Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

orientation (suite)

Chez certaines espèces, le homing peut s’expliquer par une recherche au hasard plus ou moins systématique. Mais, dans de nombreux cas, les retours sont tellement rapides qu’on ne peut les comprendre sans faire intervenir une véritable navigation. Ainsi, si l’on commence à peine à comprendre les modes d’orientation vectorielle dans la migration, nous n’en connaissons encore absolument pas les substrats physiologiques.


Les autres modes d’orientation


L’olfaction chez les Poissons

Les substrats physiologiques sont, par contre, dans le cas des Poissons, les principales sources de référence permettant de comprendre leur migration. Les Saumons quittent les eaux douces pour gagner le milieu océanique, plus favorable à leur croissance. Arrivés à maturité, ils regagnent, pour frayer, les eaux douces de leur naissance. Les Anguilles effectuent la descente des fleuves pour aller frayer dans la mer des Sargasses, qui se trouve à des distances considérables de leur point de départ. Une grande partie des phénomènes physiologiques engendrés par ces processus migratoires sont connus. Dans les deux cas, les individus sont l’objet de changements importants dans leur morphologie et leur physiologie. Ces Poissons effectuent leur migration à la suite de variations saisonnières affectant les caractères du milieu ambiant ou à la suite de modifications physiologiques, le plus souvent les deux variations étant concomitantes. Il est probable que le Saumon se dirige vers son point de naissance grâce à l’existence d’organes olfactifs particulièrement développés, sa sensibilité olfactive vis-à-vis de l’odeur de sa frayère natale s’accentuant au fur et à mesure qu’il s’approche de celle-ci. Mais il s’agit d’une hypothèse ; aucune donnée n’est connue actuellement sur ce point, ni sur les modalités d’orientation des Anguilles. On ignore les variations de sensibilité des organes des sens en fonction de la condition physiologique, spécialement neuro-endocrinienne, et il s’agit d’un des modes d’orientation les moins connus.


La lumière polarisée chez les Insectes

L’orientation chez les Abeilles* montre une prépondérance des repères visuels. Si l’on modifie l’ambiance des abords de la ruche ou si l’on déplace celle-ci, les Abeilles reviennent à l’endroit initial et restent désorientées. Une Abeille n’ayant jamais effectué de vol de reconnaissance en dehors de la ruche est incapable de revenir à celle-ci. La précision dans l’orientation que prend une Abeille lors de son retour au nid est surprenante et va jusqu’à atteindre 40′, ce qui avoisine l’angle propre de perception d’une seule ommatidie. Un caractère d’information permet à ces Insectes de trouver un nouveau point de nourriture : une Abeille ayant découvert une nouvelle source se livre à une danse possédant des caractéristiques précises.

Les ommatidies d’Insectes ont une structure qui permet de reconnaître l’état de polarisation de la lumière du jour. K. von Frisch, en couvrant la vitre de la ruche par une plaque de Polaroïd, constate que, selon l’orientation de cette plaque, l’Abeille commet dans sa danse une erreur angulaire correspondant à l’angle de la rotation.

D’autres indices d’orientation jouent certainement un rôle dans le déplacement des Abeilles ; l’existence d’une mémoire kinesthésique et les habitudes motrices comme le rôle joué par l’olfaction sont à considérer comme possibilités de repères complémentaires à la perception de la lumière polarisée et des repères topographiques.


L’écholocation chez les Chiroptères

Un procédé d’orientation original est employé par certains Mammifères : l’écholocation*, ou sonar.

Il s’agit là d’une conduite commune à tous les Microchiroptères. Les Mégachiroptères se dirigeraient de façon plus commune par la vue et l’odorat. On ignore tout du mécanisme cérébral et physiologique mis en jeu par l’un ou l’autre des modes d’écholocation.


L’aspect psychophysiologique de l’orientation

Des études expérimentales ont été faites, et principalement sur le Rat, qui est un excellent matériel de laboratoire. La première approche fut physiologique et consistait à étudier l’orientation à la manière d’un arc réflexe, en considérant sa possibilité ou non de fonctionner suivant l’intégrité de ses récepteurs, centres et effecteurs. Des expériences de privation sensorielle (aveuglement, anosmie) montrèrent que des suppléances apparaissaient entre modalités sensorielles distinctes. Ces suppléances disparaissaient si plusieurs modalités sensorielles étaient atteintes simultanément : des Rats à la fois aveugles et anosmiques ne s’orientent plus. Ces résultats n’auraient pas été équivoques si la suppression d’une seule modalité sensorielle avait définitivement empêché toute orientation et si le maintien de cette modalité avait suffi pour que l’orientation subsiste. L’ablation d’aires de réception primaire n’empêche pas la réalisation de l’orientation, même si elle s’effectue moins rapidement. Mais, d’une manière générale, ces expériences portent atteinte à l’intégrité du système physiologique, et des résultats contradictoires ont été enregistrés.

Les phénomènes d’orientation font donc appel à des processus variés, dont certains restent inconnus. Il semble que la combinaison d’informations sensorielles différentes permette une meilleure orientation. Il reste à comprendre les supports physiologiques qui accompagnent ou suivent les motivations ainsi que certaines modalités permettant leur réalisation ; et, dans cette démarche, la façon d’aborder le problème est aussi importante que la connaissance des faits eux-mêmes.

J. S.

➙ Animal / Echolocation / Migrations animales.

 K. von Frisch, Aus dem Leben der Bienen (Berlin, 1927, 7e éd., 1964, trad. fr. Vie et mœurs des Abeilles, A. Michel, 1955, nouv. éd., 1969). / M. Ricard, les Migrations animales (Laffont, 1968). / M. Blancheteau, l’Orientation spatiale chez l’animal, ses indices et ses repères (C. N. R. S., 1969).