Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Marseille (suite)

L’histoire


La ville grecque

Fondée vers 600 av. J.-C. par des Ioniens de Phocée en territoire celto-ligure sur la rive nord du Lacydon, Massalia (nom ligure) est gouvernée par une aristocratie marchande, les « six cents timouques », seuls habilités à désigner le « Conseil des quinze », d’où est issu le « Collège exécutif des trois ». Tout en maintenant avec la Grèce des rapports étroits attestés par l’érection à Delphes d’un Trésor des Marseillais au vie s., la colonie phocéenne entame la conquête économique de l’Occident méditerranéen. Elle est sans doute victorieuse sur mer au large d’Alalia en Corse en 535 des Carthaginois et des Étrusques, et fonde de nombreuses colonies maritimes : Nikaia (Nice), Antipolis (Antibes), Olbia (Hyères), Tauroentum (Le Brusc), Agathê (Agde), Emporion (Ampurias), etc.

Dépassant même les colonnes d’Hercule au ive s., Euthyménès atteint le Sénégal au sud et Pythéas, l’Écosse et la Norvège ou l’Islande au nord. En fait, pour s’assurer le contrôle de l’ambre de la Baltique et de l’étain de la Bretagne, les Marseillais établissent, au moins dès le ive s., des postes avancés autour de l’étang de Berre, là où convergent vers leur ville les deux routes de la Garonne et surtout du Rhône par où affluent ces produits précieux. Par ces mêmes voies, ils exportent au loin leur monnaie d’argent, frappée depuis 540 environ, ainsi que leurs poteries, les produits de leur sol ou de leur élevage (vin indigène, sel du delta du Rhône, porcs et poissons salés, corail, liège, plantes aromatiques). Un colossal cratère de bronze d’origine grecque, découvert à Vix (Bourgogne), atteste en outre de l’importance du commerce de transit à Marseille vers 530 av. J.-C. et souligne indirectement le rôle civilisateur des Grecs (diffusion de l’alphabet).


De l’alliance à la domination romaine

Se prêtant mutuellement secours contre leurs adversaires communs — Étrusques et Carthaginois de la fin du vie au ive s. av. J.-C. et Gaulois au début du ive av. J.-C. —, Marseille et Rome signent après 386 un traité d’alliance sur un pied de stricte égalité. La cité phocéenne est alors peuplée d’environ 6 000 habitants rassemblés sur 50 hectares ; elle est ceinturée d’un mur dit « de Crinas » et dotée d’un port dont le site a été précisé lors des fouilles de la Bourse en 1967. Elle soutient Rome lors de la deuxième guerre punique, mais fait appel à elle pour repousser les Oxybiens et les Déciates en 181 et en 154, puis les Salyens en 125 av. J.-C. Marseille est protégée des invasions celtiques, puis teutoniques par la création de la Narbonnaise en 118 av. J.-C. ; elle se voit reconnaître la possession du territoire côtier de Monaco à l’embouchure du Rhône, ou Caius Marius lui cède les Fossae Marianae (canal d’Arles à Fos) qu’il a fait creuser, mais elle commet l’erreur de soutenir Pompée contre César. Assiégée par ce dernier, elle capitule en 49 av. J.-C. et perd sa flotte, ses remparts et ses territoires à l’exception de Nice et des îles d’Hyères.

Marseille, qui conserve le statut de ville fédérée, mais qui est défavorisée par rapport à Narbonne et surtout par rapport à Arles, redistribue encore les produits de l’Orient en Occident. En déclin, ce trafic explique la présence persistante de nombreux Orientaux favorables à la constitution précoce d’une communauté chrétienne pourvue au plus tard en 314 d’un évêque, Oresius, et en 416 d’un monastère : celui de Saint-Victor, fondé par Jean Cassien (v. 350 - v. 432).

Bénéficiant d’une légère reprise commerciale à la fin du ve s. du fait de la ruine d’Arles et de Narbonne (en 462), Marseille passe sous l’autorité successive des Wisigoths, en 476, des Ostrogoths, en 507, enfin des Francs d’Austrasie ou de Bourgogne à partir de 536.


Marseille à l’époque médiévale

Marseille, pillée en 736 par Charles Martel, est victime en 838 d’un raid sarrasin. Elle est administrée au milieu du xe s. par un vicomte sous l’autorité des comtes-marquis de Provence, et renaît à la vie spirituelle et économique au xe et au xie s. L’abbaye Saint-Victor assure en effet la diffusion en Provence de la réforme grégorienne, qui entraîne un déclin précoce de la féodalité, tandis que l’élimination des Sarrasins, vers 972, et surtout les croisades* du xiie s. favorisent la reprise à son profit du grand commerce maritime.

À l’exemple des Italiens, les Marseillais fondent des comptoirs à Tyr, à Chypre et surtout à Saint-Jean-d’Acre en 1190. En même temps, ils s’établissent en Berbérie, à Bougie, à Tunis et à Ceuta, favorisant l’afflux des épices, des bois précieux et des soieries de l’Orient, des cuirs d’Afrique du Nord vers la vallée du Rhône. La ville s’émancipe alors. Après la création d’un consulat (attesté en 1178) dominé par un patriciat conservateur, les chefs de mouvement communal mettent en place une administration municipale comprenant notamment les 100 chefs des métiers de l’artisanat et du commerce. La commune rejette l’autorité du comte de Provence Raimond Bérenger IV (ou V) [1205-1245] et se donne, en 1230, au comte de Toulouse, Raimond VII. Devenue pratiquement indépendante à la mort de ce dernier en 1249, Marseille anime une ligue urbaine hostile à Charles Ier* d’Anjou. Mais, en juillet 1252, elle reconnaît la suzeraineté nominale de celui-ci et, en 1257, elle accepte la présence d’un viguier ou d’un clavaire. Une vaine révolte en 1262 consacre la perte de son indépendance au profit de la maison d’Anjou, qui ouvre en contrepartie à ses négociants le marché du blé sicilien (jusqu’en 1282) et napolitain.

Après une longue période de déclin consécutive à la chute d’Acre en 1291, aux difficultés économiques nées de la peste noire de 1348, à la crise de succession provoquée par la mort de Jeanne Ire d’Anjou, reine de Naples, en 1382, et à l’impérialisme des Aragonais qui mettent à sac son port du 20 au 23 novembre 1423, Marseille retrouve une incontestable prospérité au xve s. grâce à Jacques Cœur, qui y base ses galères, puis au roi René, qui réside en Provence depuis 1470.