Les membres de la chambre d'agriculture de l'Hérault démissionnent. G. de Caffarelli, le président de la FNSEA, avertit : « Des manifestations agricoles hors du cadre de la légalité sont à prévoir. » Effectivement, dans une demi-douzaine d'agglomérations bretonnes, dans la nuit du 8 au 9 septembre, des bidons de lait sont déversés devant des perceptions, les administrations, le domicile des députés.

Attentif à ces oubliés, Jacques Duhamel réunit une sorte d'états généraux de l'élevage à Grignon, le 10 septembre, et promet qu'avant le 10 octobre des décisions seront prises.

À Bruxelles, les 28 et 29 septembre, il interpelle ses collègues européens : l'évolution de la situation des marchés de certains produits a fait apparaître l'inefficacité des modalités de gestion communautaire actuellement en vigueur. Le ministre français fait diverses propositions ; S. Mansholt, lui aussi, constate « le profond malaise » qui existe dans le monde paysan, malaise dû à la dégradation du revenu agricole, et demande aux ministres d'engager une action simultanément dans trois domaines : prix, aides sociales, aides à la modernisation. Le nouvel épisode de la bataille du plan Mansholt va s'engager.

Pour mettre tous les atouts dans son jeu, l'obstiné S. Mansholt entreprend une tournée des capitales européennes. Il vient sur place, le 1er octobre, consulter les dirigeants agricoles français.

Mais à Paris l'heure en est encore aux mesures nationales permettant d'effacer les effets de la dévaluation du franc : les prix agricoles antérieurs doivent être progressivement réalignés sur les prix communs européens, le gouvernement donne la priorité au rattrapage des prix des produits animaux.

Dès le 7 octobre, dans un long communiqué, Jacques Duhamel fait connaître les décisions gouvernementales : le rattrapage pour les produits laitiers aura lieu en deux étapes : la première est immédiate, l'autre est fixée au 15 janvier. Le prix du beurre est relevé de 20 centimes ; le rattrapage complet est réalisé pour le bœuf. Pour soutenir les cours du porc et des volailles, des caisses professionnelles sont créées. Le marché du mouton est davantage protégé. Les importations de vins sont suspendues jusqu'à la fin décembre.

Constatant de « graves insuffisances » dans ces décisions, la FNSEA décide d'organiser une journée nationale d'action le 5 décembre, afin d'obtenir un rattrapage complet immédiat du prix du lait par rapport au prix européen, un relèvement de ce dernier et l'achèvement total du Marché commun agricole.

Les précisions défavorables sur l'évolution du revenu agricole préparées par les experts officiels contribuent à accroître le malaise. Plus de 100 000 paysans répondent au mot d'ordre de leurs syndicats : le 4 décembre, le gouvernement modifie le contrat de programme qu'il a passé avec les industriels laitiers ; ceux-ci pourront augmenter leurs prix de 3,5 %, dont une partie doit bénéficier aux producteurs.

Prenant l'initiative, G. Pompidou a relancé à La Haye les négociations européennes autour du triptyque achèvement, élargissement, renforcement. Le gouvernement demande aux experts du Plan de réviser en hausse leurs prévisions sur le revenu agricole.

L'année s'achève dans la morosité. Fatigué, Jacques Duhamel demande à quitter le ministère de l'Agriculture pour le ministère des Affaires culturelles, non sans avoir fait voter par le Parlement un texte de loi introduisant un système de baux à long terme et un autre texte élargissant le rôle des groupements fonciers agricoles. (Journal de l'année 1969-70)

Groupements forestiers

Un projet sur l'amélioration des structures forestières a été présenté à l'Assemblée nationale. Il vise à offrir aux collectivités des possibilités de regroupement de leurs forêts pour améliorer la structure des massifs (13 800 communes ou sections de commune se répartissent 2 350 000 ha de forêts). Il tend également à favoriser, par l'attribution de primes, la création de groupements forestiers entre propriétaires privés dont les bois seront situés dans des périmètres forestiers.