Toutefois, la conjoncture a joué en leur faveur. Le niveau de la demande est tel que la plupart des chantiers ne peuvent y répondre qu'avec retard ; au Japon, particulièrement, certains chantiers ne prenaient plus de commandes, fin 1970, que pour 1975. Les armateurs, pour gagner une année ou deux, préfèrent s'adresser aux chantiers moins saturés, même si les contrats se présentent alors d'une façon générale moins avantageuse pour eux.

C'est dans ces conditions que le principe de la révision des prix a pu quand même être généralisé en Occident au cours de 1970.

C'est évidemment un soulagement pour les chantiers français, mais à terme seulement, car les travaux en cours sont encore, pour la plupart, placés sous le régime ancien. Conséquence : la situation financière n'est bonne pour aucun constructeur de l'Hexagone, à l'exception des chantiers de la Méditerranée. L'ex-enfant malade de la construction navale française a terminé la rationalisation et le rééquipement de ses ateliers juste au bon moment pour prendre des commandes dans des conditions intéressantes. En outre, il a décroché des contrats pour des navires chers, par exemple 5 méthaniers, 4 porte-containers ou un cargo polytherme. Trait particulier avec son carnet de commandes actuel, ce chantier travaille à 100 % pour l'exportation (Grande-Bretagne, Hollande, Hongkong, URSS, etc.).

Record des commandes

Mais le cas de la Méditerranée est finalement assez représentatif de l'ensemble des constructeurs français, pour lesquels la conjoncture 1970-71 a présenté trois caractéristiques :
– niveau record des commandes : 5,3 millions de tjb (tonneaux de jauge brute) étaient en commande au 1 janvier 1971, soit 13 % de plus qu'en 1965. Pour les commandes comme pour le volume des lancements effectués en 1970 (1 million de tjb), la France garde sa place mondiale habituelle : quatrième ou cinquième, selon les modes de calcul, à égalité avec la Grande-Bretagne. Au cours du 1er trimestre de 1971, elle devance l'Allemagne de l'Ouest et monte à la troisième place, derrière le Japon et la Suède ;
– exportations en hausse : la moitié des commandes sont prises auprès d'armateurs étrangers. La proportion était de 46 % en 1969 et de 32 % en 1965 ;
– commandes de navires très élaborés : la France s'est affirmée en 1970 comme le spécialiste mondial des transporteurs de gaz. Son carnet de commandes (17 méthaniers) est unique.

Trois méthaniers, les plus gros du monde avec 120 000 m3 chacun, ont été commandés par El Paso (Texas) aux chantiers de France-Gironde ; c'est le contrat le plus important jamais signé par un chantier français : 800 millions de francs environ.

Selon les experts, ce créneau dans lequel se sont installés les chantiers français reste prometteur pour les années qui viennent. Rien, d'ailleurs, ne semble menacer sérieusement l'expansion de la construction mondiale, dans son ensemble, pas même une éventuelle réouverture du canal de Suez. Ces prévisions, ajoutées à la généralisation des contrats à prix réversibles, inciteraient donc à l'optimisme.

Risque de surcapacité

Mais trop d'optimisme nuit, pensent certains, qui regardent avec inquiétude les Japonais poursuivre un programme intensif d'équipement et la création de nouveaux chantiers. Or, déjà, il ne se passe pas une année sans que deux ou trois pays en vole de développement ne viennent rejoindre le club des constructeurs de navires. On risque, par conséquent, de se retrouver vers 1975 en état de surcapacité mondiale, et dans ces conditions un simple tassement des commandes risquerait d'avoir des répercussions sérieuses (le tonnage de la marine mondiale s'est accru de 7,4 % entre juillet 1969 et juillet 1970 ; celui de la flotte pétrolière de 11,3 %).

Électricité/électronique

Progrès exceptionnels des exportations

La progression exceptionnellement forte des exportations (+ 42 % par rapport à 1969) est le trait dominant des activités de la construction électrique et électronique en 1970. Ce taux est supérieur de moitié à celui de toutes les ventes françaises à l'étranger, du quart à celui des exportations de produits manufacturés.