Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

orientation scolaire et professionnelle

Cette expression est employée en plusieurs sens, qu’il faut à la fois distinguer et relier.


Elle peut évoquer la répartition de l’ensemble des enfants et des jeunes gens entre les différents types d’éducation* et d’activités professionnelles. On dira, par exemple, en ce sens, que l’orientation des jeunes gens entrant à l’université ne semble pas correspondre aux débouchés offerts par le marché du travail. Elle peut évoquer la succession des décisions ou, plus généralement, des circonstances qui conduisent un individu particulier à effectuer telles études, à s’engager dans telle carrière professionnelle. On dira, par exemple, que l’orientation de cet enfant a été largement influencée par la profession de son père. Elle peut enfin évoquer une intervention psychopédagogique organisée, ayant pour objectif de rendre aussi satisfaisante que possible l’orientation entendue dans l’un ou (et) l’autre des deux sens précédents. On dira que les professeurs et les services d’orientation scolaire et professionnelle collaborent pour assurer l’orientation des élèves.


L’orientation et l’évolution sociale

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, différents facteurs ont profondément modifié les problèmes posés par l’orientation scolaire et professionnelle.

Une forte pression sociale s’est exercée en faveur d’une éducation plus longue et plus équitablement offerte à tous. Dans la plupart des pays, la durée de la scolarité obligatoire et de la scolarité volontaire s’est allongée considérablement. Or, des études plus longues imposent des choix entre différents types d’éducation. Ces choix préfigurent de plus en plus nettement, à mesure que les études se prolongent, les débouchés professionnels. Une orientation uniquement professionnelle, concernant seulement les enfants de milieux modestes quittant l’école élémentaire à la fin de la scolarité obligatoire, a vu son importance diminuer au bénéfice d’une orientation scolaire et professionnelle, concernant un nombre d’enfants bien plus élevé et couvrant, pour chacun d’eux, une période de temps bien plus longue.

Les progrès de la technique ont également modifié profondément les problèmes d’orientation par différentes voies. Ils ont tout d’abord modifié la structure des besoins de main-d’œuvre, en augmentant considérablement la proportion des emplois de cadres moyens et supérieurs. Cette élévation du niveau moyen de qualification est compatible avec la prolongation de la scolarité et tend à augmenter le nombre des orientations vers des études longues. Les conseils relatifs au type d’études ouvrant les débouchés les plus sûrs restent, cependant, difficiles à donner, pour d’autres raisons techniques et économiques générales. En effet, la structure de la population active a perdu sa relative stabilité. Les progrès de la productivité* sont plus grands dans certains secteurs de la production que dans d’autres. Comme la structure de la consommation ne peut pas suivre cette évolution potentielle de la production, il en résulte des transferts d’emplois d’un secteur à un autre (de l’agriculture vers l’industrie, de celle-ci vers les « services »). Le détail de ces transferts est impossible à prévoir, de même que les profondes modifications intervenant dans la nature des activités au sein d’une même branche. On ne peut donc plus orienter vers un métier bien défini et stable, et l’orientation scolaire la meilleure est celle qui prépare le mieux à des changements d’emplois et de qualification, à cette « éducation permanente » qui tend à se généraliser. La notion de « qualification professionnelle » s’est, elle aussi, profondément modifiée sous l’effet des progrès de l’automatisation et de l’informatique. Les « tours de main » et le « coup d’œil » n’entrent plus guère dans la qualification du travailleur moderne, même dans le secteur industriel. Les tâches proposées sont partout beaucoup plus abstraites (surveillance de signaux, manœuvre de commandes) et exigent souvent des qualifications spécialisées rapides à partir d’un niveau général suffisamment élevé. C’est donc vers l’acquisition de ce niveau général que l’orientation tendra à diriger l’enfant, même si la nature exacte de cette formation de base est encore difficile à définir.


L’orientation et le développement individuel

Une orientation satisfaisante n’est pas seulement définissable en termes de besoins économiques. Elle entend aussi favoriser le développement de chaque individu, et, d’abord, elle se propose de faire en sorte que les chances devant l’éducation soient égales pour tous. On sait qu’il n’en est ainsi, à l’heure actuelle, dans aucun pays du monde : les enfants issus de classes socioprofessionnelles défavorisées s’orientent plus souvent que les autres enfants vers des études plus courtes, des professions moins qualifiées. Ce handicap socioculturel tient à des causes multiples. L’orientation peut, dans une certaine mesure, le pallier ou l’accentuer. C’est ainsi qu’une orientation précoce tend à l’accentuer. Si des décisions importantes concernant la suite des études sont prises dans les premières années de la scolarité, celle-ci n’a pas eu le temps d’atténuer autant qu’il est possible l’action culturelle défavorable du milieu familial de certains enfants, et le handicap de ceux-ci devient définitif. Le défaut d’information des familles défavorisées peut aussi être compensé si les décisions d’orientation ne sont pas prises trop tôt. On voit, par conséquent, combien la structure du système scolaire (notamment la durée des études initiales non différenciées) a de l’importance en matière d’orientation. On pourrait faire des remarques identiques à propos du déroulement des programmes (trop rapide, il contribuera à « distancer » des enfants qui auraient pu le suivre) ou du choix des méthodes pédagogiques (plus ou moins verbales ou concrètes).

Mais les institutions scolaires ne régissent pas seulement un cadre et certains des facteurs du développement individuel. Elles offrent également des moyens d’évaluer ce développement : les notes scolaires, les résultats aux examens, qui ont une incidence immédiate sur l’orientation. On s’est aperçu que ces moyens d’évaluation n’étaient pas pleinement satisfaisants, quelle que soit la conscience professionnelle des professeurs. Ils sont, tout d’abord, à peu près entièrement fondés sur les résultats scolaires, qui constituent un élément très important de l’orientation, mais non nécessairement le seul à considérer. De plus, l’évaluation d’un résultat dépend, dans une large mesure, des échelles de valeur propres à l’enseignant qui la fournit. Les mêmes travaux scolaires appréciés par deux enseignants différents ne reçoivent pas en général les mêmes notes. Les notateurs utilisent des échelles dont la moyenne est plus ou moins élevée, et ne classent pas ces travaux dans le même ordre. Les raisons de ces divergences tiennent pour une part aux larges différences de niveau moyen entre les classes : des professeurs différents utilisent implicitement, pour donner leurs notes, des groupes de référence de niveaux différents. Elles tiennent aussi aux différences d’opinion existant entre les professeurs quant à l’importance relative des différentes acquisitions attendues chez l’élève : les objectifs de l’éducation n’ont jamais été précisés avec assez de rigueur pour que des conventions communes puissent être adoptées ici. Ces difficultés expliquent en partie que des conseillers d’orientation ayant reçu une formation en psychologie collaborent avec les enseignants dans de nombreux pays.