Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Araignées (suite)

Chez le mâle, l’appareil génital comprend deux testicules, dont les deux canaux déférents se réunissent avant d’atteindre l’orifice génital. Chez la femelle, on trouve deux ovaires, deux oviductes, aboutissant à une chambre génitale ; des spermathèques, en nombre variable, sont reliées par des canaux à cette chambre ; chez beaucoup d’espèces, les spermathèques s’ouvrent directement à l’extérieur par les orifices de fécondation ; c’est par eux qu’elles recevront les spermatozoïdes.

Enfin, l’abdomen contient des glandes séricigènes, de forme et de nombre variés, pouvant produire plusieurs qualités de soie.


La soie

La soie, visqueuse, s’écoule par les filières et se solidifie instantanément ; chaque fusule émet un brin élémentaire, et les fils les plus ténus que nous connaissons résultent de la juxtaposition de plusieurs dizaines de ces brins. La résistance des fils à la rupture est extraordinaire : qui n’a vu de ces bedonnantes Épeires suspendues par leurs filières à un fil tellement fin qu’il faut un examen minutieux pour le découvrir ?

En faisant fonctionner telle ou telle glande séricigène ou telle ou telle filière, l’Araignée tient à sa disposition toute une gamme de soies.

En première approximation, on peut distinguer des fils secs et des fils gluants. Les fils secs sont solides, lisses, peu extensibles ; ils sont parfois émis sous forme de rubans, ou même de nappes, quand il s’agit d’emmailloter une proie vigoureuse. Les fils gluants, élastiques, sont produits avec un manchon de mucus qui se résout bientôt en minuscules gouttes adhésives ; la soie du cribellum est visqueuse, et donne à la toile une teinte bleutée.


Constructions de soie : abris et toiles

Un très grand nombre d’Araignées utilisent leur soie à la construction d’une demeure plus ou moins fermée, ou à l’édification d’une toile étalée qui sert de piège pour les Insectes.

Dans le premier cas, nous avons les coques ou bourses d’habitation, comme celle de Chiracanthium, petite sphère de cinq centimètres au plus de diamètre fixée en haut d’une herbe recourbée, où les deux sexes cohabitent, puis la mère avec son cocon. Dans le Midi, Uroctea installe sous les pierres une sorte de tente formée de feuillets superposés, entre lesquels elle se tient.

Sous le nom de toiles, on désigne des constructions très variées d’aspect et de régularité. Chez Latrodectus, c’est un lacis de fils entremêlés sans aucun ordre entre les herbes ; sous les plafonds, Pholcus ne fait guère mieux et se tient sous sa toile très simple. Dans les maisons, la Tégénaire édifie une nappe plus dense, faite de fils entrecroisés en tous sens, mais elle se tient au-dessus et s’aménage un entonnoir latéral pour la retraite. L’Argyronète fixe aux plantes aquatiques un réseau aux mailles très serrées, avant d’y accumuler de l’air. Chez Agelena, les choses sont plus compliquées : la toile proprement dite est fixée au pied des buissons, horizontale, et se prolonge sur un côté par un tube de soie où l’animal reste à l’affût, et par où il peut s’enfuir ; au-dessus de la toile, un « labyrinthe » de fils placés dans toutes les directions sert de piège pour les Insectes volants.

Les toiles les plus remarquables sont cependant celles qu’édifient les Argiopidés et les Uloboridés, à la fois par leur étonnante régularité et par l’utilisation de deux sortes de fils, les fils secs pour la charpente et les fils gluants pour le piège spirale.

L’Épeire diadème (Araneus diadematus) tend une toile verticale rayonnante, à spirale continue, dans les jardins et les bois et près des eaux ; l’Épeire fasciée (Argiope Bruennichi) « signe » son ouvrage en plaçant dans le secteur inférieur un ruban de soie en zigzag ; la Tétragnathe installe au-dessus des eaux une toile presque horizontale. Cyclosa place sur un diamètre les restes de ses proies et, tapie au milieu, est invisible. Les Néphiles font une toile semi-circulaire, avec le centre en haut ; les fils adhésifs sont fixés entre ceux de la spirale primitive, qui est ainsi conservée ; la toile est assez grande et résistante pour que des oiseaux puissent s’y faire prendre et que les indigènes des îles Salomon l’aient utilisée comme épuisette à poissons.

L’Araignée reste habituellement au centre de sa toile, les pattes largement étalées sur les rayons, prêtes à repérer la moindre vibration, signe d’une capture ; mais on a observé des Épeires réfugiées dans un creux de rocher, ou sous une écorce, et restant reliées au centre de leur toile par un fil qui transmet les vibrations et sert de passerelle.

Des expériences menées sur Zilla X-notata ont montré que l’ingestion de morphine, de caféine, de sérotonine ou d’autres toxiques entraînait des perturbations caractéristiques dans la confection de la toile, dont le plan devient méconnaissable.


Les Araignées fouisseuses et leur terrier

Si certaines Araignées, errantes comme Lycosa radiata ou les Salticidés, sédentaires comme les Drassidés, trouvent refuge sous les pierres et s’y aménagent une logette, d’autres creusent un véritable terrier et s’y tiennent à l’affût. Des chélicères désagrègent des sols parfois très durs et transportent les particules terreuses et les cailloux à distance. Atypus, qui remonte jusque dans la région parisienne, creuse un terrier d’une quinzaine de centimètres de profondeur ; le tube de soie qu’il applique sur ses parois se prolonge à l’extérieur sur une même longueur, fermé à son extrémité, étendu sur le sol ou plaqué contre un arbre, de toute manière camouflé par des brindilles ou des fragments végétaux ; qu’un insecte imprudent se laisse prendre dans les fils du tube externe, l’Araignée le saisit de l’intérieur en déchirant l’étui, qu’elle réparera ensuite. La Lycose de Narbonne creuse son terrier dans le sol ingrat de la Crau et borde son orifice d’une margelle de soie entremêlée de cailloux et de brins d’herbe. Les Mygales maçonnes de la région méditerranéenne (Nemesia, Cteniza) s’établissent sur les talus et ferment leur terrier par un opercule fait de terre et de soie, soigneusement ajusté ; un ruban de soie le maintient de l’intérieur : étonnant exemple d’une véritable porte à charnière. Parfois, le terrier se complique d’une issue secondaire, permettant la fuite, ou d’une galerie annexe, également fermée par une porte intérieure. Galeasoma d’Afrique du Sud ferme son terrier d’un opercule, mais si un assaillant parvient à y pénétrer, l’Araignée bouche le passage avec son abdomen dur et tronqué, dont le diamètre coïncide exactement avec celui du couloir.