Ils répétèrent l'expérience avec un extrait de bactérie ayant subi une mutation qui supprime le gène régulateur, et cette fois aucune fixation de β-galactose ne se produisit. Il s'agissait donc bien d'une fixation spécifique du répresseur dans la première expérience.

Gilbert et Müller Hill montrèrent que ce répresseur est une protéine d'un poids moléculaire de 150 000 à 200 000 ; les bactéries contiennent environ 10 molécules de répresseur par exemplaire de gène régulateur. Ce beau succès ne devait pas longtemps demeurer isolé.

Dès le mois de février 1967, Mark Prashne, travaillant dans le même laboratoire, publiait ses résultats concernant l'isolement d'un autre répresseur, le répresseur du bactériophage.

Le bactériophage est un virus qui infecte les bactéries, mais certaines bactéries possèdent un gène particulier qui réprime le virus qu'elles hébergent et le maintient dans un état inoffensif.

Prashne a isolé le répresseur contenu dans ces bactéries. Il a constaté que c'est une protéine acide d'un poids moléculaire plus petit que celui du répresseur lactose : il ne dépasse guère 30 000.

Une voie nouvelle

Il est donc prouvé que les répresseurs spécifiques existent chez les bactéries.

Certes, il est permis de se demander si les cellules des êtres supérieurs ne comportent pas des mécanismes de régulation différents. De nouveaux travaux sont nécessaires pour éclaircir ce point, mais dès à présent une nouvelle voie est ouverte. L'étude des répresseurs permettra aux biochimistes d'avancer encore plus loin dans la connaissance des mécanismes fondamentaux de la vie.

Médecine, chirurgie

Les progrès de la thérapeutique du cancer

Le prix Nobel de physiologie et de médecine a été attribué en 1966 à deux cancérologues. À Lyon, un centre international contre le cancer s'est installé sous la direction du docteur John Higginson. Enfin, à Tōkyō, le IXe Congrès international du cancer (23-29 octobre 1966) a pris l'aspect d'une mobilisation scientifique. Il a rassemblé plus de 6 000 médecins et biologistes, et on y a présenté 1 358 communications.

La coïncidence de ces trois événements montre à quel point, au cours de l'année écoulée, la lutte contre le cancer a continué de prendre une place toujours plus grande.

De ce redoublement d'efforts entrepris pour combattre le fléau, l'opinion publique, et surtout les millions de malades directement intéressés, ont-ils recueilli la bonne nouvelle tant attendue, celle d'une victoire définitive remportée par la science sur le cancer ? Il ne le semble pas encore.

L'énorme somme de travaux présentée à Tōkyō n'a pas été couronnée par la révélation d'acquisitions spectaculaires. Cette entreprise gigantesque vers laquelle se dirigeaient, selon l'image du professeur Yoshida (Japon) dans son discours d'ouverture, « les yeux tristes des malades du monde entier » n'a pas fait connaître de découverte révolutionnaire, de thérapeutique entièrement inédite. Les participants ont surtout exposé des théories, confronté des hypothèses, précisé des techniques. Mais le bilan de leurs travaux fut bien loin d'être négatif.

Il s'en est dégagé, au contraire, pour la première fois peut-être, un certain optimisme. Il est dû d'abord au fait que les recherches fondamentales sur l'origine du cancer, longtemps poursuivies dans des voies divergentes, tendent maintenant à se rejoindre.

Les chercheurs s'efforcent désormais d'élucider les conditions générales de la cancérisation, afin de promouvoir des traitements dirigés contre le dérèglement cellulaire initial et les conditions complexes qui le permettent ou le favorisent. En attendant, les actions thérapeutiques locales gagnent toujours en efficacité : il apparaît que 4 cancéreux sur 10, environ, sont maintenant guéris.

Dans l'ordre de la recherche, les travaux vont de l'infiniment petit aux dimensions planétaires, puisqu'ils concernent les virus, l'immunologie, la biochimie, la génétique et aussi la répartition géographique du cancer.

96 355 Français sont morts du cancer en 1965

La progression du cancer en France depuis quarante ans est impressionnante. Les décès ont plus que triplé. En 1925 : 30 135 ; en 1945 : 57 242 ; en 1965 : 96 355. Depuis deux ans, la progression est moins forte ; seulement 1,4 % en 1964 et 1 % en 1965. Il n'est pas interdit de parler de régression, si l'on considère l'augmentation régulière de la population, 1 % par an environ. La maladie frappe plus sévèrement les hommes que les femmes, et les premiers supportent presque seuls l'augmentation de mortalité.