Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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marine (suite)

Si le cuirassé prend dans les flottes de 1914 la place du vaisseau de ligne, il est accompagné de navires de type également nouveau, au premier rang desquels se situent les torpilleurs et les sous-marins*. Les premiers sont nés de l’invention, par l’Anglais Robert Whitehead (1823-1905), en 1866, de la torpille*, projectile autopropulsé porteur d’une charge capable de disloquer la carène du navire le plus robuste. Et c’est pour lancer ces torpilles que sont conçus de petits bâtiments dits torpilleurs, dont la vogue fut extrême en France à partir de 1886. Et c’est pour défendre les cuirassés contre ces torpilleurs que les Anglais créent le destroyer (1893), armé de canons à tir rapide et appelé par les Français contre-torpilleur (et plus tard escorteur).

Quant aux sous-marins, ils apparaissent après de longs tâtonnements à la fin du xixe s. Le premier qui a été opérationnel est le Narval français (1899), dû à l’ingénieur Maxime Laubeuf (1864-1939). Équipés de moteurs Diesel et électriques, les sous-marins sont déjà nombreux dans les flottes de 1914 (79 anglais, 72 français, 25 allemands) et joueront un rôle désormais capital dans la guerre navale.

Enfin, il ne faut pas oublier que, vers 1910, les marines commencent à employer à leur profit le ballon et l’aéroplane ; c’est à la veille de la Première Guerre mondiale que naît l’aéronavale* : en 1917 est réalisé sur le croiseur anglais Furious le premier appontage d’un avion, expérience d’où naîtra le navire porte-avions (v. porte-aéronefs).

Du vaisseau mixte à la frégate cuirassée

Le Napoléon, vaisseau mixte voile et vapeur, lancé le 18 mai 1850, déplace 5 047 tonnes. Long de 71 m, large de 16 m, il est armé de 90 canons. Sa machine à vapeur, approvisionnée à 927 t de charbon, développe 1 027 chevaux réels. Sa vitesse atteint aux essais 13,8 nœuds.

La Gloire, frégate cuirassée, lancée le 24 novembre 1859, déplace 5 600 tonnes. Longue de 78 m, large de 16,7 m, elle est armée de 30 canons de 30 livres. Ses chaudières ont une puissance de 2 350 chevaux réels. Sa coque, construite en bois, est revêtue d’une cuirasse de 12 cm en fer forgé couvrant ses flancs de 2 m sous la flottaison à 5,40 m au-dessus (v. cuirassé).


Les flottes de guerre des grandes puissances (1815-1914)

Les traités de 1814-15 avaient consacré l’hégémonie maritime de l’Angleterre, qui, profitant de cet état de fait, donnera au xixe s. un développement considérable à son commerce comme à son empire colonial.

Sur le plan militaire, l’Amirauté de Londres veillera à ce que demeure respecté son principe du Two Power Standard, ce qui ne lui posera guère de problème jusqu’à la fin du siècle. Elle multiplie ses bases dans le monde, notamment en Extrême-Orient (Singapour, 1819) et en Méditerranée (Chypre, 1878), à laquelle l’ouverture, en 1869, du canal de Suez a rendu sa valeur stratégique. Forte de sa puissance, la Royal Navy n’a suivi le progrès qu’avec réticence : c’est pour surclasser le cuirassé français Gloire qu’est construit en 1861 le Warrior (9 000 t, 14,5 nœuds, 28 canons de 7 pouces). Le premier sous-marin anglais n’est lancé qu’en 1904, et le dreadnought répond en 1906 à la politique navale fracassante de Guillaume II.

La France n’aura, jusqu’en 1850, que peu d’ambition dans le domaine naval ; l’opinion réagira toutefois aux échos de la bataille de Navarin (1827) et surtout à l’expédition d’Alger, où, en 1830, apparaît le premier aviso français à vapeur. En 1846 est adopté le premier programme de navires à vapeur ; le second Empire en profitera, et la technique française affirmera sa primauté avec des ingénieurs tels qu’Henri Dupuy de Lôme, Émile Bertin (1840-1924) et plus tard Maxime Laubeuf. En 1870, la flotte française compte 382 unités, dont 16 navires cuirassés. La politique coloniale de la IIIe République exigera l’appui d’une flotte importante, dont l’amiral Courbet* montrera la valeur en Extrême-Orient. Le renouveau de la flotte sera opiniâtrement poursuivi par l’état-major et donnera à la France en 1914 le quatrième rang après l’Angleterre, l’Allemagne et les États-Unis, le second pour le nombre de ses sous-marins.

Les États-Unis découvriront avec la guerre de Sécession l’importance de leur marine militaire. Celle-ci trouvera en l’amiral Mahan (1840-1914) un théoricien dont les idées seront adoptées par son ministre Theodore Roosevelt. L’U. S. Navy fera ses premières armes dans la guerre contre l’Espagne (1897-98). Les nouvelles possessions insulaires américaines (Cuba, les Philippines, Porto Rico...) inciteront les États-Unis à se doter d’une puissante marine. Celle-ci occupe le troisième rang en 1914, au moment où l’ouverture du canal de Panamá permet à la Navy de balancer facilement ses forces entre l’Atlantique et le Pacifique.

À l’ouest de cet océan, la marine japonaise apparaît déjà à la fin du siècle comme une sérieuse concurrente de la marine américaine. Sa victoire éclatante dans la guerre russo*-japonaise (1905) a marqué l’entrée du Japon dans le cercle des grandes puissances navales.

Quant à l’Allemagne, sa force dans le domaine maritime n’apparaît qu’au moment où Guillaume II*, délaissant la politique européenne de Bismarck*, se lancera dans la Weltpolitik. « L’avenir de l’Allemagne est sur l’eau », déclare le kaiser à Kiel en 1900, après avoir fait adopter un programme naval imposant, conçu par l’amiral Tirpitz*. La flotte de haute mer qui en résultera fera de l’Allemagne la deuxième puissance navale en 1914. L’alarme qu’elle provoquera à Londres ne sera pas étrangère à l’entrée de la Grande-Bretagne dans la Première Guerre mondiale.

En dehors de ces cinq grandes marines, trois autres joueront un rôle dans le conflit. La marine russe, d’abord, encore la troisième à la fin du xixe s., est fortement handicapée par sa division « géographique » en trois flottes totalement distinctes : celle de la Baltique (Kronchtadt), celle de la mer Noire (Sébastopol) et celle d’Extrême-Orient (Vladivostok et Port-Arthur). Elle est sortie très diminuée de sa défaite par le Japon en 1905 et entre en guerre sans avoir pu se renouveler (son bâtiment le plus récent date de 1907). La marine italienne, au contraire, grâce à son ministre Benedetto Brin (1833-1898), est en plein essor. Elle s’est lancée dans la construction de grands cuirassés et, en 1914, est deux fois supérieure à sa rivale, la marine autrichienne. Celle-ci ne possède que trois dreadnoughts et son unique base de Pula limite strictement son domaine à l’Adriatique.