Michel Cointat est élu député UDR de Fougères en 1967 (Ille-et-Vilaine). Il pourra d'emblée représenter le France à Bruxelles, où la présidence du Conseil des ministres échoit à notre pays pour le premier semestre 1971. Le 7 janvier, l'Élysée annonce que Michel Cointat succède à Jacques Duhamel. « Je serai entrepreneur davantage qu'architecte », déclare le nouveau ministre.

La colère des vignerons

C'est du Midi viticole que se lève le vent de la révolte. La récolte la plus importante du siècle (74,3 Mhl), après la récolte de 1935, encombre les chais. Les stocks de report de la précédente campagne sont normaux (30 Mhl), mais le négoce use des possibilités que lui offre le Marché commun du vin et achète des vins italiens, négligeant les places du midi de la France. Les cours s'effondrent. Pis, il n'y a pas de transactions. Le ministre facilite la souscription de contrats de stockage et invite les Italiens à freiner leurs exportations. Peine perdue. Le 18 février, à Béziers, 75 000 viticulteurs se rassemblent, à l'appel d'E. Maffre de Baugé, président du Comité régional d'action viticole. On craint le pire. Des voles ferrées sont barrées. Mais l'affrontement redouté avec les CRS n'a pas lieu. Le marché européen du vin est reconnu à Bruxelles en état de crise grave. Le stockage à six mois est décidé. Le gouvernement se dit déterminé à prendre les mesures qui permettent aux viticulteurs d'obtenir au minimum le prix de déclenchement des interventions de 7,10 F le degré hecto. La distillation éventuelle des excédents est mise à l'étude à Bruxelles. Un inspecteur général de l'agriculture, H. Ferru, est envoyé dans le Midi pour mettre sur pied des programmes d'action économique viticole. Les viticulteurs restent en état d'alerte. Ici et là, la nuit, la circulation ferroviaire est perturbée. Le siège du Comité national de défense contre l'alcoolisme à Bordeaux est plastiqué, ainsi que des installations de négociants. Le ministre invite (prime à l'appui) les négociants en vins à acheter davantage. L'encadrement du crédit continue à peser sur l'ensemble de l'agriculture. C'est un casus belli, affirme la FNSEA.

Un mort à Bruxelles

Les Français n'ont pas, dans leur majorité, une mauvaise opinion de l'agriculture : pour deux Français sur trois, révèle un sondage Sofres-Information 1re, l'agriculture est un secteur à préserver, même s'il n'est pas rentable, parce qu'il est indispensable à l'équilibre du pays ; près de 80 % des Français estiment que la plupart des exploitations sont trop petites pour être rentables. C'est aussi l'avis de S. Mansholt, qui prépare ses prochaines joutes européennes en croisant le fer avec Lucien Biset lors de l'émission À armes égales. Les agriculteurs se demandent quelle sera leur place dans la société de demain. G. Pompidou les rassure : il n'y a pas lieu d'envisager l'élimination de l'agriculture familiale ; la France parait prendre ses distances vis-à-vis du plan Mansholt.

À propos de ce plan, les décisions tardent, les agriculteurs s'impatientent. Une marche paysanne européenne sur Bruxelles est prévue pour le 23 mars, au moment où siègent les ministres. Plusieurs meetings paysans ont lieu à travers la France, à Lyon, Vienne, Lille, dans les jours précédents. Le 23 mars, 10 000 paysans français se joignent aux paysans belges, allemands, italiens. Des agriculteurs se déchaînent dans les rues de la capitale belge. La police est débordée, les magasins sont saccagés sur le passage du cortège. Les dégâts matériels sont considérables. On relève 150 blessés et un mort : un paysan de Namur ; il aura droit à des funérailles européennes. Mais après quarante heures de négociations, les six ministres de l'Agriculture adoptent les prix de la campagne 1971-72 et un ensemble de mesures d'aides à la modernisation de l'agriculture et à l'amélioration du revenu des agriculteurs. « Un grand pas en avant a été accompli », déclare M. Cointat, qui a conduit le marathon.

IVD européenne

Le caractère global des décisions prises est salué avec intérêt par les syndicats français. Pour la première fois, la politique des prix et la politique des structures sont liées : les Jeunes Agriculteurs sont satisfaits.