La grippe est la porte ouverte à de multiples complications. Elle a tué en 1969 plus que la tuberculose pulmonaire : 15 459 morts contre 4 746. Elle fait perdre des millions de journées de travail, paralyse quelquefois des secteurs vitaux pour la nation, oblige à interrompre les cours dans les écoles et les facultés. Elle coûte cher à la Sécurité sociale et grève lourdement le budget public. On peut la placer au rang des grandes catastrophes et on comprend tout l'intérêt de la campagne officielle d'information, en dépit du fait qu'en 1970-71 aucune épidémie grippale n'a touché la France, à part quelques foyers. Ces périodes de calme, en réduisant le taux d'immunisation naturelle de la population, sont suivies de retours offensifs d'autant plus redoutables qu'entre-temps l'agent infectieux a pu évoluer.

Existe-t-il un traitement de la grippe ? À proprement parler, non. Cela se limite à garder la chambre, à boire chaud, à prendre de l'aspirine. Si le médecin prescrit d'autres produits, c'est pour stimuler les défenses naturelles ou prévenir une éventuelle surinfection. On cite çà et là des traitements spécifiques, mais ils n'en sont qu'au stade expérimental.

Trois virus

Comme il est impossible d'empêcher la contagion directe, la vaccination préventive reste la seule véritable arme disponible à ce jour. Le virus grippal est un myxovirus dont on connaît actuellement trois types principaux : A, B et C. Si les types B et C semblent relativement stables, le type A subit des variations antigéniques mineures ou même de véritables mutations. Cela explique partiellement que l'immunité conférée par la maladie ne soit pas très durable ; les mutations rendent compte des pandémies périodiques (1918, 1957). On a pu définir des sous-types : A0 (1933-1946), A1 (1946-1957), A2 (depuis 1957, dont la souche Hong-kong 1968). Les virus de type A sont à l'origine des épidémies saisonnières et des pandémies, le type B de certaines épidémies localisées et le type C de cas sporadiques. Enfin, les myxovirus diffèrent des rhinovirus : on ne peut pas attendre d'un vaccin contre la grippe qu'il protège contre les rhumes de cerveau.

Les vaccins actuels sont des suspensions de virus grippaux inactivés (on dit parfois improprement « tués ») et leur composition doit être modifiée périodiquement en fonction des données épidémiologiques. Fin 1970, trois vaccins ont été préparés en France. Deux, commercialisés par l'Institut Mérieux et par le Laboratoire Phillps-Duphor, ont une composition identique — A2 Hong-kong/1/68, B/78 Pays-Bas/66 — et sont des vaccins fluides. L'autre, de l'Institut Pasteur, contient les souches A2 Hong-kong/68, A0 PR8/34, BS/67, et est adsorbé sur hydroxyde d'aluminium pour accroître son efficacité. Tous sont présentés en ampoules-seringues et s'administrent en injection sous-cutanée (profonde pour le vaccin Pasteur). Une injection suffit chez l'adulte dans la plupart des cas ; un rappel annuel est nécessaire afin d'entretenir et d'actualiser l'immunité. En dehors des contre-indications générales aux vaccinations, ces vaccins, du fait de leur mode de préparation, ne s'administrent pas aux sujets authentiquement allergiques à la protéine de l'œuf.

Sont-ils efficaces ? Les résultats communiqués par les médecins et par les collectivités font état de 70 à 80 % de protection après une injection. Les recherches poursuivies ne pourront qu'augmenter et élargir leur pouvoir antigénique et les rendre plus pratiques d'emploi (voie pernasale ou autre). En conclusion, si les quantités de vaccin disponibles invitent à vacciner en priorité les personnes âgées, les insuffisants respiratoires, les femmes enceintes (après le 3e mois de grossesse), les sujets fragiles, on peut espérer qu'une politique de production, de remboursement (ou même de gratuité) mieux adaptée, peut-être la mise au point d'une thérapeutique spécifique, arrivent à tenir la grippe en échec. On ne peut ni ignorer ni négliger un problème socio-économique de cette importance.

Retour du choléra

Possibilité de réapparition d'une maladie que l'on croyait historique ; difficulté d'empêcher la propagation de germes infectieux dans un monde que les avions de ligne parcourent en quelques heures ; nécessité d'une réglementation sanitaire adaptée aux connaissances actuelles et d'un organisme international doté de pouvoirs suffisants pour l'imposer ; tels sont quelques-uns des enseignements laissés par l'épidémie de choléra qui a éclaté durant le second semestre de 1970, gagnant le pourtour du Bassin méditerranéen, l'Orient et l'Afrique.