Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Naples (suite)

Alors que règne encore le maniérisme monotone d’un Belisario Corenzio (v. 1558 - v. 1640), la révolution est apportée par le Caravage*, venu de Rome en 1607. Son influence fut capitale, mais inégalement subie par l’école napolitaine. On y retrouve la participation des étrangers, par exemple des Émiliens Giovanni Lanfranco et Domenico Zampieri (le Dominiquin), celui-ci plus classique, celui-là plus baroque, comme le montrent à la cathédrale les fresques de la chapelle San Gennaro, où ils s’affrontent. Lanfranco est aussi l’auteur de la vaste composition qui emplit d’un seul tenant la voûte principale de l’église de la Chartreuse (1643). Venu d’Espagne, Ribera* passe la plus grande partie de sa carrière à Naples, donnant du caravagisme une interprétation très personnelle, comme le prouvent, à la Chartreuse, les douze prophètes peints au-dessus des arcades de la nef.

Mais l’école napolitaine n’a pas manqué de peintres autochtones. Le plus proche du Caravage est Giovanni Battista Caracciolo (v. 1570-1637), dont les compositions, denses et dramatiques, voisinent à la Chartreuse avec celles de Massimo Stanzione (1585-1656), décorateur fécond, de tempérament plus réservé. Bernardo Cavallino (1616-1656) a marqué de sa sensibilité des compositions de format modeste. La synthèse du clair-obscur et de la couleur s’accomplit dans le style puissant de Mattia Preti (1613-1699), comme en témoignent les toiles du plafond de San Pietro a Maiella (1656) ou les deux Festins d’Absalon et de Balthazar (Galerie nationale de Capodimonte). Paysages animés, batailles, scènes de genre sont les sujets favoris d’Aniello Falcone (1600-1665), de Micco Spadaro (v. 1612-1675). Avec Salvator Rosa (1615-1673), le paysage prend un accent romantique et inquiétant. Un réalisme vigoureux mais teinté de faste assure une place éminente aux maîtres napolitains de la nature morte : Paolo Porpora (1617-1673), Giovan Battista Ruoppolo (1620-1685), Giuseppe Recco (1634-1695), Andrea Belvedere (1642-1732), les uns et les autres représentés à Capodimonte.

Dans la seconde moitié du xviie s., Luca Giordano (1634-1705) communique son souffle baroque à la peinture d’histoire. Il peint à fresque les Vendeurs chassés du Temple au revers de la façade des Gerolomini (1684), des scènes de l’Ancien Testament dans la chapelle du trésor à la Chartreuse. Sa science du décor plafonnant lumineux et vif triomphe au palais Medici-Riccardi de Florence et à l’Escorial — car sa carrière fut européenne. Après Giordano, l’école napolitaine a pour chef de file Francesco Solimena (1657-1747). Son style nerveux, coloré, d’une verve typiquement baroque, est toujours à l’aise dans la grande décoration, comme en témoignent ses fresques : le Triomphe de l’ordre dominicain (1709) à la voûte de la sacristie de l’église San Domenico, Héliodore chassé du Temple au revers de la façade du Gesù Nuovo. On doit d’autre part à Gaspare Traversi (1725?-1769) des scènes de genre au métier franc et savoureux.

La tradition baroque inspire les architectes de la première moitié du settecento, tels Ferdinando Sanfelice (1675-1748), auteur du palais Serra di Cassano, et Giovanni Andrea Medrano (né v. 1703), que Charles de Bourbon chargea d’élever le théâtre San Carlo, le palais de Capodimonte, d’une élégante majesté (à partir de 1738), et celui de Portici.

La virtuosité, le goût des effets picturaux caractérisent la sculpture du xviiie s., dont le principal ensemble est la chapelle funéraire de la famille Sansevero di Sangro, rénovée à partir de 1749. Les presepi, crèches aux nombreuses figures polychromes (visibles notamment au musée San Martino), offrent de la sculpture une version populaire et typiquement napolitaine. Fondée par Charles de Bourbon, la manufacture de porcelaine de Capodimonte travailla de 1743 à 1759. On lui doit de gracieuses figurines, mais surtout l’éblouissant revêtement du « salon chinois » fait pour Portici et transféré à Capodimonte.

Vers le milieu du xviiie s., l’architecture prend un caractère plus grandiose avec Luigi Vanvitelli (1700-1773). Outre l’église de l’Annunziata, il conçoit la résidence royale de Caserte, commencée en 1752. C’est un imposant quadrilatère où s’inscrivent quatre cours déterminées par un atrium cruciforme. L’influence de Versailles apparaît dans la chapelle et dans la magnifique perspective des jardins, qu’animent des eaux vives et des groupes sculptés.


Du néo-classicisme à nos jours

À Naples comme ailleurs, la seconde moitié du xviiie s. voit le renouvellement du goût sous le signe du « retour à l’antique », que favorisent les découvertes d’Herculanum et de Pompéi. Les principaux édifices néo-classiques sont le théâtre San Carlo, refait à partir de 1810 par Antonio Niccolini (1772-1850) ; du même, la villa Floridiana, élevée en 1817 pour Ferdinand Ier ; de Pietro Bianchi (1787-1849), l’église San Francesco di Paola (1817), inspirée du Panthéon de Rome. Le décor intérieur des palais royaux est rénové dans un style qui s’apparente au style Empire français. L’éclectisme l’emporte dans la seconde moitié du xixe s. : la Galleria Umberto (1890) associe un pastiche de la Renaissance à l’emploi du fer et du verre.

B. de M.

 B. Malajoli, Notizie su Capodimonte (Naples, 1964). / G. et H. Vallet, Nous partons pour Naples et l’Italie du Sud (P. U. F., 1966).

Naples (royaume de)

Ancien royaume d’Italie.



Le royaume angevin


La création du royaume angevin

Le royaume de Naples naît en fait des « Vêpres siciliennes », révolte qui contraint Charles Ier* d’Anjou à renoncer en 1282 à la Sicile*, occupée par les Aragonais ; il comprend désormais l’ensemble des possessions angevines de terre ferme en Italie du Sud, ensemble pourtant encore dénommé officiellement « royaume de Sicile », mais avec la réserve : « en deçà du Phare ». Charles Ier d’Anjou (1266-1285), héritier des rois normands d’Italie du Sud et des Hohenstaufen, qui en ont fait un État absolutiste et centralisé, bien que tenu en fief du Saint-Siège, conserve les institutions de ses prédécesseurs : la Magna Curia, dont le siège est transféré de Palerme à Naples ; la Curia generalis, ou Parliamentum, qui réunit fréquemment les représentants des communautés, les prélats, les grands feudataires ; les justiciers chargés d’administrer les provinces sous l’autorité des enquêteurs royaux.