Avec France-Musique, il ne s'agit plus de distiller de la culture, mais de donner satisfaction à un public d'amateurs au goût formé. Informations musicales, matinées symphoniques, concerts en direct, tribunes de critiques, récitals, soirées lyriques ou de musique ancienne offrent un vaste choix. Le volume horaire des émissions en stéréophonie augmente constamment (35 heures hebdomadaires au printemps 1970).

Longtemps en tête des sondages d'écoute, Europe no 1, qui avait mis dix ans pour imposer une formule d'avant-garde, connaît une crise grave. Après la décision, prise au début de l'été, de licencier huit journalistes, cinq autres membres de la rédaction donnent leur démission. Quittent ainsi la station, parmi les plus connus : Julien Besançon, René Duval, Paul Lefèvre, Maurice Bruzek, Guy Claisse, et les animateurs Jacques Ourévitch, Pierre Bouteiller et Maurice Biraud. À la suite d'un sondage peu favorable, le Conseil d'administration avait souhaité un changement de la formule. Une station commerciale est tributaire de son audience, puisqu'elle vit essentiellement de ses recettes publicitaires. Le style music and news (musique et informations) ayant, semble-t-il, fait son temps, il faut, coûte que coûte, trouver autre chose.

Le temps des erreurs passé, Michel Lancelot est un des rares animateurs à donner un ton personnel à son programme (Campus). Pierre Bonte fête le dixième anniversaire de Bonjour M. le Maire, tandis que le Feu de camp de René Goscinny s'évanouit, après trois mois d'existence. Des jeux (animés par Guy Lux ou Pierre Bellemare) aux noms troublants (Quiz-Bank, Qui-où-quand-comment, Ni-oui-ni-non, Zibus et Kafka) participent à cette guerre sans merci.

Les grands moyens

Pour gagner la bataille, RTL ne recule devant aucun sacrifice et recueille les transfuges de la télévision (Roger Couderc, Michel Colomès) et d'Europe no 1 (Julien Besançon) ; elle dispose de gros moyens : avion, péniche, voilier. Son directeur, Jean Ferran, et son secrétaire général, Michel Clerc, tous deux venus de la presse écrite, s'attachent à faire de leur programme une sorte de vaste magazine sonore, où l'auditeur peut facilement retrouver des rubriques fixes (éditorial, critiques, rubrique religieuse, chronique hippique, horoscope, courrier du cœur, recettes de cuisine, conseils en tous genres) et sait qu'il a des rendez-vous, selon son choix, avec des personnalités diverses : Pierre Dumayet, Peter Townsend, Philippe Bouvard, Jean Cau, Ménie Grégoire, Anne-Marie Peysson, Jean Bardin, Pierre Schneider et tant d'autres.

Grâce à la multiplicité des sujets traités, à la popularité de ses jeux (la Jugeotte, le Tirelipot) et à un réel effort dans le domaine de l'information, RTL compte, en semaine, environ 8 millions d'auditeurs, la moyenne quotidienne d'écoute étant de 2 h 30 par auditeur, avec un chiffre un peu supérieur chez les ménagères.

À noter que l'audience se répartit à peu près de la façon suivante : 45 % dans le nord de la France, 40 % dans le Bassin parisien, moins de 20 % en Bretagne et 2 % dans les régions méditerranéennes (avant les accords d'échange de programmes passés avec Sud-Radio.) Notons aussi que Radio-Monte-Carlo bénéficie dans ces régions d'une audience importante.

Reflet d'un monde en perpétuelle évolution, la radio dispose d'un vaste champ de possibilités afin de satisfaire un plus large auditoire. Le choc de mai 1968 semble avoir stimulé les imaginations ou tout au moins relancé l'émulation par le jeu des concurrences. Un privilège dont la télévision n'a pas la chance de disposer.

Chansons

Un style nouveau s'impose

Un phénomène capital bouleverse le monde de la chanson : la révolution de la pop'music. On ne peut faire le bilan des variétés sans l'évoquer : c'est un énorme déplacement d'intérêt du jeune public vers de nouveaux thèmes, vers une nouvelle expression musicale et vers une nouvelle forme de spectacle.

On a cru jusqu'à la mi-avril que c'en était fini de l'Olympia de Bruno Coquatrix et de la formule du music-hall des boulevards, écrasé par les taxes. Le Show Marcel Amont allait-il terminer en beauté l'histoire de cette salle qui, vingt-cinq ans durant, avait réussi de très belles programmations ? Une mesure de faveur du ministre des Finances a renfloué in extremis le navire sur le point de sombrer.

Tradition et renouveau

Bobino, pour sa part, continue à satisfaire une clientèle fidèle : Georges Brassens, Moustaki, Marie Laforêt, Guy Béart, Serge Lama, Catherine Sauvage, les Frères Jacques en ont été les têtes d'affiche. Mais çà et là se manifeste un désir d'autre chose. Léo Ferré chante à la Mutualité, où le climat est moins celui du music-hall que celui des meetings bouillants où les chansons sont acclamées comme des discours politiques. Jean Ferrat est le promoteur d'un grand spectacle au Palais des Sports. Ferrat gagne la partie. Brassens et Raymond Devos se trouvent associés dans un programme qu'ils promènent dans des salles de la périphérie de Paris. On bouleverse les vieilles habitudes et Yves Montand, de son côté, annonce pour le début 71 un tour de chant au Palais des Sports.