L'Orchestre national, partiellement diminué, quoi qu'on dise, par la publicité souvent excessive faite autour de l'Orchestre de Paris, semble manquer de ressort. Il faut dire que, depuis un an, ses programmes n'ont pas été exaltants et résultent plus du caprice des chefs que d'une véritable conception d'ensemble. À cet égard, la politique artistique de son nouveau directeur, Jean Martinon, est infiniment plus conventionnelle que celle de son prédécesseur, Maurice Le Roux. Et on ne rend pas cette convention plus séduisante par une qualité d'exécution supérieure, loin de là. Mais, avec un peu d'imagination, de volonté et de travail, il serait facile de sortir de ce qui n'est sans doute que somnolence ou dépression passagères.

Le problème de l'Orchestre philharmonique est plus délicat : une véritable reprise en main et à la base est indispensable après la crise de discipline et d'autorité dans laquelle cet ensemble est demeuré pendant de longs mois. Le second orchestre de l'ORTF est parvenu, après de multiples manifestations, à se débarrasser d'un chef qui ne lui plaisait pas, Charles Brück. Il devrait maintenant retrouver un rythme normal.

Moins en vue que les précédents, l'Orchestre lyrique, voué à l'opéra, est dirigé habituellement par Pierre-Michel Le Conte. D'une façon à peu près constante, cet orchestre nous fournit un opéra par semaine, portant à la connaissance du public bien des œuvres oubliées, bien des chefs-d'œuvre négligés, et de nombreux ouvrages nouvellement écrits. Dans cette optique, Pierre-Michel Le Conte, secondé par les chefs extérieurs qu'il invite souvent, effectue un travail que les circonstances ne lui permettent peut-être pas de raffiner à l'extrême, mais très largement ouvert sur la plus large culture musicale.

Pour ce qui est de l'Orchestre de chambre, il est maintenant confié à l'un des chefs français les plus remarquables, André Girard. Sans publicité tapageuse, il poursuit, lui aussi, une politique de programmes échappant à la routine et recherchant la plus grande diversité de tendances et d'époques.

Citons, enfin, l'activité chorale de la maison : groupée maintenant entre les mains de Marcel Couraud, qui assume la direction générale de ces différentes formations, allant du grand chœur d'oratorio ou d'opéra jusqu'au petit chœur de madrigaliste. Parmi elles, les Solistes des chœurs de l'ORTF ont, actuellement, une place unique en Europe dans l'interprétation des polyphonistes anciens. Les musiciens d'avant-garde sont aussi à leur répertoire.

Une chaîne enviée

À côté des concerts proprement dits, des émissions musicales de toutes sortes continuent de se succéder sur les antennes de France-Musique et de France-Culture : émissions d'information ou de vulgarisation musicale et musico-logique ; magazines de l'actualité musicale sous toutes formes plaisantes ou austères ; retransmissions de festivals français ou étrangers ; célébration permanente, à un rythme hebdomadaire, du bicentenaire de Beethoven au cours de l'année 1970, etc. Il est certain que la chaîne France-Musique, qui diffuse de la musique classique de sept heures du matin à minuit, est une fontaine de musique que nous envient tous les pays étrangers : nulle part il n'existe une telle possibilité de culture musicale aussi constamment et largement ouverte. Dirigé par Charles Chaynes, le programme de France-Musique accueille toutes les tendances et toutes les époques, depuis le chant grégorien jusqu'au domaine musical. En outre, France-Musique organise des concerts-débats à Paris ou dans les grandes capitales régionales.

Parente pauvre

La musique à la télévision n'a pas changé de physionomie depuis plusieurs années. Les moyens administratifs et financiers actuellement consacrés à la télévision musicale ne peuvent permettre aucune action d'envergure ni dans l'exploitation du répertoire traditionnel ni dans le domaine de la création. Trois ou quatre émissions régulières se survivent : le talent de certains de ces producteurs ne saurait être mis en cause ; ce sont les moyens qui leur manquent, comme manque au responsable du service la possibilité de bâtir une véritable politique artistique à la mesure de cet exceptionnel instrument de communication.

La discothèque classique

La production des douze derniers mois se caractérise par l'amplification du mouvement déjà constaté l'année précédente : l'effort réalisé par les éditeurs en faveur de la musique contemporaine en ses manifestations les plus avancées. Cela traduit un phénomène qui est psychologique avant d'être commercial. Les éditeurs de disques ne sont pas des philanthropes ; s'ils publient beaucoup de musique actuelle, c'est pour qu'elle se vende. Et si elle se vend, c'est que le public d'aujourd'hui n'est plus séparé du créateur d'avant-garde comme il l'était autrefois. Toute une partie de ce vaste public vit avec la musique de son temps : le phénomène est assez insolite pour qu'on le signale. À côté de cette tendance générale, quelques manifestations particulières : la fin des publications pour le centenaire de Berlioz, le début de celles concernant le bicentenaire de Beethoven, et l'encyclopédie de l'orgue français entreprise sur les plus beaux instruments historiques français.

Beethoven en 75 disques

Dans le domaine berliozien, suite de la discographie monumentale à peu près complète réalisée sous la direction de Colin Davis, dont les plus récentes réussites sont Roméo et Juliette, le Te Deum, la Symphonie funèbre et triomphale et surtout le premier enregistrement intégral des Troyens en cinq disques, avec Vickers, Joséphine Veasey et Berit Lindholm, les chœurs et l'orchestre de l'Opéra royal de Covent Garden. La Damnation de Faust trouve une brillante interprétation avec l'Orchestre de Paris, sous la direction de Georges Prêtre, avec Janet Baker, Gabriel Bacquier et Nicolaï Gedda ; de même, le cycle vocal Nuits d'été avec Régine Crespin, sous la direction d'Ansermet.