Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

archéologie (suite)

Archéologie et histoire

Depuis un siècle, l’histoire a reçu un sens beaucoup plus large en devenant l’étude systématique du passé de l’homme, grâce à tous les vestiges qui ont pu être enregistrés. Autrement dit, à côté de l’histoire au sens strict — appuyée sur les documents écrits — est née et s’est développée une « histoire sans texte » fondée sur les monuments non écrits, qu’il s’agisse du sol d’une galerie moustérienne ou des ruines d’un village médiéval. L’archéologie a apporté à l’histoire, en quelques décennies, un enrichissement extraordinaire dans le temps et dans l’espace.

• L’apport dans le temps. Le champ d’investigation de l’archéologie va des origines préhistoriques à l’époque médiévale. L’acquisition capitale, à ce titre, est évidemment celle de la préhistoire. Il y a deux cents ans, grâce à la Bible, on remontait fort péniblement jusqu’au IIe millénaire, et souvent sans le savoir. Au xixe s., Jacques Boucher de Perthes (1788-1868) fait triompher la thèse de l’antiquité géologique de l’homme, et d’autres savants se mettent au travail pour l’établissement d’une chronologie relative. Depuis lors, un immense effort d’investigation a fait entrer dans le champ de la connaissance scientifique le passé le plus oublié de l’homme, que les méthodes modernes de datation commencent à fixer dans le cadre d’une chronologie absolue.

À l’opposé, certaines périodes qui, jusqu’ici, relevaient exclusivement de l’histoire se voient désormais éclairées par la fouille. Tout récemment on en est venu à parler d’archéologie médiévale. Les historiens du Moyen Âge ne dédaignent plus le recours au chantier de fouille pour éclairer certains problèmes (par exemple, la disparition totale de certains villages pendant la guerre de Cent Ans). On étudie aussi bien la typologie de la céramique commune que le décor des cathédrales. Pour certaines phases de l’histoire médiévale peu riches en textes ou en monuments, l’archéologie peut devenir d’un grand secours. Et, de manière plus générale, l’habitat, l’occupation du sol, la vie quotidienne des petites gens peuvent être éclairés de lumières nouvelles.

• L’apport dans l’espace. L’histoire ancienne de la Grèce et de Rome était assez bien connue avant la révolution archéologique. Pourtant, depuis deux siècles, des fouilles ont singulièrement enrichi notre connaissance de l’ancienne Rome et fait découvrir d’autres peuples de la péninsule, comme les Étrusques. En Grèce, une activité archéologique sans égale a vivifié nos connaissances. Elle a même rejailli sur les pays voisins : poussé par l’amour de la Grèce, Heinrich Schliemann (1822-1890) effectuait les premières fouilles véritables en territoire anatolien, et Arthur John Evans (1851-1941) découvrait la civilisation crétoise. L’archéologie a également renouvelé nos vues sur l’Égypte ancienne. Si, en ce domaine, l’essentiel est dû à l’apport considérable de textes, les fouilles qui les recherchent ont offert aux savants un butin inappréciable, lequel vient éclairer ou expliquer les découvertes de la philologie. Le même phénomène se produisit en Palestine. La Bible fut reconnue par l’analyse textuelle comme un document digne de foi, à condition de faire porter sur lui le même effort critique que sur n’importe quel autre texte ancien. L’archéologie, stimulée par ces vieux textes, s’appliqua très tôt aux pays bibliques, Syrie et Palestine. La Mésopotamie et la Perse furent également des champs d’action importants : leur histoire et surtout leur préhistoire furent littéralement ressuscitées.

L’ancienneté de toutes ces civilisations était déjà connue ou du moins soupçonnée. D’autres civilisations, en revanche, furent véritablement révélées par l’archéologie : c’est le cas de la préhistoire de la vallée de l’Indus, où apparurent des sites comme Mohenjo-Dāro ou Harappā. Des données précises, malgré le caractère encore indéchiffrable des textes exhumés, ont ici remplacé l’ignorance qui était la nôtre il y a une quarantaine d’années. On pourrait, si ce n’était fastidieux, continuer ainsi une sorte de tour du monde en énumérant les régions où l’archéologie, depuis peu, a restitué des pans entiers de connaissance. La presque totalité de l’Afrique, l’Océanie, l’ensemble du continent américain sont ainsi voués à la recherche archéologique pure, les peuples qui y ont vécu dans le passé n’ayant jamais accédé à l’écriture, sauf, peut-être, les Mayas et les Aztèques.

Actuellement, la méthode archéologique, quoique indéfiniment perfectible, semble maîtresse de ses buts et de ses moyens. Elle n’a cessé, à travers une succession de découvertes, de perfectionner son outil. Elle restera cependant toujours une destruction des archives humaines. Mais elle s’efforce, plus ou moins lentement, d’approcher l’impossible : l’enregistrement intégral et objectif de ces données, au fur et à mesure de leur destruction. Ainsi tend-elle à la restitution la plus complète possible du passé intégral de l’humanité.

J.-L. H.

➙ Glyptique / Numismatique / Poterie / Préhistoire / Sigillographie.

 M. Wegner, Altertumskunde (Munich, 1951). / K. M. Kenyon, Beginning in Archaeology (Londres, 1952). / A. Laming et coll., la Découverte du passé (Picard, 1952). / O. G. S. Crawford, Archaeology in the Field (Londres, 1953). / R. E. M. Wheeler, Archaeology from the Earth (Oxford, 1954). / F. Benoit, l’Archéologie sous-marine en France (Institut de France, 1962). / P. Courbin (sous la dir. de). Études archéologiques (S. E. V. P. E. N., 1963). / Dictionnaire archéologique des techniques (Éd. de l’Accueil, 1963-64 ; 2 vol.). / R. Chevallier, Photographie aérienne (Gauthier-Villars, 1965). / A. Parrot, Clefs pour l’archéologie (Seghers, 1967). / R. Bloch et A. Hus, les Conquêtes de l’archéologie (Hachette, 1968). / G. Ville, Dictionnaire d’archéologie (Larousse, 1968). / G. Charles-Picard (sous la dir. de), l’Archéologie (Larousse, 1969). / L. Denel, Flights into Yesterday : the Story of Aerial Archaeology (Londres, 1971). / S. Moscati, l’Archéologie (Flammarion, 1975).