On a pu calculer qu'en France la retraite généralisée à 65 ans alourdit la charge globale des actifs de 18 %; la retraite généralisée à 60 ans l'alourdirait de 85 %.

Aux États-Unis, où l'âge de la retraite est assez variable selon les secteurs d'activité et les entreprises, il faudra bientôt 100 personnes actives pour subvenir aux besoins de 28 retraités de plus de 60 ans. Le véritable dilemme se trouve dans la question : faut-il augmenter le nombre des retraités ou augmenter les retraites ?

Le dilemme n'est pas seulement économique. La gérontologie sociale est une science neuve qui tente de concilier les points de vue des médecins, des sociologues, des économistes et des démographes.

Ségrégation dangereuse

Depuis plusieurs années, les sociologues américains se déclaraient partisans du désengagement du troisième âge : après une vie de labeur, il paraissait évident que les hommes et les femmes au seuil de la vieillesse éprouvent moins d'intérêt pour les problèmes professionnels, sociaux, familiaux et aient tendance à se replier sur eux-mêmes. On évoquait l'égoïsme bien connu des personnes âgées et on pensait que leur fournir une retraite paisible, loin des bruits du monde, était la meilleure manière d'honorer les cheveux blancs.

Des études récentes effectuées dans plusieurs pays développés ont montré qu'un grand nombre de retraités regrettent leur période d'activité et ne demanderaient pas mieux que de la prolonger, sous une forme allégée. Un dixième des Danois, un cinquième des Anglais et des Polonais, un quart des Américains retraités auraient aimé conserver une occupation (en grande partie pour des raisons financières). En Norvège, où la retraite est pourtant à 70 ans, le quart des retraités conservent une activité. Il en est à peu près de même en Suède, où la retraite officielle est à 67 ans.

Ces considérations ne valent que pour ceux qui n'ont pas exercé un métier trop monotone ni trop harassant. C'est le cas de nombreux cadres, mais aussi celui d'employés de bureau et de certains techniciens.

Le problème est d'importance, car la masse des retraités risque de constituer bientôt dans les pays industrialisés des groupes de pression de tendance conservatrice qui peuvent jouer un rôle néfaste dans l'évolution technique et sociale du pays.

Mort sociale

Les sociologues américains s'inquiètent depuis quelques années de ce phénomène ; ils assurent que, dans plusieurs cas, ce sont des groupes de retraités qui ont empêché, par exemple, la construction de nouveaux établissements scolaires ou sportifs. Non en raison de leur âge, mais de leur situation : ayant rompu tout contact avec la vie active, ils lui sont hostiles.

S'il paraît urgent d'assurer une existence matérielle décente aux retraités, il semble aussi important de leur éviter la véritable mort sociale qu'est souvent l'interruption brutale de toute activité.

L'OCDE a publié en 1970 une étude sur la flexibilité de la retraite. Parmi les solutions proposées : l'alternance, pendant la vie active, des périodes d'éducation, de formation, de repos et de loisirs. Au moment où les nécessités de l'éducation permanente et du recyclage périodique ne sont plus contestées par personne, un tel système pourrait largement faciliter leur institutionnalisation. Il permettrait aux retraités de conserver ou de reprendre des activités, à plein temps, à temps partiel ou, pour ceux qui n'ont pas de difficultés financières, des activités bénévoles.

En Suède, les cours du soir (qui vont des mathématiques au chant choral en passant par les langues étrangères et la céramique) sont largement fréquentés par les personnes âgées, et des formations à des emplois de gardiens d'immeubles ou d'aides ménagères à temps plein ou à temps partiel sont proposées aux retraités des deux sexes.

À Grenoble, l'Office des personnes âgées utilise les services d'un nombre grandissant de retraités pour animer (bénévolement) les clubs de loisirs destinés aux hommes et aux femmes du troisième âge.

L'avion et le bal

Contrairement à une opinion, elle aussi, trop répandue, la plupart des personnes âgées, si elles sont encore en bonne santé, ne demandent pas mieux que de participer à la vie de leur époque. Une enquête faite en 1969 pour le Centre national de la recherche scientifique prouvait ainsi que la majorité des grands-parents se montrent plus intéressés que critiques à l'égard des habitudes des jeunes. Dans l'ensemble, ils sont moins sévères que les parents pour les tenues vestimentaires, le langage et le comportement général de leurs petits-enfants. S'ils manifestent une méfiance assez généralisée pour les achats à crédit, les aliments en conserve et surgelés et l'habitation dans des immeubles-tours, ils se déclarent, en revanche, tout acquis aux textiles synthétiques... et aux voyages en avion. Les jeunes gens et les jeunes filles, de leur côté, déclarent souvent trouver plus de compréhension (et de patience) chez leurs grands-parents.