Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

apprentissage (suite)

La contiguïté est d’ailleurs une condition facilement décelable des apprentissages verbaux : en dehors même des apprentissages par cœur, il convient de souligner qu’apprendre à un enfant « 7 fois 7 égalent 49 » ou « la Baleine est un Mammifère » consiste à rapprocher par le langage des concepts qu’il s’agit de lier de façon adéquate, en rendant possible par la contiguïté l’apprentissage de relations sémantiques qui, certes, la débordent largement, mais qui, sans elle, n’auraient aucun moyen d’être transmises.


La répétition

C’est une condition fondamentale de l’apprentissage ; on peut énoncer à son sujet une loi selon laquelle l’acquisition a une « force » d’autant plus grande qu’elle a été plus souvent pratiquée. Cette « force » peut se manifester de diverses manières : par exemple, dans la fréquence avec laquelle le comportement appris apparaît dans des conditions données, ou, ce qui revient fondamentalement au même, dans la proportion de réponses « correctes », par opposition aux réponses inadéquates ; elle peut aussi s’exprimer dans la vigueur ou l’amplitude de la réaction, dans sa rapidité ou encore dans sa latence ; enfin, elle est également en rapport avec la résistance de l’acquisition au désapprentissage ou à l’oubli. (Fig. 1)

Les courbes d’apprentissage, dans lesquelles on porte en abscisse le nombre de fois où les conditions de l’apprentissage ont été répétées et en ordonnée le paramètre qui sert d’indicateur de la force de l’acquisition, donnent une représentation commode de l’influence de la répétition. Elles sont le plus souvent négativement accélérées et se terminent par un plateau, les répétitions semblant ainsi avoir une efficacité de plus en plus faible et finalement nulle ; mais cette conclusion doit être nuancée. Les courbes d’apprentissage que l’on présente sont souvent celles de groupes de sujets et, si elles donnent une idée générale exacte de l’allure du processus, elles peuvent en masquer les détails. (Fig. 2) Les pentes peuvent être très variables d’un sujet à l’autre, de même que le niveau du plateau ; en matière de différences interindividuelles, il convient de distinguer soigneusement les deux variables : un sujet peut progresser lentement, mais finir par atteindre un niveau élevé pourvu qu’on lui donne un nombre suffisant de répétitions, tandis qu’un second, qui apprend au début beaucoup plus vite et se trouve donc, dans un premier temps, à un niveau constamment supérieur au précédent, pourra ensuite atteindre un plafond qui sera soit plus élevé que le premier, soit simplement équivalent, soit même plus bas.

Les courbes individuelles d’apprentissage diffèrent aussi des courbes de groupe en ce qu’elles comportent d’importantes oscillations, qui sont souvent masquées dans les résultats de groupes par l’utilisation de moyennes. Ces irrégularités manifestent les interactions entre les facteurs — déjà évoqués — qui affectent la performance et ceux qui — telle la répétition — portent sur l’apprentissage. La courbe individuelle se présente alors comme une suite de progrès, de régressions, de paliers, de nouveaux progrès, etc. ; il convient de bien voir que ces irrégularités sont ici parfaitement normales. Toutefois, à mesure que l’apprentissage avance et que les répétitions s’ajoutent les unes aux autres, elles tendent à s’atténuer : l’acquisition a vu croître non seulement sa force, mais aussi sa résistance aux perturbations étrangères ; même lorsque le plateau est atteint, cette dernière augmentation peut se poursuivre, le sujet ne faisant alors, à proprement parler, plus de progrès, mais pouvant désormais soutenir sa performance avec beaucoup plus de régularité et de constance. Ces faits ont une grande portée pédagogique, et il en découle la nécessité de poursuivre l’apprentissage bien au-delà du point où on l’interrompt souvent, alors que l’acquisition est encore fraîche et fragile.

Tout ce que l’on vient de dire peut aussi s’appliquer aux facteurs de désapprentissage ou d’oubli : une acquisition qui a été fortement répétée ou « surapprise » résistera ultérieurement beaucoup mieux à la disparition, temporaire ou définitive, des conditions qui l’ont engendrée.

Il convient de souligner que, dans la vie quotidienne, un grand nombre d’acquisitions sont ainsi soumises, très souvent sans que les intéressés s’en rendent compte, au surapprentissage dû à d’innombrables répétitions ; de là vient d’ailleurs que certaines prennent, comme il a été dit plus haut, le caractère d’activités ou de connaissances « naturelles », « instinctives » ou « évidentes » ; il en est ainsi des gestes longuement polis de l’ouvrier professionnel ou de l’artiste, de la capacité de l’homme compétent à percevoir ce qui passe inaperçu au profane, de la rapidité de calcul, de jugement ou de décision du spécialiste exercé. Mais d’autres acquisitions, communes à tous, sont le fruit de répétitions non moins nombreuses : ainsi percevons-nous la profondeur, le bas, le haut, en fonction des milliers d’associations qui se sont établies au cours de notre vie, depuis notre petite enfance, entre les impressions reçues par notre rétine et l’activité manipulatrice ou musculaire correspondante ; on peut, au laboratoire, créer des conditions artificielles grâce auxquelles on modifie ces liaisons, et on constate alors qu’une nouvelle adaptation est parfaitement possible.

Le rôle de la répétition dans l’apprentissage ne doit, toutefois, pas être considéré comme ayant un caractère absolu ni surtout comme excluant la possibilité d’apprentissage en une seule fois ; l’existence d’apprentissage en une seule fois est bien établie, en particulier dans certains domaines affectifs et cognitifs. On a déjà indiqué que les affects de douleur et de peur s’associent très facilement et très rapidement à des perceptions qui leur sont accidentellement conjointes ; dans le domaine des connaissances, il peut également suffire qu’un mot soit entendu une fois pour qu’un enfant l’apprenne ou, plus couramment encore, qu’une phrase soit simplement énoncée pour que son contenu soit acquis et intégré par ceux qui l’ont reçue. L’apprentissage en une fois — en un « essai » selon la terminologie psychologique — ne contredit pas la loi de la répétition ; il en représente le cas où le plateau est atteint d’emblée après une seule manifestation de la contiguïté.