Un spectacle, au festival de Salzbourg, a tout en même temps choqué et enthousiasmé : la nouvelle version scénique de la Carmen de Bizet, mise en scène et dirigée par Herbert von Karajan qui, dans un style très personnel et audacieux, a décidément rompu avec toutes les traditions de cet ouvrage. À Salzbourg encore, la création mondiale du nouvel opéra de Hans Werner Henze, Die Bassariden, d'après les Bacchantes d'Euripide, sur un livret de W.-H. Auden et Chester Kalmann. Le jeune compositeur allemand renouvelle son style musical comme sa conception lyrique, et nous offre un opéra du plus pur et délirant style baroque.

Un mobile musical

En septembre, le festival de Berlin nous proposait la création mondiale du nouvel opéra du compositeur autrichien Roman Haubenstock-Ramati, Amerika, d'après Kafka. L'ouvrage, monté dans un grand luxe de mise en scène, a été un échec devant le plus brillant auditoire international de la saison : partition musicalement très maigre et parfaitement étrangère à l'ambiance kafkaesque.

Par contre, le festival d'opéra contemporain de Hambourg, dirigé par Rolf Liebermann, nous offrait, aussitôt après, la création de The Visitation, drame lyrique du compositeur américain Gunther Schuller qui transpose le Procès de Kafka dans le cadre du problème noir aux États-Unis, et qui fait une magistrale synthèse entre la technique sérielle libre et l'utilisation du jazz.

Dernier festival de la saison, les Journées de musique contemporaine de Donaueschingen ne nous ont pas apporté beaucoup d'imprévu. Deux œuvres originales s'y sont distinguées : Reak, pièce symphonique extrêmement brillante du musicien coréen Ysang Yun, et une sorte de « mobile » musical d'une facture pleine de virtuosité, Iniciativas, de l'Espagnol Luis de Pablo.

Le 4e Festival international d'art contemporain de Royan 1967 a révélé dix-huit œuvres nouvelles en première audition, dont quatre sont des commandes de la ville.

Les compositions nouvelles forment l'essentiel des programmes, complétés par deux thèmes accessoires : le théâtre et la musique japonaise. L'occasion nous est donnée d'entendre, lors de la création de la Medea de Sénèque, version Vauthier, par la Compagnie Madeleine Renaud - Jean-Louis Barrault, de la musique de scène originale de Yannis Xenakis. La troupe japonaise de Kanzé présente, d'autre part, une représentation de théâtre nô.

Innovation intéressante, ce festival comportait, en outre, le premier Concours Olivier-Messiaen d'interprétation pianistique.

Tel qu'il est, en son propos comme dans sa réalisation, le festival d'art contemporain de Royan est unique en France, et le succès de sa formule n'a fait que se confirmer avec éclat. Des auditoires nombreux ont assisté à toutes ces manifestations, auditoires composés de mélomanes venus de tout le pays et de l'étranger.

La tendance générale est surtout à la musique de caractère spatial ; l'un des concerts avait lieu, de surcroît, dans l'immense vaisseau de la nouvelle cathédrale, récemment construite par l'architecte Guillaume Gillet, symbole, elle aussi, de l'art moderne.

À cet égard, on a remarqué au premier chef les Textures du Japonais Toru Takemitsu, excellente étude de timbre révélant un tempérament inventif et dynamique ; Diaphanéis, de Jacques Lenot, pièce d'une grande virtuosité orchestrale, et Polymorphie, de Michel Decoust, œuvre pour vingt groupes instrumentaux télécommandés électriquement. C'est une œuvre un peu ambitieuse peut-être pour le métier encore jeune du compositeur, mais qui, avec ses vingt sources sonores disséminées dans tous les azimuts de la cathédrale, présente une expérience intéressante d'ubiquité musicale dans l'espace.

Parmi les créations ayant particulièrement attiré l'attention : le Son d'une voix, de François-Bernard Mâche, essai poétique original de transposition instrumentale de la voix humaine en une sorte de photographie sonore intérieure d'un poème de Paul Eluard ; Dialogue chorégraphique, du Japonais Yoritsuné Matsudaira, qui s'inspire du Gagaku traditionnel pour nous offrir une partition d'une grande et sobre beauté décorative.

Dynamisme

D'un opéra de voyage, de Betsy Jolas, enfin, est un petit opéra de poche sans théâtre ni chant, qui rejoint l'idée actuellement dans l'air de théâtre instrumental, sans pour autant passer par l'anti-musique et la branquignolade intellectuelle, souvent de mise par ailleurs. Courte pièce pleine de vie intérieure, de magie sonore, de dynamisme léger, sans préciosité ni maniérisme, D'un opéra de voyage est une œuvre d'une franche et fraîche imagination.