Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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marine (suite)

Les derniers grands voiliers

Ce sont, au milieu du xixe s., les cap-horniers (du cap Horn), grands voiliers long-courriers, et surtout les clippers anglais de la course au thé. Trois-mâts très rapides de 1 500 à 2 800 tonneaux, ces derniers surclassent alors tous les vapeurs contemporains. Leur record sera l’aller et retour Londres-Melbourne en 132 jours.

Le dernier et le plus grand vaisseau en bois à trois ponts lancé en France est le Valmy (1847). Long de 62 m, large de 17 m, il déplace 5 000 tonneaux, est armé de 120 canons et porte une voilure de 4 500 m2 ; le plus haut de ses trois mâts atteint 60 m. Son équipage est de 900 hommes.


Les marines marchandes de 1815 à 1914

C’est au xixe s. que naît l’industrie moderne des transports maritimes. L’application de la vapeur à la propulsion des navires se généralise. Les grandes compagnies de navigation se créent et multiplient les lignes régulières répondant aux besoins accrus du commerce international. Libérés du caprice des vents, les navires partent à jour fixe pour des voyages qui ne sont plus soumis aux mêmes aléas que ceux des voiliers. Par ailleurs, les nations maritimes abandonnent les mesures protectionnistes adoptées au milieu du xviie s. Le principe de la liberté des mers est unanimement admis, et l’égalité des pavillons est assurée dans tous les ports.

La substitution au bois du fer, puis de l’acier permet de donner aux navires de plus larges dimensions. Dans les principales flottes du monde apparaissent bientôt, surtout sur l’Atlantique Nord, les grands paquebots rapides, dont certains atteignent une vitesse de 26 nœuds. Ils permettent non seulement les transports intercontinentaux des personnes se déplaçant pour leurs affaires ou leur plaisir, mais encore l’exode massif des émigrants vers les pays neufs. Dans la seule année 1913, plus d’un million et demi d’entre eux sont admis dans le continent américain. La capacité de transport des navires de charge augmente aussi, mais sans dépasser, en général, 5 000 à 6 000 tonneaux et une vitesse d’une dizaine de nœuds. Le faible coût d’exploitation des voiliers permet à ceux-ci de subsister longtemps sur certaines lignes. En 1900, ils constituent encore 40 p. 100 du tonnage mondial.

Pendant toute cette période, la flotte britannique reste, de loin, la première du monde, situation qui est consolidée par le rôle essentiel du charbon, seul combustible utilisé par les navires jusqu’aux toutes premières années du xxe s. En 1914, il n’y a encore qu’une part infime du tonnage mondial chauffant au mazout ou propulsée par moteur Diesel. Non seulement la Grande-Bretagne fournit les « soutes » de la plupart des marines, mais le charbon constitue pour ses navires de charge un très utile fret de sortie. L’avance prise par l’industrialisation de la Grande-Bretagne et son expansion coloniale contribuent aussi à maintenir sa suprématie maritime. Cependant, d’autres marines se développent. Les Scandinaves (les Norvégiens surtout) se montrent des concurrents dynamiques. Renouant avec leurs traditions maritimes, les Hollandais font preuve d’une nouvelle activité, notamment sur l’Extrême-Orient. La France et l’Italie augmentent leurs tonnages, aidées par des interventions gouvernementales. L’ouverture du Japon (en 1868) à l’influence occidentale est suivie de la création d’une marine marchande qui sort des limites du cabotage traditionnel. Quant aux États-Unis, après les épreuves de la guerre de Sécession (1861-1865), ils s’orientent surtout vers l’exploitation de leur continent. Leur tonnage est principalement utilisé au cabotage et sur les Grands Lacs. C’est seulement dans les premières années du xxe s. que leur flotte océanique sort de sa stagnation. Mais c’est surtout la flotte allemande qui, sous l’impulsion d’armateurs entreprenants, appuyés par le gouvernement impérial, marque le plus brillant essor.


Transformations techniques des marines militaires (1840-1914)

C’est l’adoption de l’hélice qui, après 1840, permit celle de la propulsion à vapeur dans les marines de guerre. On commença par installer des machines sur les vaisseaux et les frégates qui servaient quand ceux-ci étaient immobilisés par l’absence de toute brise, car ces bâtiments de type mixte restaient avant tout des voiliers.

Mais les novateurs, en tête desquels se place le Français Henri Dupuy de Lôme (1816-1885), estimaient qu’un vaisseau doit pouvoir combattre sous vapeur, ce qui entraînait la construction de navires d’un type nouveau. C’est ainsi qu’il fit approuver les plans du Napoléon, lancé à Toulon en 1850, qui était un vaisseau de type encore classique, mais équipé d’une puissante propulsion à vapeur. Au lendemain de la guerre de Crimée (1854-55), qui avait prouvé la supériorité des vapeurs sur les voiliers, toutes les grandes marines décidaient d’équiper leurs vaisseaux de moteurs auxiliaires. Au même moment, elles commençaient à adopter, mais avec réticence, la construction en fer, apparue en Angleterre vers 1820. Elle fut inaugurée en France avec la Couronne, à charpente de fer, lancée en 1861, et entraîna la généralisation définitive de la propulsion par vapeur en raison de l’importance des bâtiments (de 100 à 200 m de long) que le fer permit de réaliser.


Les nouveaux types de bâtiments

Ce sont les progrès de l’artillerie qui amènent le recouvrement des coques en bois par des plaques de blindage. Ainsi naît la frégate cuirassée, dont le prototype est la Gloire, (1859), due également à Dupuy de Lôme. Ces navires cuirassés conquièrent la notoriété durant la guerre de Sécession* par le combat singulier de deux d’entre eux, le Merrimac et le Monitor (9 mars 1862).

Mais cette classe de navires va elle-même évoluer entre 1870 et 1880 par la substitution de l’acier au fer dans la construction des navires de guerre (1872 : le Redoutable, premier cuirassé français en acier). Cette construction en acier entraînera un accroissement considérable du tonnage des cuirassés : 15 000 t avec les cuirassés d’escadre de 1890 à 1905, 18 000 t avec les dreadnoughts de 1906, 27 000 t avec les superdreadnoughts et leurs associés, les croiseurs de bataille de 1913, 42 000 t avec le Hood en 1918... (v. cuirassé). Toutefois, pour réaliser la propulsion de masses aussi imposantes, la chauffe au mazout et la turbine commencent vers 1905 à remplacer le charbon et la machine à piston.