Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

accouchement (suite)

Les interventions humaines

Bien qu’il s’agisse d’un phénomène physiologique, on peut être amené à intervenir soit pour diminuer les douleurs, soit pour terminer un accouchement impossible, ou possible, mais mettant en jeu par sa prolongation les intérêts maternels et fœtaux. L’analgésie médicamenteuse ne doit ni nuire au fœtus, en provoquant son anoxie ou son intoxication, ni entraver le déroulement normal de l’accouchement. On distingue plusieurs types, selon le niveau d’action. Dans l’interruption de la conduction de la douleur, on agit au niveau des terminaisons de la zone génitale par infiltration de novocaïne. (On peut ainsi infiltrer les nerfs honteux, le sympathique lombaire ou les nerfs sacrés par perfusion continue dans le canal sacré.) Ce mode d’analgésie n’a aucune action sur le fœtus, mais sa technique est difficile et inconstante ; il est cependant très en faveur dans les pays anglo-saxons. L’analgésie par inhalation agit au niveau des centres nerveux et non plus à celui des voies de conduction. Le chloroforme donné sur une compresse au moment de l’expulsion réalise l’anesthésie « à la reine », mais n’est pas exempt de dangers. Le trichloréthylène permet l’auto-anesthésie par la parturiente elle-même. Le protoxyde d’azote et le cyclopropane nécessitent un service d’anesthésie très organisé. De toute façon, aucun de ces anesthésiques par inhalation ne peut être utilisé avant la fin de la dilatation. La narcose par voie intraveineuse ne semble pas sans danger pour le fœtus. En réalité, toutes ces méthodes, au lieu de permettre à la femme de coopérer à son accouchement, la laissent inconsciente et non maîtresse de son effort.

La préparation psychoprophylactique à l’accouchement permet d’obtenir un accouchement sans crainte ou même sans douleur. On cherche alors à détruire les préjugés sur la douleur et à faire acquérir la confiance, ce qui permet à la femme ainsi préparée d’avoir un comportement discipliné et organisé au moment de l’accouchement. Les méthodes de préparation psychoprophylactiques peuvent se réduire à deux, du point de vue des bases théoriques. Selon la théorie anglaise de Read, c’est la triade « crainte-spasme-douleur » qui est à l’origine des souffrances. La peur de souffrir entraîne des réflexes de défense qui déterminent une tension musculaire génératrice elle-même de douleurs réelles. Cette théorie, toute imprégnée d’idéalisme, recherche l’assoupissement du psychisme.

La doctrine russe, au contraire, est une doctrine physiologique pure, dérivant des théories de Pavlov et accordant un rôle prépondérant à l’activité nerveuse supérieure du cortex cérébral. L’équilibre nerveux supérieur dépendrait des rapports entre cortex et zones nerveuses inférieures, traduits par le jeu réciproque des processus d’excitation et d’inhibition. Il faut donc diminuer les excitations sensorielles qui arrivent au cortex cérébral : dans l’espèce humaine, la parole, qui ajoute ses effets à ceux des excitations sensorielles, joue un rôle important dans ce domaine. L’anxiété, la crainte ou la peur amplifient la perception douloureuse et créent des retentissements multiples. Il faut renforcer l’activité cérébrale de la femme par sa prise de conscience, par son contrôle permanent des péripéties de l’accouchement et par sa propre coopération. On peut y parvenir par l’éducation de la femme sans doute, mais aussi par l’éducation du personnel, l’aménagement des salles de travail et des modalités particulières de surveillance de l’accouchement. Cette préparation est réalisée en petits groupes d’une dizaine de femmes, au cours de leçons échelonnées lors de la période prénatale. On vise à supprimer les réflexes conditionnés nocifs et à en créer d’autres. Les leçons théoriques sont complétées par une répétition des exercices physiques, qui doivent être refaits à domicile. Ainsi, tantôt par l’action médicamenteuse, tantôt par l’action psychique, tantôt par l’action physique, tantôt par leur association, la douleur de l’accouchement se trouve contrôlée et diminuée.

Au cours de l’accouchement, un certain nombre d’interventions peuvent être rendues indispensables. L’épisiotomie est une opération de petite chirurgie obstétricale courante, consistant à sectionner le périnée, en partant de la commissure postérieure de la vulve, sur une longueur de 2 à 4 cm (la réparation en est faite soigneusement après la sortie du placenta). Elle vise à prévenir les déchirures importantes du périnée et les surdistensions dangereuses pour la tonicité ultérieure (exposant aux prolapsus génitaux), à hâter la sortie de la tête du fœtus ou à protéger celle-ci contre le pilonnage intensif de l’obstacle périnéal. Elle se pratique à la fin de la période d’expulsion, alors que le périnée est distendu par la tête fœtale. Le forceps est un instrument destiné à saisir la tête du fœtus, lorsque la dilatation complète du col est acquise, à la diriger selon les bons axes et à l’extraire. Il réalise une « pince », dont les cuillers sont soit croisées comme une tenaille (forceps de Tarnier), soit parallèles comme une pince à sucre (forceps de Demelin). Chaque cuiller comporte une courbure céphalique, qui s’applique sur la convexité de la tête du fœtus, et une courbure pelvienne, qui épouse la concavité de la cavité du bassin. Chaque cuiller est introduite séparément dans les voies génitales. Les deux cuillers sont ensuite rendues solidaires soit par un pivot à vis, dans le cas du forceps croisé, soit par une branche d’accouplement, dans le cas du forceps à branches parallèles. Le forceps peut comporter un tracteur (forceps de Tarnier), des lacs sur lesquels on tire (forceps de Demelin) ou ne pas comporter de système de traction du tout. Plusieurs conditions sont nécessaires pour que la pose d’un forceps soit possible. Il ne faut pas croire, en particulier, que l’utilisation de forceps soit possible à n’importe quel moment de l’accouchement ou qu’elle puisse remplacer la césarienne ou être remplacée par elle. L’extraction avec un forceps ne doit pas être une manœuvre de force ; l’instrument ne sert qu’à orienter la tête dans un bon diamètre et à vaincre le dernier obstacle qu’elle a à franchir, celui du périnée. Il est donc impératif, avant de poser un forceps, que les obstacles précédents aient été franchis spontanément par la tête : la dilatation du col doit être complète, la poche des eaux doit être rompue, l’obstacle osseux du bassin doit avoir été vaincu, c’est-à-dire que la tête doit être engagée dans l’excavation du bassin. La pose d’un forceps se justifie soit en raison d’une souffrance fœtale, qui rend nécessaire une rapide terminaison de l’accouchement, soit en raison d’un arrêt de la progression de la tête (par inertie utérine, anomalie dans le mécanisme de l’accouchement, résistance périnéale trop grande), soit en raison de l’état de la mère, fatiguée par un trop long travail ou atteinte de maladie. L’extraction de la tête fœtale peut également être aidée par les spatules, sortes de leviers non articulés entre eux, ou par la ventouse obstétricale, cupule métallique solidement appliquée sur le crâne fœtal au moyen du vide, grâce à une parfaite étanchéité. La ventouse ne remplace pas le forceps, mais en réduit la fréquence, en diminuant les délais d’expulsion. Elle n’est pas nocive pour les enfants, et la bosse séro-sanguine qu’ils présentent à la naissance au niveau du point d’application disparaît en quelques jours. Actuellement, toutes ces extractions instrumentales ont perdu le caractère acrobatique de nécessité qu’elles avaient jadis. Ce sont des interventions simples, qui ne sont décidées que lorsque les circonstances mécaniques sont parfaitement favorables.