Mis en demeure de prendre une décision, le président Nixon s'est conformé aux vœux de l'industrie américaine, qui n'est disposée à accepter les Européens que comme sous-traitants. En février 1972, le président Nixon a rejeté la proposition de l'ESRO. Dès le début de mars, cette organisation décidait d'aller de l'avant et de débloquer sur-le-champ les crédits nécessaires aux premiers travaux. Une page était ainsi tournée.

La NASA n'en a pas moins continué à mettre en orbite, moyennant finances, les satellites scientifiques de l'ESRO. Heos A 2, destiné à étudier la magnétosphère, les flux de particules solaires et le milieu interplanétaire (il s'éloigne à 238 000 km de la Terre), est satellisé le 31 janvier 1972. Le 12 mars, c'est le tour de TD-1 A, équipé pour mesurer les rayons X et gamma et pour faire des études spectrales des étoiles, notamment au moyen de deux télescopes de 30 et 20 cm d'ouverture couplés avec des spectromètres.

Astronomie

À la découverte de l'univers X et gamma

Une nouvelle technique d'exploration du cosmos vient, au cours du premier semestre de 1972, d'accomplir des progrès décisifs : c'est l'astronomie des hautes énergies, qui nous découvre l'Univers à travers le rayonnement X et gamma.

Depuis décembre 1970, le satellite américain Uhuru recherche et répertorie les images X du ciel. En mars 1972, l'engin européen TD-I s'est vu confier une mission comparable, mais dans le domaine des rayons gamma. Les premiers résultats illustrent bien l'apport considérable des techniques spatiales à l'astronomie. C'est une nouvelle vision de l'Univers qui, peu à peu, se dévoile.

Jusqu'en 1960, seules les radiations traversant l'atmosphère terrestre sans dommage parvenaient aux instruments des astronomes. Peu à peu, les ballons stratosphériques, les fusées-sondes, puis les satellites enfin, ont déchiré l'écran permanent tendu au-dessus de nos têtes par les couches atmosphériques. Ainsi put-on accéder à l'infrarouge et à l'ultraviolet lointains, de même qu'à certaines fréquences des ondes radio. Avec les satellites Uhuru et TD-I, on accède aux plus courtes longueurs d'ondes connues de la vaste gamme électromagnétique.

Au bout de l'échelle, dans les rayons gamma, qui sont aussi les plus énergétiques, une première source céleste était découverte en 1969 par un ballon australien (Journal de l'année 1969-70). Le nombre de ces objets ne dépassait pas, dernièrement encore, la demi-douzaine, l'un coïncidant probablement avec la célèbre nébuleuse du Crabe. Les astronomes comptent beaucoup sur TD-I pour compléter ces informations encore bien trop embryonnaires.

Le ciel vu aux rayons X est mieux connu. Grâce au satellite Uhuru, le nombre des sources détectées dépasse déjà largement la centaine. Les deux tiers de ces sources appartiennent à notre propre Galaxie ; elles s'étirent ainsi le long de la Voie lactée, projection de cette dernière sur le ciel. Le voisinage du centre de la Galaxie marque une concentration, concrétisée par une accumulation des sources X dans les constellations du Scorpion et du Sagittaire. Il semble qu'une zone X coïncide globalement avec la région infrarouge du noyau central galactique, siège d'une intense activité et responsable d'importantes émissions radio.

Les autres sources X de notre Galaxie paraissent se situer le long de ses bras spiraux, ou bien en leur voisinage, de part et d'autre du plan de symétrie galactique. Dans les deux cas, l'émission X se révèle liée à l'existence d'étoiles déjà anciennes, parvenues au déclin de leur vie cosmique.

Un tiers des sources est localisé dans des galaxies extérieures. Le très riche amas de galaxies situé dans la constellation de la Vierge se révèle à cet égard comme une zone privilégiée, sans doute en raison de sa distance encore relativement modeste.

Les sources X sont fréquemment variables en intensité, avec des périodes pouvant aller de un jour à quelques mois. Certaines émettent avec une régularité et une fréquence qui rappellent les caractéristiques des pulsars optiques, découverts en 1968. D'où leur nom : pulsars X.

Supernovae et novae

Les pulsars optiques montrent des variations d'éclat très régulières, dont la période reste comprise entre une large fraction de seconde et quelques secondes. Les pulsars X sont moins réguliers et leurs périodes un peu plus longues. Un pulsar fameux s'est révélé cependant être mixte et très régulier dans les deux gammes de radiations, optiques et X. C'est celui qui coïncide avec l'étoile de Baade, située dans notre Galaxie au cœur de la nébuleuse du Crabe.