Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Araignées (suite)

Habitats insolites

Les Araignées ont parfois des habitats inattendus. L’Argyronète est une Araignée franchement aquatique, capable de nager dans les mares ; elle fixe aux végétaux une toile horizontale au lacis serré, et accumule sous elle l’air qu’elle vient prélever en surface ; elle vit dans sa cloche aérienne, au sein des eaux, y respire, s’y reproduit et n’en sort que pour saisir une proie qui passe à portée.

Les Argyrodines, petites Araignées brillantes, construisent leur toile entre les rayons de celle de l’Argiope, qui accepte pacifiquement cette étonnante promiscuité.

Nepenthes est une plante carnivore ; son piège en urne attire les Insectes, qui tombent au fond du cornet dans un liquide qui les digère ; une Araignée, Misumenops, s’installe à l’entrée de l’urne et récolte les Insectes pendant leur chute.

Olios cœnobita, de Madagascar, s’abrite dans une coquille d’escargot, après l’avoir hissée et suspendue à une branche par un fil de soie.

À 100 km au large des côtes, à plus de 1 000 m d’altitude, on trouve de petites Araignées flottant dans l’atmosphère au bout d’un fil de soie ; elles l’ont sécrété dès leur éclosion, et un coup de vent les a enlevées, favorisant ainsi la dispersion de l’espèce ; quand ces fils retombent sur terre, on les appelle « fils de la Vierge ».


Capture des proies et nutrition

Toutes les Araignées sont carnivores et ne consomment que les proies qu’elles ont capturées ; ordinairement, leur régime consiste en petits Insectes (Mouches et Moustiques, Hyménoptères, Criquets, parfois Coléoptères), en Mille-Pattes, en Cloportes. On a vu de grosses espèces s’attaquer à des Vertébrés : les Dolomèdes pêcher des Poissons, les Lycoses manger des jeunes Lézards, des Mygales tropicales consommer de petits Mammifères, des Oisillons pris au nid, de jeunes Crotales. En général, toutes les proies sont acceptées, mais certaines espèces ont une prédilection pour les Fourmis, et beaucoup d’Araignées refusent les Punaises.

La technique de capture apparaît des plus variées : les Thomises, ou Araignées-Crabes, restent sur les fleurs et surprennent les Abeilles pendant qu’elles butinent ; les Salticidés courent après la proie et sautent sur elle d’un bond rapide ; à l’affût au bord de leur terrier, les Lycoses se jettent sur l’Insecte qui s’approche. Les Araignées qui construisent des toiles sont alertées de l’arrivée d’un Insecte sur le piège par les mouvements qu’il exécute pour se dégager et, s’il est de grande taille, projettent sur lui d’abondants jets de soie qui l’emprisonnent. Menneus, d’Afrique du Sud et d’Australie, tend sa petite toile entre ses pattes et la referme comme un épervier. Scytodes étale devant lui, en une nappe gluante, une soie fournie non par les glandes abdominales, mais par celles des chélicères. Cladomelea d’Australie utilise, comme une fronde ou une ligne, un fil de soie terminé par une gouttelette visqueuse.

Toute proie quelque peu vigoureuse ou armée d’un aiguillon est d’abord emmaillotée de soie, puis paralysée par l’inoculation du venin, dont l’effet est extrêmement rapide ; l’injection de sucs salivaires et intestinaux provoque un début de digestion externe. Si les téguments sont assez souples, l’Insecte est trituré par les hanches masticatrices des pédipalpes, les sucs internes sont aspirés et les téguments rejetés en une boulette informe ; un Coleoptère, à cuirasse dure, est simplement vidé de son contenu liquéfié, et sa carapace intacte est éliminée.

Quelles Araignées faut-il vraiment craindre ?

Le venin de la majorité des espèces est inactif sur l’Homme, ou leurs chélicères sont trop faibles pour transpercer sa peau ; tout au plus provoqueront-elles une irritation locale sans gravité. Malgré une légende tenace, la Tarentule italienne n’est pas particulièrement dangereuse, et les effets de sa morsure ont été très exagérés.

En Europe, seule la Malmignate (Latrodectes tredecimguttatus) des régions méditerranéennes est redoutable : sa morsure douloureuse provoque un abaissement de température et des troubles généraux, mais les cas mortels sont exceptionnels.

L’Amérique, et spécialement le Brésil, rassemble presque toutes les Araignées dangereuses : des Lycoses au venin nécrosant ; la « Veuve noire » (Latrodectes mactans), des Ctènes, des Mygales au venin neurotrope. Les cas de morsures graves, et même mortelles, sont suffisamment nombreux pour qu’on ait mis au point un sérum antiaranéique.


Rencontre des sexes et fécondation

Chez toutes les Araignées, les sexes sont séparés. Le dimorphisme sexuel se manifeste par divers caractères : sauf chez l’Argyronète, la femelle est plus grosse que le mâle (jusqu’à mille fois plus, en poids, chez les Néphiles) ; la coloration peut être différente, comme chez Eresus niger, où la femelle, uniformément noire, s’oppose au mâle rouge vif, ou chez Philœus chrysops, où la femelle est gris foncé et le mâle a l’abdomen rouge et noir ; les Erigones mâles portent sur le céphalothorax de curieuses protubérances, absentes chez les femelles. Mais le caractère le plus général est la différenciation des pédipalpes du mâle en organe copulateur, dont la structure et la complexité sont suffisamment variées pour jouer un rôle important en systématique. Les sexes peuvent également différer par leur comportement ; arrivé à l’état adulte, le mâle ne creuse pas de terrier, n’édifie pas de toile ; il est errant alors que la femelle reste sédentaire ; c’est ainsi que les Tégénaires qui, le soir, parcourent les maisons et y jettent un effroi injustifié ne sont que des mâles à la recherche de compagnes.

Les modalités de la rencontre des sexes et de l’accouplement varient beaucoup à l’intérieur du groupe, et il n’est possible ici que d’en donner les grandes lignes. Rarement, le mâle et la femelle vivent ensemble sur la même toile (Linyphia) ou dans la même coque (Chiracanthium) ; d’habitude, c’est le mâle qui cherche à rejoindre une femelle. Auparavant, il fabrique une petite toile, parfois réduite à un simple fil, y dépose une goutte de sperme et y plonge l’extrémité de ses bulbes génitaux, dont les ampoules se remplissent du liquide fécondant.