Enfin, le pape se refuse à condamner d'un bloc tous les socialismes. Il reconnaît que certains mouvements socialistes sont fondés sur une « aspiration généreuse » et la « recherche d'une société plus juste », et admet que des chrétiens puissent s'y insérer. Cette attitude est d'autant plus remarquée que Léon XIII et Pie XI avaient condamné globalement le socialisme. Mgr Ferrari-Toniolo, prélat de Curie choisi par Paul VI pour présenter sa lettre à la presse, explique ainsi cette évolution : « Jadis, il n'existait qu'une seule forme de socialisme. Aujourd'hui, la situation est plus complexe [...]. Aujourd'hui, l'attitude de l'Église est certainement plus compréhensive et plus attentive à l'évolution historique. » Ainsi, la lettre apostolique confirme l'orientation d'un pontificat soucieux, comme aux premiers siècles de la chrétienté, d'aller aux « barbares ».

Plus de catholiques moins de prêtres

Entre 1968 et 1970, le nombre des catholiques a augmenté de 10 millions, pour atteindre, au début de 1971, le chiffre de 526 604 110. Par contre, le nombre des prêtres séculiers a diminué de 1 190 pendant la même période, pour se fixer à 236 167. Celui des prêtres réguliers (religieux) s'établit à 115 542. Inquiétude pour l'Église : le nombre des ordinations continue de baisser. Il a été, en 1970, de 4 063, ce qui représente une baisse de 12 % par rapport à l'année précédente.

Le célibat toujours en question

À la veille du synode des évêques qui doit à nouveau étudier le statut des prêtres, en préface à cette assemblée, de nouvelles et fortes pressions s'exercent pour que la hiérarchie de l'Église renonce à l'obligation du célibat pour les prêtres. Une assemblée des prêtres européens réunie à Genève du 20 au 23 avril se prononce clairement pour l'ordination d'hommes mariés, et aussi de femmes. En outre, une majorité paraît s'y dessiner pour souhaiter une libéralisation de la discipline en ce qui concerne le mariage des prêtres. Cette prise de position a d'autant plus de retentissement que les prêtres présents, appartenant à quatorze pays, ne sont pas des contestataires, mais des hommes qui occupent d'importantes responsabilités officielles. À la même époque est publié le résultat d'un vaste sondage organisé aux États-Unis à la demande de l'épiscopat : 54 % des prêtres interrogés souhaitent l'abandon du lien obligatoire entre sacerdoce et célibat. Ce souhait est quasi unanime chez les prêtres de moins de trente-cinq ans. Le 28 avril, l'épiscopat américain lui-même se prononce pour l'ordination d'hommes mariés.

Dans le monde

France

Comme l'Église universelle, l'Église de France est hantée par la question des rapports entre fol et politique. En juillet 1970, Mgr Riobé, évêque d'Orléans, proteste contre la vente au Brésil, par la France, de 16 avions Mirage III. « Comment, demande-t-il, accepterions-nous de nous enrichir de la vente de ces armes à un pays où tant d'hommes sont privés de pain et de liberté ? » Le mouvement Pax Christi, présidé par le cardinal Paul Gouyon, archevêque de Rennes, propose, en novembre, la création d'une Agence nationale de désarmement. En juillet, 2 000 participants à la Semaine sociale de Dijon s'interrogent sur la « situation des pauvres dans les sociétés riches » et condamnent un monde « dominé par le prestige, l'égoïsme ou le profit ».

Mais le problème des rapports entre foi et politique est surtout posé lors de l'Assemblée plénière annuelle de l'épiscopat français, à Lourdes (26 au 29 octobre 1970). Cette Assemblée est précédée, du 22 au 24 octobre, d'une session pastorale à laquelle participent — outre les évêques — 29 laïcs, dirigeants de mouvements catholiques, 11 prêtres, 12 religieuses et 7 religieux. Les laïcs, en particulier, insistent, au cours de cette réunion, sur l'importance que revêt à leurs yeux le fait politique, et plusieurs d'entre eux indiquent qu'ils ont choisi une orientation socialiste. Les évêques, lorsqu'ils se retrouvent entre eux en Assemblée plénière, décident d'organiser la recherche sur ces questions : « L'Église peut-elle parler politique au nom de la foi ? Si oui, quelle peut être cette parole ? Qu'a-t-elle à dire comme Église ? »