Le 9 février 1971, une manifestation organisée à Paris par le Secours rouge en faveur des grévistes est dispersée par la police. Un manifestant, Richard Deshayes, membre du mouvement Vive la révolution, est grièvement blessé au visage. Cet incident va être à l'origine d'une campagne des gauchistes contre ce qu'ils appellent les « brigades spéciales » de la préfecture de police, qu'ils accusent de se montrer particulièrement violentes. C'est notamment dans le dessein de réclamer leur dissolution que des jeunes gens occupent l'église du Sacré-Cœur, à Paris.

Cette campagne vise également les dépositions de policiers en justice. Combien de fois n'a-t-on pas vu, d'un côté, les prévenus nier les charges retenues contre eux et, de l'autre, des policiers les accusant formellement ? Le cas le plus retentissant fut sans conteste celui du lycéen Gilles Guiot, que la cour d'appel de Paris devait relaxer (le 19 février) au bénéfice du doute. Dans l'attente de l'arrêt de la Cour, le boulevard Saint-Michel, envahi par de jeunes manifestants, avait pris un moment l'aspect de mai 1968.

Mise ainsi systématiquement en cause, la police va à son tour entrer dans la contestation, si l'on peut dire. À la demande de ses syndicats, elle descend dans la rue (le 4 mars 1971) pour expliquer les difficultés de ses tâches et dire qu'elle ne correspond pas à l'image que font d'elle ses accusateurs. Des dialogues s'engagent ainsi aux carrefours de la capitale entre des gardiens de la paix et des passants.

Ce phénomène de l'agitation, qui est même venu, le temps d'un mouvement d'humeur, s'emparer des policiers en tenue, prend les aspects les plus divers et apparaît dans des secteurs très variés, car il finit par devenir un mode d'expression d'un mécontentement latent dans les jours ordinaires. Ainsi s'expliquent bien des manifestations, comme celle, en automne, en faveur de l'amélioration des transports publics de la Région parisienne.

De la tragédie de Saint-Laurent-du-Pont au drame de Sallen

La Toussaint 1970 est marquée par le sceau de la mort. Le dimanche 1er novembre, 147 personnes, essentiellement des jeunes gens et des jeunes filles, sont victimes d'un incendie qui s'est déclaré dans une salle de bal, le 5-7 à Saint-Laurent-du-Pont (Isère). La tragédie (au cours de laquelle certaines familles ont perdu plusieurs de leurs enfants) soulève d'horreur la France entière. Elle va ouvrir un débat sur les responsabilités dans ce genre de catastrophe.

Le 5-7 avait ouvert quelques mois plus tôt. Ses propriétaires, des gens assez jeunes, dont un seul devait survivre, avaient voulu créer en bordure de la route nationale un établissement à la mode : un restaurant, une salle de danse à l'ambiance psychédélique, installée dans un vaste hangar. Le succès avait en quelques mois dépassé toutes leurs espérances. On venait, et on était venu encore cette veille de Toussaint, par services d'autocars spéciaux, d'Aix-les-Bains, de Chambéry ou de Grenoble, pour se distraire dans l'original décor du 5-7 : une série de petits salons, aux allures de grottes, reliés entre eux par d'étroits boyaux et surmontés par un balcon circulaire auquel on accédait par un escalier en colimaçon.

Le matériel employé était du polyester, tandis que le mobilier avait été fabriqué avec une matière nouvelle à base de carton durci : de là allait venir le drame.

Une centaine de couples, à 1 h 45 du matin, se trouvent encore sur les pistes et évoluent au rythme de l'orchestre pop des Storm quand, soudain, un nuage de fumée apparaît au premier étage. Les danseurs se précipitent vers l'entrée : celle-ci est barrée par un tourniquet servant à décompter les clients. D'autres se ruent vers les sorties de secours ; elles sont fermées à clé pour interdire l'accès à d'éventuels resquilleurs. Quelques-uns, cependant, découvrent une porte ouverte : elle leur permettra de s'échapper.

Au milieu de la cohue et de l'affolement, le feu, qui trouve dans le polyester et le carton bouilli un aliment de choix, prend d'énormes proportions et dégage des gaz suffocants. Bientôt, sous l'effet de la chaleur, le plafond se liquéfie et s'abat sur les malheureux, les enveloppant dans une nappe de matière plastique brûlante...