Le cancer tue indistinctement les enfants et les adultes. Cependant, le nombre des décès par cancer s'accroît régulièrement avec l'âge.

Dérèglement cellulaire

L'épisode initial et décisif du cancer est un dérèglement cellulaire. Le cancer revêt des aspects différents selon l'organe atteint, mais la cellule cancéreuse possède des caractéristiques spécifiques de sa malignité. Les investigations de laboratoire s'efforcent d'en élucider l'origine et la nature.

Avant la Première Guerre mondiale, le premier cancer expérimental a été obtenu par un savant japonais, Yomagiwa. Sans doute inspiré par le médecin britannique Pott, qui avait observé dès 1775 les tumeurs des ramoneurs en les rapportant à l'imprégnation de leurs vêtements par la suie et le goudron, Yomagiwa choisit comme animal d'expérience le lapin et comme agent cancérigène le goudron. Ces deux éléments se sont révélés particulièrement favorables. À la chance s'ajouta la persévérance du chercheur, qui répéta patiemment ses badigeonnages de goudron, puisqu'il lui fallut six mois pour provoquer l'apparition de la tumeur.

À la même époque, Rous (le prix Nobel de 1966) avait découvert un virus dont l'inoculation provoquait l'apparition du cancer chez la poule.

Prolifération anarchique

Dès les premiers temps de la recherche cancérologique étaient donc apparues deux orientations. Le déclenchement du processus cancéreux peut être obtenu par des agents chimiques et biologiques. À ces notions s'est ajoutée celle des effets cancérigènes des radiations.

La prolifération des cellules cancéreuses n'est pas foncièrement différente des processus qui assurent l'entretien de tout organisme vivant par renouvellement régulier des tissus. C'est l'anarchie de la multiplication cancéreuse qui engendre sa malignité.

Toute reproduction cellulaire s'accomplit selon un mécanisme génétique qui assure la transmission des caractères héréditaires dans la lignée cellulaire. Le cancer apparaît comme un dérèglement de ce mécanisme. Les acquisitions récentes de la biologie moléculaire en génétique projettent donc des lumières sur les phénomènes cancéreux.

À l'intérieur des cellules, l'information génétique est portée par le noyau lui-même, constitué essentiellement par les acides nucléiques : acide désoxyribonucléique ou ADN, et acide ribonucléique ou ARN. L'ADN commande la vie cellulaire par le truchement de l'ARN, qui est son messager. L'ARN réquisitionne, en effet, dans le corps cellulaire, certaines formations qui règlent les réactions chimiques en constituant ce que l'on a pu décrire comme des chaînes de montage des acides aminés indispensables à la vie.

Tous les agents cancérigènes ont ce caractère commun qu'ils bouleversent le message génétique : il apparaît dès lors perturbé dans sa forme et responsable des anomalies de la vie cellulaire dans les tissus tumoraux.

La disparition du virus

Il est difficile de préciser la nature du trouble induit par les agents physiques ou chimiques, mais l'observation des cancers provoqués par des virus a permis des découvertes très importantes. Les virus responsables des cancers ne contiennent qu'un seul acide nucléique : ADN ou ARN. Le virus du cancer de Rous est un virus à ARN. Quand il est inoculé à des cellules de tissu en culture, en dehors de tout organisme vivant, il modifie les propriétés de ces cellules. Quand cet échantillon cellulaire transformé est inoculé à l'animal, il évolue en tumeur cancéreuse. Le virus a donc conféré à la cellule un potentiel de malignité qui se développe au sein de l'organisme vivant.

On n'a jamais pu trouver de virus dans les tumeurs malignes humaines, mais on connaît des virus cancérigènes expérimentaux qui provoquent des tumeurs au niveau desquelles il n'est plus possible de retrouver l'agent responsable.

C'est le cas du virus de Rous lui-même quand on l'utilise pour provoquer un cancer non plus chez la poule, mais chez le hamster, le processus malin se développant alors sans qu'il reste trace du virus agent de la malignité. Ce fait en apparence surprenant — l'impossibilité de retrouver le virus au sein même de la tumeur dont on a toute raison de le croire responsable — a été particulièrement étudié par le professeur Renato Dulbecco (États-Unis). Il a établi que le virus cancérigène s'incorpore complètement au matériel génétique de la cellule infectée, lui apportant ses propres fonctions héréditaires, dont certaines déterminent le caractère de malignité.