoup plus lourdement que les fuels de chauffage domestique ou industriel, qui doivent tenir compte de la concurrence des autres énergies.