Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

apprentissage (suite)

Le fractionnement de l’apprentissage et sa distribution dans le temps

Les répétitions successives peuvent être espacées dans le temps et séparées par des intervalles plus ou moins longs ; lorsque ceux-ci sont très courts et à la limite nuls, l’expérience montre que l’apprentissage s’en trouve ralenti ; l’introduction de pauses entre les répétitions ou à l’intérieur des séquences temporelles d’exercice a, au contraire, pour effet de favoriser les progrès. Des relations quantitatives stables, bien qu’assez complexes, ont été mises en évidence dans ce domaine.

Il n’est malheureusement pas possible de fixer a priori la fréquence et la durée optimales des interruptions qu’il convient d’introduire dans le cours d’un apprentissage : trop brèves ou trop rares, elles sont peu efficaces ; trop longues ou trop nombreuses, elles peuvent favoriser l’oubli et être, par conséquent, nuisibles. L’optimum dépend directement du degré de complexité de l’apprentissage et peut naturellement varier suivant les sujets.

Le contenu des pauses est également important : plus l’activité qui y prend place est différente de celle qui est en cours d’apprentissage, plus celui-ci s’en trouve facilité ; le sommeil produit des effets particulièrement favorables. En revanche, un exercice très semblable à ce qui doit être appris perturbe ou ralentit l’acquisition. Les interprétations psychologiques ou psychophysiologiques de ces faits mettent particulièrement l’accent sur l’activité nerveuse de consolidation, qui a lieu — de façon non consciente — après la perception ou l’exercice et qui semble être une condition de la fixation mnésique.


La loi de l’effet

Une partie au moins des apprentissages apparaît comme soumise à ce qu’on appelle la loi de l’effet, que l’on retrouve dans le domaine du conditionnement* sous le nom de renforcement : un comportement qui est suivi par un effet favorable à son auteur tend à devenir plus fréquent et plus fort, ce qui témoigne du fait qu’il a été progressivement appris ; un comportement qui est suivi par un effet défavorable diminue peu à peu et disparaît, ce qui indique non qu’il a été désappris ou oublié, mais, au contraire, qu’un apprentissage nouveau s’est développé, ayant comme contenu la relation entre l’acte et son effet, et comme résultat une inhibition active de cet acte ; c’est lorsqu’un comportement n’est suivi d’aucun effet régulier que rien n’est appris et que, si l’effet antérieurement présent disparaît, l’on peut assister à un désapprentissage d’une ancienne acquisition.

Un cas particulier extrêmement important de la loi de l’effet est constitué par la connaissance que peut prendre un sujet des résultats de son action, parfois appelée information en retour. Dans le cas des apprentissages discriminatifs, qui sont ceux où une réponse doit être donnée à un stimulus ou à une situation et non à une autre, l’information en retour apportée au sujet par l’effet de son action est une des conditions qui lui permettent d’ajuster celle-ci en éliminant progressivement les réponses erronées.

C’est ainsi qu’est rendue possible une analyse de la situation, qui permet d’y discerner les différents éléments et les dimensions sur lesquelles ils varient. Prenons l’exemple très simplifié dans lequel un sujet se voit présenter une collection d’objets et doit donner une certaine réponse si l’objet est grand, une autre s’il est petit ; supposons que les objets soient de deux couleurs, rouge ou verte ; on en aura donc des grands rouges, des petits rouges, des grands verts et des petits verts. Si l’objet grand et rouge est présenté le premier, si le sujet donne une réponse positive et qu’une information en retour « réponse correcte » lui est donnée, le sujet se trouve encore incapable de fournir à coup sûr une réponse exacte pour l’un quelconque des trois autres objets ; selon l’ordre dans lequel ceux-ci lui seront présentés et ses réponses confirmées ou infirmées, il pourra apprendre plus ou moins facilement et rapidement que c’est une question de taille et non de couleur. Ce type de problème et son mode d’étude peuvent être généralisés aux situations où il existe n et non plus deux dimensions, avec n et non plus deux valeurs pour chacune. Tout permet de supposer que l’enfant qui apprend à dire chien en présence d’un « objet » qui se déplace, possède quatre pattes et une queue, aboie, etc., mais qui peut indifféremment être petit ou moyen (par rapport à un cheval), noir, blanc ou marron, bruyant ou tranquille, etc., peut élaborer son concept grâce aux informations en retour qu’il recueille au cours d’une série désordonnée d’expériences reposant sur une combinatoire du type de celle qui a été sommairement décrite plus haut.

L’utilisation de la loi de l’effet, sous la forme d’informations en retour données de façon systématique et raisonnée à celui qui apprend, est un des fondements des nouvelles méthodes d’enseignement programmé.


Transferts et interférences

C’est seulement par abstraction qu’il est possible de raisonner sur un apprentissage isolé ; en fait, des apprentissages multiples se développent simultanément ou en se chevauchant chez tous les sujets ; l’étude de leurs interactions est particulièrement importante.

Les modifications psychologiques produites par un apprentissage ne sont pas seulement relatives à son contenu spécifique ; elles ont par nature un caractère généralisé. Cela apparaît notamment en ce qu’on peut apprendre à apprendre : la simple pratique d’apprentissages successifs peut y concourir ; l’adoption de « stratégies » d’efficacité croissante est en outre un facteur important, les processus intellectuels pouvant jouer un rôle plus ou moins direct dans l’analyse des situations que rencontre le sujet. Mais, réciproquement, ce qui se manifeste comme infériorité ou supériorité intellectuelle est souvent, au moins en partie, le produit d’une telle capacité d’apprendre ou de s’adapter, elle-même acquise et développée ou entravée par des conditions familiales et sociales plus ou moins favorables.