Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mésopotamie (suite)

La fin de la civilisation mésopotamienne (vie s. av. J.-C. - ier s. apr. J.-C.)

La haute Mésopotamie, réunie à la Syrie dans une satrapie d’Assyrie, restera soumise à ses nouveaux maîtres. Au contraire, la Babylonie, qui a gardé sa cohésion nationale, se soulève à l’avènement de Darios Ier* ; deux prétendants se faisant passer pour le fils de Nabou-naïd sont successivement écrasés par l’armée perse en 522 et en 521. Deux nouvelles insurrections de ce type se situent sous Xerxès Ier* (482). L’Achéménide se venge en abandonnant son titre de roi de Babylone, en déportant l’idole de Mardouk (le dieu de la capitale) et en abattant la muraille de Babylone. La grande cité n’est plus que le chef-lieu d’une satrapie — la plus taxée de l’Empire ; le commerce et la banque (souvent pratiquée par des Juifs) restent prospères. Les Achéménides*, qui font restaurer les temples des villes saintes, résident encore volontiers à Babylone, où ils ont au moins un palais.

Conquise en 331 par Alexandre* le Grand, qui choisira Babylone comme capitale, la Mésopotamie constitue ensuite le point de départ de la fortune du Macédonien Séleucos, satrape (321), puis roi (312) de Babylone. Dans le royaume séleucide*, le pays des Deux Fleuves tient une place essentielle, car il assure les relations de la façade méditerranéenne avec l’Iran ; les rois y fondent des cités, et l’hellénisation y est assez marquée. La culture traditionnelle ne se manifeste plus guère en Mésopotamie qu’à Ourouk, où les scribes conservent leurs activités traditionnelles, mais les techniques divinatoires et surtout l’astrologie sont répandues dans tout le bassin de la Méditerranée par des hommes qui se disent « Chaldéens ».

Le pays des Deux Fleuves, entamé par le roi parthe* Mithridate Ier* dès 141, est définitivement conquis par lui en 129. C’est alors qu’apparaît le petit royaume de Characène, qui correspond à l’ancien pays de la Mer et dont la dynastie se maintient sous la domination des Parthes. En 64 av. J.-C., les Romains viennent prendre la relève des Séleucides sur l’Euphrate, mais, chaque fois qu’ils tenteront de pénétrer en Mésopotamie, ils se heurteront à l’hostilité de la population, indigènes parlant l’araméen ou Juifs, et subiront de terribles défaites ; tout au plus finiront-ils par annexer le piémont septentrional de la haute Mésopotamie. Le pays des Deux Fleuves — maintenant traversé par la « route de la soie » — est encore très riche. Les rois parthes, puis sassanides* placent leur capitale à Ctésiphon, sur le Tigre, d’où ils peuvent surveiller à la fois l’Iran et la frontière romaine. La Mésopotamie se couvre de monuments se rattachant à l’art hellénistique. La vieille culture des scribes sur tablettes s’éteint, le dernier texte cunéiforme est de 75 apr. J.-C., et l’historien ne peut plus suivre l’évolution de ce pays, où ni le papyrus ni le parchemin sur lesquels on écrit maintenant ne se conservent.

La Mésopotamie avait été du VIe millénaire à la conquête de Cyrus le principal foyer de la civilisation en Orient, moins brillante que l’Égypte, mais rayonnant davantage sur les régions périphériques. Les premières villes, la première écriture, les mathématiques, l’astronomie, ce sont quelques-uns de ses apports à l’Ancien Monde. Mais, marqués par leur dur climat, par les invasions sans cesse renaissantes, les Mésopotamiens — des intellectuels profondément religieux — ont surtout laissé le souvenir de guerres atroces et de croyances désolantes sur un au-delà sans espérance.

La chronologie de l’Asie occidentale ancienne

Sa reconstitution par les modernes comporte de terribles difficultés, dues avant tout au fait que la notion d’ère est inconnue dans cette région culturelle avant l’installation de la dynastie gréco-macédonienne des Séleucides à Babylone, dont la date initiale (312/311) est le point de départ d’une ère — innovation probablement due à des Grecs.

Auparavant, les scribes des États les plus évolués (d’abord ceux de la Mésopotamie) ont employé trois systèmes élémentaires :
1. Depuis le xxve s. au moins, dans certaines cités-États, chaque année reçoit officiellement le nom d’un événement important (en fait qui se situe l’année précédente), par exemple : « année (où) le pays de Simourrou fut détruit », ou bien un numéro la situant par rapport à une année du type précédent, ainsi : « année II suivant (celle où) il construisit la grande muraille de Nippour et d’Our » ; et chaque début de règne donne une « année (où) X devient roi ».
2. Depuis le xxvie s. au moins, certaines cités-États, comme Shourouppak, en Sumer, ou Assour, donnent à chaque année le nom d’un magistrat éponyme.
3. À partir du xive s. au moins, en Babylonie, on attribue à chaque année le nombre ordinal qui la situe dans un règne : « année 8e » (de tel roi), par exemple.

Très tôt, on a dressé des listes d’années, dont on a tiré des listes royales, qui ne comportent que la suite des souverains avec le nombre d’années de chaque règne. Mais rien n’est plus décevant que ce genre de textes. Ou bien les listes sont incomplètes, par suite d’une cassure de la tablette, ou bien, à cause d’erreurs des scribes, elles sont contradictoires dans le cadre d’un même État ; à cela s’ajoute le fait que les dynasties parallèles abondent dans ce monde toujours politiquement morcelé et que la confrontation des listes correspondantes nous vaut de nouvelles divergences. Les découvertes de textes chronologiques, encore fréquentes en Mésopotamie et dans les pays voisins employant les cunéiformes, permettent cependant de rétrécir la marge d’incertitude.

Mais seule la conservation d’une liste de 263 éponymes assyriens consécutifs fournit une base solide (pour la chronologie du Ier millénaire av. J.-C.), car l’indication d’une éclipse de soleil sous l’un d’eux permet de situer son année en 763 et l’ensemble de la liste de 911 à 648.

Les scribes égyptiens nous ont laissé également des listes royales avec des noms d’année et des durées de règne, remontant jusqu’à la Ire dynastie (fin du IVe millénaire). Quelques textes donnant pour l’année x de tel règne la valeur du décalage de l’année usuelle de 365 j par rapport à celle, plus exacte, qui comprend 365 j 1/4, permettent de situer à trois ans près, des dynasties, dont la plus ancienne est la xiie (xxe-xixe s.). Mais les lacunes et les contradictions se rencontrent également dans les listes égyptiennes, et les divergences chronologiques sont donc accrues pour les périodes où Egyptiens et Asiatiques sont en contact et citent des événements qui leur sont communs.