Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Marseille (suite)

La ville royale (1481-1790)

La ville, annexée à la France en 1481, est assiégée en 1524 par le connétable de Bourbon (1490-1527) et en 1536 par Charles Quint. Elle profite de l’alliance conclue par François Ier avec les Turcs en 1543, puis de la victoire remportée par les chrétiens à leurs dépens à Lépante en 1571 pour développer son commerce méditerranéen.

Les Marseillais, qui exploitent et commandent curieusement des navires armés par des banquiers avignonnais ou lyonnais, achètent des soies, des tapis au xvie s., puis du coton au xviie s. au Levant ; en même temps, ils prospectent le marché nord-africain des blés, des cuirs et du corail, dont la pêche entre Bône et le cap Nègre est monopolisée par la Compagnie du corail, fondée en 1552 par Thomas Lenche, à qui succède son neveu en 1568. En échange, ils exportent vers les pays musulmans les produits de l’Occident, notamment les draps du Languedoc. Une industrie diversifiée naît alors de cette expansion commerciale : draperie de la Compagnie de l’écarlate, fondée en 1570, raffinerie de sucre en 1574, savonnerie en 1577, etc.

Catholique, tardivement ralliée à la Ligue, Marseille se rend indépendante de 1591 à 1596 sous l’autorité dictatoriale de Charles de Casaulx (1547-1596), assassiné le 17 février 1596 pour s’être allié à Philippe II d’Espagne. Elle est dotée par Henri IV en 1594 d’une cour de justice souveraine, et est équipée par Richelieu d’une flotte de 24 galères qui désire prévenir une attaque des Espagnols, susceptible d’entraver la reprise des échanges avec le Levant, pôle presque exclusif de son commerce. En fait, ce dernier continue à décliner jusqu’au milieu du xviie s. en raison de la guerre avec l’Espagne, de la recrudescence de la piraterie et des troubles de la Fronde, aggravés par la peste de 1649. À la faveur de ces troubles, des roturiers enrichis, les Valbelle, s’emparent de l’hôtel de ville de 1650 à 1657. Animée par un de leurs parents, le chevalier de Glandevès-Niozelles, une révolte populaire éclate le 13 juillet 1658 contre les nouveaux consuls imposés par le roi. Le 23 janvier 1660, le duc de Mercœur (Louis de Bourbon) [1612-1669] reprend la ville, où Louis XIV entre le 2 mars. Le consulat est alors remplacé par un échevinage de trois membres surveillés par un viguier nommé par le roi et placé à la tête d’une garnison de trois régiments appuyés sur la citadelle Saint-Nicolas, dont la construction est entreprise.

Brisée politiquement, Marseille bénéficie pourtant de la sollicitude économique de l’État. La Chambre de commerce, reconstituée dès le 16 août 1660, anime les échanges avec la Barbarie et surtout avec le Levant, d’où elle importe blés, huiles, soudes, peaux, épices. Favorisé par la création d’un port franc en 1669, mais non par celle d’une Compagnie du Levant qui échoue faute de capitaux (1670-1684), le commerce d’importation stimule l’essor des industries locales du papier, du carton, de la chapellerie, du drap, du savon (après 1688), du sucre, dont les produits sont alors réexportés avec ceux que son port reçoit par Gibraltar des pays du Nord. L’ampleur de ces activités accélère la croissance démographique de la population, qui passe de 15 000 habitants en 1515 à près de 40 000 en 1599, à 65 000 en 1666, à 100 000 en 1720. Malgré la peste de 1720 à 1722, qui lui fait perdre la moitié de ses habitants, au service desquels se dévouent le chevalier Roze (1671-1733) et l’évêque Henri de Belsunce (1670-1755), malgré la crise économique de la guerre de Sept Ans, l’essor économique de Marseille se poursuit. S’ouvrant depuis la fin du xviie s. au commerce antillais et même sud-américain, déplaçant après 1750 le centre de gravité de son commerce oriental vers Smyrne et Constantinople, Marseille est déjà un port mondial en 1789.


Marseille depuis la Révolution française

La ville, troublée par des émeutes au printemps de 1789, est dotée, en 1790, d’une municipalité révolutionnaire qui multiplie les expéditions contre Arles, repaire d’aristocrates (mars 1792) et contre Aix-en-Provence, à laquelle elle veut enlever la qualité de chef-lieu des Bouches-du-Rhône (fév. et août 1792). Marseille lève un bataillon de volontaires qui doit lutter contre l’invasion et qui participe à la prise des Tuileries, le 10 août. Favorable à l’exécution du roi le 21 janvier 1793, la ville, à l’instigation de Charles Jean-Marie Barbaroux (1767-1794), adhère à la révolte fédéraliste après le 2 juin. Réoccupée par les troupes de la Convention le 25 août, placée sous l’autorité du représentant Louis Fréron (1754-1802), qui veut en faire la « ville sans nom » et qui y instaure la Terreur, Marseille connaît après le 9 thermidor une « Terreur blanche » marquée par le massacre des Jacobins au fort Saint-Jean le 5 juin 1795.

Marseille est substituée en 1800 à Aix-en-Provence comme chef-lieu du département des Bouches-du-Rhône, mais elle est asphyxiée économiquement par le Blocus continental. Elle accueille avec joie la chute du premier Empire, qui lui permet de reprendre ses activités maritimes. En lui offrant de nouveaux débouchés, la conquête de l’Algérie en 1830, l’ouverture du canal de Suez en 1869 et la conquête de l’Indochine achevée en 1885 assurent à la ville et à son port une expansion continue qui soutient la croissance de sa population (195 000 hab. en 1851 ; 300 000 en 1869, 550 000 en 1911). Rien n’entrave cet essor, ni la crise de 1847, ni la révolution de 1848, ni même la Commune* de 1871 en raison de sa brièveté.

Bien qu’elle ait été l’une des grandes bénéficiaires de la politique du second Empire*, grâce auquel elle devient un très grand centre d’affaires (entreprise Mirès, banque H. Roux, etc.), Marseille est, en effet, restée l’un des principaux bastions du parti républicain en France. Symbolisée déjà par l’élection en 1869 au Corps législatif de Léon Gambetta* au détriment de Ferdinand de Lesseps*, cette puissance de l’opposition républicaine aboutit à la proclamation le 23 mars 1871 de la Commune de Marseille, qui succombe les 3 et 4 avril sous les coups des forces de l’ordre malgré les efforts de Gaston Crémieux (1836-1871), qui est fusillé le 30 novembre.