Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mendeleïev (Dmitri Ivanovitch) (suite)

Mendeleïev constate en effet qu’en rangeant les 63 éléments chimiques alors connus par masse atomique croissante, il retrouve, à intervalles réguliers, des substances dont les propriétés physiques varient d’une façon continue et dont les caractéristiques chimiques sont très proches. Dans ce tableau périodique, il a ménagé quelques interversions, qui seront justifiées plus tard ; il y a également laissé des cases vides, supposant qu’elles correspondaient à des éléments inconnus, dont il va jusqu’à prévoir les principales propriétés. Avant sa mort, il a la joie de voir en 1875 François Lecoq de Boisbaudran (1838-1912) découvrir le gallium, prévu par lui sous le nom d’ekaaluminium, puis en 1879 le Suédois Lars Fredrik Nilson (1840-1899) isoler le scandium (ekasilicium) et, en 1886, l’Allemand Clemens Alexander Winkler (1838-1904) identifier le germanium (ekabore).

Vers 1890, Mendeleïev devient conseiller scientifique des services militaires russes et fait étudier les nitrocelluloses par ses élèves ; il contribue à la mise au point d’une poudre sans fumée à base de pyrocollodion.

Il meurt d’une crise cardiaque au début de 1907.

R. T.

 D. Q. Posin, Mendeleyev ; the Story of a Great Scientist (New York, 1948). / N. A. Figourovski, D. I. Mendeleïev (en russe, Moscou, 1961). / P. Kolodkine, Mendeléïev (Seghers, 1963).

Mendelssohn (Felix)

Compositeur allemand (Hambourg 1809 - Leipzig 1847).


Si le nom de Felix Mendelssohn-Bartholdy brille à côté de ceux de Schubert et Schumann, l’œuvre du musicien souffre, par contre, d’une méconnaissance regrettable : elle présente, en dépit d’inégalités certaines, une variété et des qualités indéniables. On oublie trop souvent aussi que Mendelssohn a été l’un des principaux animateurs de la vie musicale allemande entre 1830 et 1850. Né dans une famille de riches financiers d’origine juive, fraîchement convertie au luthéranisme (le nom de Bartholdy a été rajouté pour désigner la branche protestante), Mendelssohn a bénéficié d’une éducation très soignée, recevant de Marie Bigot (1786-1820), élève estimée de Beethoven, les leçons de piano, et de K.-F. Zelter (1758-1832), disciple de J. P. Kirnberger, les préceptes d’écriture les plus solides. Conjuguée aux dispositions fort précoces de l’enfant, cette excellente formation s’est trouvée rapidement confirmée dès les premières œuvres, remarquables tant par leur aisance instrumentale que par leur tendance contrapuntique : 12 symphonies pour cordes, un concerto en mineur pour violon et orchestre (1822) ; des pages de piano et de musique de chambre, dont le magnifique octuor op. 20 (1825). Encouragé par K. M. von Weber, Mendelssohn voit aussi ses aptitudes reconnues et louées par Goethe, qui, jusqu’à sa mort, lui prodiguera une exceptionnelle amitié. En 1826, le jeune homme découvre Shakespeare dans la langue originale. Son enthousiasme à la lecture de A Midsummer Night’s Dream lui inspire sa célèbre ouverture pour le Songe d’une nuit d’été, que Schumann a qualifiée de « ruissellement de génie ». (La musique de scène sera complétée en 1843.) Simultanément à ses études universitaires, Mendelssohn poursuit une triple carrière de pianiste, chef d’orchestre et compositeur. Mû par une ferme volonté, il parvient à force de patience et d’autorité à faire chanter, le 11 mars 1829, la Passion selon saint Matthieu de J.-S. Bach, amorçant ainsi un immense mouvement en faveur de la résurrection de la musique du Cantor de Leipzig. La même année, il écrit dans l’esprit traditionnel une symphonie (no 5, Réformation) pour la célébration du tricentenaire de la Confession d’Augsbourg. Puis un vaste périple le conduit à travers l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie — il y fera la connaissance de Berlioz, alors pensionnaire de la Villa Médicis —, la Suisse, la France en 1831-32 et l’Angleterre. Période très féconde, puisque Mendelssohn composera la Nuit de Walpurgis, cantate sur des paroles de Goethe, le premier concerto pour piano et les deux premiers recueils des Lieder ohne Worte.

