Parmi les orchestres étrangers, mentionnons trois ensembles invités au cours de la saison du TNP : l'Orchestre symphonique de Chicago, dirigé par C.M. Giulini et G. Solti (qui en était le chef titulaire), l'Orchestre du Sudwestfunk de Baden-Baden, dirigé par E. Bour (en février), le BBC Symphony Orchestra, qui donne deux concerts sous la conduite de son chef permanent Pierre Boulez.

En province, où l'ensemble de la vie musicale se poursuit sans éclat, le seul événement marquant aura été la création de l'Orchestre philharmonique des pays de Loire (septembre), la troisième grande formation française après l'Orchestre de Paris et l'Orchestre philharmonique Rhône-Alpes. Le nouvel ensemble, dépendant de deux villes, Angers et Nantes, est doté d'un budget de 6,5 millions de francs et placé sous la direction de Pierre Derveaux.

L'art lyrique

Le théâtre lyrique demeure en France le principal critère d'évaluation des activités musicales d'une ville. Cela peut sembler étrange, alors que, dans ce domaine, la France a un retard considérable sur les grands pays d'Europe, que l'art lyrique exige des budgets importants qui sont octroyés en général au détriment des autres secteurs, et, enfin, qu'il ne s'adresse qu'à une partie restreinte de la population (les opérettes font souvent salle comble en province — dans des productions qu'il est préférable de ne pas juger —, mais elles touchent toujours le même public dont la moyenne d'âge ne cesse de s'élever).

La situation du théâtre lyrique en province reste inchangée : le nouvel opéra du Rhin, confié à Pierre Barrat, ne fonctionnera qu'en octobre 1972 et les grands centres sont toujours Lyon, Rouen, Marseille et Nancy.

L'opéra de Lyon domine l'actualité par la qualité de ses programmes et le travail d'animation dans la région que réalise l'équipe dirigée par Louis Erlo. Si la création de La passion selon nos doutes de Prodromides est un échec, en revanche la plupart des œuvres présentées au cours de la saison — Orphée aux enfers d'Offenbach, mise en scène de Louis Ducreux, Les noces de Figaro de Mozart, mise en scène de Gaston Benhaim, et Pelléas et Mélisande de Debussy, mise en scène de L. Erlo — peuvent prétendre égaler les représentations des grandes salles européennes.

Rouen, qui a fait sa réputation avec des opéras de Wagner, monte un Parsifal de haute qualité ; Nancy, qui dispose de moyens plus modestes, réunit pour Tristan et Yseult une distribution de premier plan (des interprètes de Bayreuth) et Marseille affiche une première française Les diables de Loudun, de Penderecki. Deux autres villes, cette année, sortent du rang : Grenoble, avec une remarquable représentation des Noces de Figaro, et Nice, avec un triptyque Darius Milhaud (Pauvre Matelot, Fiesta et Vendanges).

À Paris, l'Opéra, fermé la saison passée pour travaux (coût : 10,5 millions de francs pour moderniser les équipements de scène et rafraîchir la salle), ouvre ses portes en octobre par une éclatante Walkyrie, avec Régine Crespin, présentée dans la mise en scène de Wieland Wagner. Mais tous les problèmes sociaux ne sont pas résolus : soixante choristes et chanteurs sont toujours licenciés. Des concours de recrutement sont organisés pour reformer une troupe de chant. La direction de l'Opéra, que Rolf Liebermann, intendant de l'Opéra de Hambourg, prendra effectivement à la rentrée 1972, est assurée par Daniel Lesur et Bernard Lefort.

La programmation connaît des heurs et malheurs : l'excellent triptyque de Puccini voisine avec une médiocre interprétation de l'Heure espagnole (octobre), suivie d'un triste Barbier de Séville (décembre) et d'un véritable four, une œuvre de Kenton Coe, Sud (février). En revanche, Tristan et Yseult, dans la mise en scène de Wieland Wagner (janvier), est un succès. Entre les soirées lyriques, ballets et récitals comblent les faiblesses d'un programme de transition.

L'année de réouverture de l'Opéra aura été pour l'Opéra-Comique celle de son déclin. En octobre 1972, il devra céder la place à un Opéra-studio, dirigé par Louis Erlo, qui groupera une école d'art lyrique et un centre de création d'œuvres contemporaines. Le répertoire de l'Opéra-Comique sera représenté au théâtre de la Musique. Pour sa saison d'adieu, l'Opéra-Comique n'a pas montré son meilleur visage, et la seule production qui puisse être retenue est un ouvrage de Poulenc : Les mamelles de Tirésias.