Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Naples (suite)

Le temps des Bourbons (1734-1860)

Occupée en 1734 par le Bourbon d’Espagne don Carlos (Charles VII), Naples redevient alors la capitale effective du royaume. Les Bourbons, qui fondent en 1737 le théâtre San Carlo, contribuent au réveil intellectuel et artistique de la ville. Mais ils ne peuvent empêcher l’aggravation des antagonismes sociaux dans une ville dominée par une aristocratie oisive et où affluent de nombreux ruraux : les lazzaroni victimes de la ruine du royaume. Occupée par les Français de Championnet, qui en font la capitale de la république Parthénopéenne (janv.-juin 1799), théâtre d’une sanglante répression contre-révolutionnaire (1799), capitale du royaume napoléonien de Naples (1806-1815), puis de la dynastie restaurée des Bourbons (1815-1860), Naples est victime de l’insurrection des carbonari (1820-21), puis de la révolution de 1848, durement réprimée par Ferdinand II, roi des Deux-Siciles.


Déclin et renouveau (1860-1973)

Le 7 septembre 1860, Garibaldi s’empare de la ville. Réduite au rang de capitale provinciale, dévastée par les bombardements aériens en 1943-44, révoltée en septembre 1943 contre les Allemands, qui exécutent de nombreux résistants, mais reconstruite depuis lors, Naples est devenue le premier centre économique de l’Italie du Sud.

P. T.

➙ Campanie / Mezzogiorno / Naples (royaume de).

 M. Napoli, Napoli greco-romana (Naples, 1959). / P. Daudy, Naples (Rencontre, Lausanne, 1964).


L’art à Naples

Naples n’a rien gardé de son passé grec, et l’on n’y retrouve la civilisation romaine que dans les riches collections du Musée national, formées d’ailleurs des vestiges d’Herculanum et de Pompéi. Si l’enceinte actuelle du Duomo conserve un témoignage de l’art paléochrétien avec les restes de la cathédrale Santa Restituta (ive s.), et surtout son baptistère à coupole embelli de mosaïques (seconde moitié du ve s.), rien ne rappelle à Naples la domination de l’empire d’Orient, des Normands, de la maison de Souabe ; c’est en Campanie qu’il faut chercher des monuments de cette période : Santa Sofia de Bénévent (viiie s.), imitation lombarde des modèles byzantins ; Sant’Angelo in Formis (fin du xie s.), que l’abbé du mont Cassin fit construire selon le type basilical et orner de fresques ; les cathédrales de Salerne, Ravello, Caserta Vecchia, Capoue, Sessa Aurunca, Bénévent (fin du xie au xiiie s.), où la tradition paléochrétienne accueille la décoration byzantine et parfois ce style islamisant qui, apparenté à celui de la Sicile, triomphe à la cathédrale d’Amalfi et dans les palais de Ravello.


La période angevine, l’art gothique

Ayant fait de Naples sa capitale, la maison d’Anjou y apporte l’art gothique. Du Castel Nuovo fondé en 1279 par Charles Ier, il reste essentiellement la chapelle. La domination angevine a laissé surtout des églises : San Lorenzo Maggiore (fin du xiiie s.), dont l’abside est entourée d’un déambulatoire à chapelles rayonnantes ; Santa Chiara (1310-1328), vaste vaisseau unique ; le Duomo, San Gennaro (1294-1323), très remanié par la suite. Ces églises abritent les monuments funéraires de la maison d’Anjou, chargés de sculptures qui s’étagent en registres sous un baldaquin de pierre ; on y reconnaît la main d’artistes toscans, tel Tino da Camaino, venu de Sienne vers 1323-24. La peinture du xive s. dépend aussi de l’Italie centrale. On doit à l’atelier de Pietro Cavallini, de Rome, les fresques qui revêtent le chœur des Franciscaines de Santa Maria Donna Regina (v. 1316-1320). L’activité napolitaine de Simone Martini* est attestée au moins par un panneau de 1317 conservé à la Galerie nationale du palais de Capodimonte.


La Renaissance

Si Naples figure parmi les foyers de la Renaissance italienne, c’est grâce à l’apport d’autres cités plutôt qu’aux artistes autochtones. L’impulsion décisive revient à la dynastie aragonaise. En commémoration de l’arrivée victorieuse d’Alphonse V d’Aragon à Naples, le Castel Nuovo, reconstruit en formes encore gothiques, reçoit à partir de 1454 une entrée triomphale à quatre étages, inspirée des modèles classiques dans son ordonnance comme dans les sculptures qui l’enrichissent. Giuliano da Maiano, venu de Florence, et Fra Giocondo, de Vérone, élèvent la fastueuse villa de Poggio Reale, dont rien ne subsiste. On doit au premier la chapelle de Tolosa à Sant’Anna dei Lombardi, l’église des Olivétains. Dans cet édifice, principal témoignage religieux de la Renaissance napolitaine, les Florentins Antonio Rossellino et Benedetto da Maiano ont laissé des retables sculptés, Guido Mazzoni, de Modène, une Pietà (1492) dont les huit figures en terre cuite polychrome sont d’un réalisme saisissant, Fra Giovanni, de Vérone, les panneaux marquetés de la sacristie. Pour le cardinal Oliviero Carafa, Tommaso Malvito de Côme aménage de 1497 à 1507, dans le Duomo, l’élégante crypte du Succorpo.

Dans la seconde moitié du quattrocento, le milieu napolitain attire des peintres de l’Italie centrale ou septentrionale, de l’Espagne méditerranéenne et de la Sicile ; l’école flamande est présente dans les collections royales. La formation d’Antonello* de Messine bénéficie de ce croisement d’influences. Un seul maître local est de quelque notoriété : Colantonio, auteur entre 1445 et 1465 de panneaux d’un réalisme méticuleux. Au début du xvie s., Antonio Solario, originaire de la Vénétie, peint à fresque la vie de saint Benoît dans le cloître des Santi Severino e Sossio. L’étude de Raphaël est à la source du maniérisme gracieux d’Andrea Sabatini, natif de Salerne (v. 1490 - v. 1530).


L’âge baroque et la peinture napolitaine

Le véritable épanouissement de l’art napolitain s’est accompli sous le signe du baroque, entre les dernières années du xvie s. et le milieu du xviiie. Le début de cette période est marqué par une grande activité dans le domaine de la construction. Pour le vice-roi espagnol, Domenico Fontana, de Lugano, élève un palais plutôt sévère, devenu le Palazzo Reale. L’architecture religieuse bénéficie de la vitalité des ordres. Le Florentin Giovanni Antonio Dosio, par exemple, élève l’église San Filippo Neri, dite « des Gerolomini », et commence à reconstruire la chartreuse de San Martino, haut lieu de baroque napolitain, que Cosimo Fanzago, de Bergame, achèvera dans un style plus pittoresque. Dans l’ensemble, il faut l’avouer, cette architecture manque de hardiesse. À Naples, l’église baroque est surtout le cadre d’une décoration somptueuse, dont l’essentiel est offert par la peinture. Or, l’école napolitaine a la première place, après celle de Rome, dans l’Italie de l’époque baroque.