De 1833 à 1835, Mendelssohn exerce les fonctions de directeur de la Musique à Düsseldorf, où il tentera de réhabiliter certains opéras tels que le Don Giovanni de Mozart. De 1835 à 1843, il prendra la responsabilité des concerts du Gewandhaus de Leipzig, auxquels il apportera une renommée incomparable. Malgré ces charges écrasantes, il trouvera le temps de composer son oratorio Paulus (1836), de nombreuses pages chorales et pianistiques, la symphonie-cantate Lobgesang et la Symphonie écossaise (1842). Sa nomination au titre de Kapellmeister du roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse le rappelle à Leipzig en 1841. Le compositeur mettra à profit ces appuis officiels pour réaliser un projet qui lui tient à cœur : la fondation d’un conservatoire dans cette ville. L’établissement ouvrira ses portes en 1843, avec entre autres professeurs Schumann et Mendelssohn lui-même pour les classes de composition. Mendelssohn partagera les trois dernières années de sa vie entre Leipzig, Francfort et Berlin, achevant en 1844 son superbe concerto pour violon op. 64 et faisant jouer avec un immense succès à Birmingham son second oratorio, Elias, en 1846. Sa disparition prématurée en 1847 a privé l’Allemagne de l’un de ses musiciens préférés, en même temps qu’un de ses plus ardents défenseurs de la musique.

« Sa production est équilibrée parce que, chez lui, le classique tolère le romantique et que le romantique ne détruit pas le classique. » C’est ainsi qu’A. Einstein a parfaitement mis en évidence la dualité du style de Mendelssohn. Des leçons de Bach et de Händel, le compositeur a retenu l’amour des masses chorales, l’usage du récitatif, l’emploi du choral luthérien et de la technique contrapuntique. Mendelssohn a cherché avec Paulus et Elias la voie du renouvellement de l’oratorio en s’appuyant sur ces « solidités anciennes ». Transposées au domaine instrumental, ces préoccupations se manifestent dans les préludes et fugues op. 35 pour piano, op. 37 pour orgue, et dans les six sonates pour ce dernier instrument, sonates qui présentent d’évidentes affinités avec les sonates en trio de J.-S. Bach. La fugue apparaît fréquemment aussi comme processus de développement dans la plupart des œuvres de musique de chambre (dans les quatuors à cordes op. 13 et op. 80 en particulier). D’essence purement romantique, les dix ouvertures (dont les Hébrides [1830-1832]) et les symphonies « italienne » (1833) et « écossaise » (1842) forment l’heureux prolongement de celles de Schubert, par la qualité de leurs idées mélodiques et le brio de leur orchestration aérée. Mendelssohn a écrit une centaine de lieder pour voix ou petits ensembles vocaux et piano qui constituent avec ceux de J. C. Loewe (1796-1869), selon Marcel Beaufils, un intermède mineur dans l’histoire de la mélodie allemande après Schubert. C’est dans les 48 Lieder ohne Worte (Romances sans paroles [1829-1845]), élégante synthèse du lied vocal et de la miniature instrumentale, que Mendelssohn a acquis sa réputation de musicien de salon (« Chanson du printemps » ; « la Fileuse »). Les Variations sérieuses (1841) pour piano op. 54 résument à elles seules toute la diversité du langage de Mendelssohn : le thème, d’une plastique et d’une harmonisation toutes romantiques, obéit au plus pur modèle classique et s’y trouve traité avec un vêtement résolument moderne.

R. J.

 C. Bellaigue, Mendelssohn (Alcan, 1907). / P. de Stoecklin, Mendelssohn (Laurens, 1908). / P. M. Young, Introduction to the Music of Mendelssohn (Londres, 1949). / H. E. Jacob, Felix Mendelssohn und seine Zeit (Francfort, 1959). / E. Werner, Mendelssohn, a New Image of the Composer and his Age (New York, 1963). / Y. Tienot, Mendelssohn (Lemoine, 1972).