Par ailleurs, la suppression des droits de douane entre les Six, le 1er juillet 1968, se traduira, selon les estimations, par une baisse des recettes de quelque 800 millions. Les mesures de relance de la consommation, prises par Michel Debré, en février, devaient amplifier encore la diminution déjà nette des recettes budgétaires. L'impasse se situait alors à plus de 5 milliards de francs.

Par contre, deux taxes nouvelles sont créées, intéressant toutes deux les transports : une taxe à l'essieu frappera les camions, tandis que la hausse temporaire intervenue sur le prix de l'essence à l'occasion de la fermeture du canal de Suez, en juillet 1967, devrait être maintenue au profit du Trésor quand la situation internationale sera redevenue normale.

Ces allégements ne doivent pas masquer certaines évolutions moins voyantes, mais qui jouent en sens contraire, et, particulièrement, l'alourdissement continuel de la charge fiscale qui pèse sur les revenus des personnes physiques : le produit de cet impôt augmentera en 1968 de 18,9 %, du seul fait de l'inertie du barème fortement progressif et non corrigé de la hausse des prix. Le gouvernement s'est d'ailleurs engagé à présenter à l'automne 1968 un projet de réforme de l'impôt sur les revenus.

Stimuler l'économie

Finalement, le budget de 1968 apparaissait donc, au moment de son adoption par le Parlement, fort peu expansionniste.

L'évolution de la situation économique dans les premières semaines de l'année, la persistance du chômage ont conduit le gouvernement à prendre, fin janvier, des mesures de relance de l'activité qui devaient se traduire par des accroissements de dépenses et par des pertes de recettes, c'est-à-dire par un élargissement de l'impasse budgétaire, qui passait de moins de 2 à plus de 5 milliards de francs.

Ces mesures visent à stimuler la consommation (réduction de 15 % sur le tiers provisionnel de février, baisse de la taxe sur la viande, augmentation anticipée des allocations familiales et de l'aide aux personnes âgées) et l'investissement (accroissement des crédits au logement et à l'équipement régional, déductions fiscales pour certains investissements).

Au total, le gouvernement injectait 3 milliards dans l'économie pour lui donner un peu plus de vigueur. Et il annonçait en même temps son intention d'aller plus loin encore si nécessaire. La crise sociale de mai 1968 devait l'obliger à modifier plus profondément encore la structure du budget.

Bourse

Prudence devant les inconnues de l'avenir

Pour les grands investisseurs et les petits épargnants qui prennent l'année comme mesure de leurs placements, le début du mois de juin apparaît comme une meilleure césure que le traditionnel 1er janvier.

Juin 1968, avec la réouverture du marché financier de Paris après dix-sept jours de paralysie, ses nouvelles charges sociales pour les entreprises et la nation, les problèmes monétaires qui doublent les problèmes économiques et des élections, marque une période profondément différente du passé immédiat, et singulièrement sur le plan boursier par une fin brutale de l'euphorie de l'hiver et du printemps.

Le redressement

Le début de l'été 1967 apparaissait, au contraire, comme un temps de poursuite d'une érosion prolongée des cours qui avait provoqué, entre le 1er janvier 1967 et le début août, une baisse de 10 % à 15 %, suivant que l'on considère l'indice hebdomadaire ou quotidien des valeurs françaises. Il s'était pourtant passé un grand événement : après d'interminables atermoiements, l'amendement Vallon était passé du stade de l'épouvantail à celui du fait accompli, l'intéressement n'allait pas être un drame pour les sociétés.

De là venait, en partie, durant le creux de l'été, le redressement ample d'août et de septembre à la Bourse de Paris, qui, selon les mêmes indices, fut de l'ordre de 22 à 30 %. L'écart n'était pas plus considérable que celui qui s'était produit depuis le 1er janvier 1967 sur les banques suisses et allemandes et peu supérieur au mouvement des bourses belge et anglaise durant le même laps de temps.