apprentissage (suite)
Il peut se faire qu’un apprentissage particulier en facilite directement un autre qui lui est postérieur : on parle alors de transfert. L’aménagement de progressions dans le cours des enseignements repose essentiellement sur ce phénomène, l’acquisition d’une connaissance étant alors commandée par celle ou celles qui la précèdent ; cette filiation est particulièrement importante dans les apprentissages qui mettent en œuvre des schèmes ou des concepts, ceux qui sont déjà acquis servant à intégrer ou à « coder » les perceptions nouvelles.
Il existe à l’inverse des cas où ce qui a été acquis à un moment donné gêne ou ralentit des acquisitions ultérieures ; de son côté, un apprentissage nouveau peut perturber une acquisition réalisée antérieurement et la faire régresser à un niveau inférieur. On parle dans ces deux cas d’interférences « proactives », « rétroactives », selon que la détérioration touche un apprentissage postérieur ou antérieur à celui qui est considéré.
Positifs ou négatifs, les transferts ou interférences entre deux apprentissages dépendent largement de la similitude de leurs contenus ; l’action de celle-ci s’exerce toutefois de façon très complexe et, selon le cas, dans un sens favorable ou défavorable ; les lois qui la régissent n’ont pu, jusqu’à présent, être dégagées de manière complète pour tout apprentissage.
Importance des apprentissages
Par ce qui précède, il est clair que, chez un individu, le produit de tous les apprentissages antérieurs s’organise de façon très complexe, mais aussi naturellement structurée, pour créer des formes diverses de capacités, d’intelligence, d’émotivité, de décision, sans que l’on puisse séparer radicalement les unes des autres : telle sorte d’expérience négative dans le domaine affectif peut, par le jeu des transferts et des interférences, se manifester sous la forme d’un apparent déficit intellectuel.
Si l’on veut bien admettre que, durant une partie considérable de son existence, excédant largement l’enfance et la jeunesse, et, dans le meilleur des cas, pendant toute sa vie, l’individu apprend peu ou prou à chaque moment où il fait quelque chose, c’est-à-dire de façon presque permanente, on comprendra que ces acquisitions contribuent au moins autant que les caractéristiques innées à la constitution de l’armature pratique, intellectuelle ou affective de sa personnalité : c’est la richesse, la variété et le caractère véritablement humain de l’environnement dans lequel il évolue qui en détermineront le plein développement et l’épanouissement harmonieux. La modification des conditions, individuelles ou générales, de cet environnement par le moyen de l’éducation, de la psychothérapie rationnelle, de l’action sociale et politique, qui peuvent contribuer si fortement à l’amélioration de son existence, tant matérielle que psychologique, ne peut donc avoir sa pleine efficacité que par une meilleure connaissance des apprentissages humains.
J.-F. L. N.
➙ Dr. et Sc. écon. formation professionnelle.
E. R. Hilgard, Theories of Learning (New York, 1948 ; 2e éd., 1956). / A. Fessard et coll., le Conditionnement et l’apprentissage (P. U. F., 1958). / P. Greco, « Apprentissage et structures intellectuelles », dans Traité de psychologie expérimentale, t. VII (P. U. F., 1963). / A. W. Melton (sous la dir. de), Categories of Human Learning (New York, 1964). / G. de Montpellier, « l’Apprentissage », dans Traité de psychologie expérimentale, t. IV (P. U. F., 1964). / R. C. Atkinson, G. H. Bower et E. J. Crothers, An Introduction to Mathematical Learning Theory (New York, 1965). / R. M. Gagné, The Conditions of Learning (New York, 1965). / P. Zintchenko et coll., Recherches psychologiques en U. R. S. S. (en russe, Moscou, 1966). / J.-F. Le Ny, Apprentissage et activités psychologiques (P. U. F., 1967). / B. F. Skinner, la Révolution scientifique de l’enseignement (Dessart, Bruxelles, 1968). / Le Xuan et J.-C. Jassain, Analyse comportementale (Nathan, 1976).