Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mao Tsö-tong (suite)

De 1927 à la Longue Marche

La « tragédie de la Révolution chinoise » ne se termine pas là. À partir de juillet 1927 et jusqu’en septembre, les communistes vont en effet utiliser le drapeau du Guomindang et quelques-uns de ses leaders pour tenter de mener à bien des soulèvements dans la Chine du Centre. Le plus important d’entre eux se situe à Nan-chang (Nan-tch’ang). Il commence le 1er août 1927. (Cette date marque maintenant le jour anniversaire de l’armée rouge chinoise.)

Très rapidement, faute d’avoir recherché le soutien des masses rurales en proposant des réformes, le mouvement sombre dans l’échec. Mao Zedong avait été chargé d’organiser l’insurrection au Hunan (Hou-nan). Ce « Soulèvement de la moisson d’automne » est aussi défait. Mao sera plus tard accusé d’« aventurisme militaire ». Le 7 août, lors d’une conférence, des décisions capitales sont prises. Chen Duxiu (Tch’en Tou-sieou), qui avait dirigé le P. C. C. depuis sa naissance, est démis de ses fonctions. Traité d’« opportuniste de droite », il est remplacé par Qu Qiu-bai (K’iu K’ieou-pai) [1899-1935], qui, lui, sera bientôt taxé d’« opportuniste de gauche ».

Le 20 août, ayant appris que l’Internationale communiste a décidé l’instauration de « soviets » dans les campagnes — nouvelle qui se révélera être fausse —, Mao laisse éclater sa joie. Pour lui, la Chine « a depuis longtemps atteint son 1917 ». Il propose au Comité central d’abandonner définitivement le drapeau du Guomindang, ce qui lui vaut d’être rappelé à l’ordre.

En septembre, après l’échec du « Soulèvement de la moisson d’automne », Mao choisit de se retirer avec le reste de ses troupes dans des montagnes assez bien protégées, les Jinggangshan (King-kang-chan), situées aux limites du Hunan et du Jiangxi (Kiang-si). Il a avec lui environ un millier de soldats, auxquels viennent se joindre quelques centaines d’hommes conduits par les deux bandits Wang Zuo (Wang Tso) et Yuan Wencai (Yuan Wen-ts’ai) ; des vagabonds, des déclassés sociaux s’ajoutent à la petite troupe. C’est pourquoi la première tâche de Mao et de ses compagnons est celle de l’éducation.

Dans l’ensemble du bassin du Yangzi (Yang-tseu), ou fleuve Bleu, la nouvelle politique du P. C. C. consiste alors à fomenter des troubles pour déclencher la « révolution sociale ». L’un des épisodes les plus dramatiques de cette tactique est certainement la « Commune de Canton ». Au moment même où Staline, face à l’« opposition de gauche », parle à Moscou du succès de l’insurrection et de la Révolution chinoises, les militants chinois meurent par milliers sous les coups de la répression nationaliste. Mal préparée, connue dès avant son déclenchement, la « Commune » est noyée dans le sang.

Mais la ligne développée depuis plusieurs mois est toujours appliquée au début de 1928. Les communistes tentent désespérément de développer la subversion et se voient décimés par la réaction. On demande à Mao d’intervenir au sud du Hunan. C’est un nouvel échec. En outre, les troupes du Guomindang occupent le Jinggangshan. Heureusement, en revenant (avril 1928), la petite armée fait la jonction avec d’autres forces révolutionnaires, 8 000 hommes environ, commandés par Zhu De (Tchou Tö). Le Jinggangshan est reconquis. En mai 1928, la « IVe armée rouge » est créée. Zhu De en est le commandant en chef, et Mao y représente le parti. Elle comprend environ 10 000 hommes. Mais deux des six régiments seulement possèdent des armes à feu.

En novembre 1928, un troisième groupe conduit par un général communiste, Peng Dehuai (P’eng Tö-houai) [né en 1900], arrive au Jinggangshan. Désormais, le petit territoire ne suffit plus. Un premier blocus nationaliste et une attaque de la base forcent d’ailleurs les communistes à s’en aller vers l’est. Ce nouveau « soviet », dont la « capitale » est Ruijin (Jouei-kin), sera tenu par les communistes jusqu’à la fin de 1934.

Deux axes principaux guident son implantation au Jiangxi (Kiang-si) : le développement d’une armée qui soit véritablement révolutionnaire dans son fonctionnement comme dans son action ; l’accomplissement d’une véritable réforme agraire sans laquelle le soutien des paysans est impossible.

Les dirigeants communistes de Shanghai et ceux de l’Internationale communiste ne sont pas de cet avis. Pour eux, la révolution est avant tout prolétarienne et urbaine. C’est pourquoi le nouveau leader, Li Lisan (Li Li-san) [1896-1967 ?], envisage de mener des attaques contre les grandes villes de la Chine centrale avec l’aide de l’armée rouge formée dans les soviets. Une fois encore, malgré des succès initiaux, la tentative sombre dans l’échec. Après treize jours de combats devant Changsha (Tch’ang-cha), Mao persuade ses amis qu’il vaut mieux abandonner la partie et retourner dans la base du Jiangxi. Ce contrordre est le premier signe patent de désobéissance de la part d’un dirigeant qui refusera de plus en plus d’appliquer des schémas mécanistes à la révolution chinoise.

Les nationalistes, inquiets de la puissance grandissante des soviets, lancent une série de « campagnes d’encerclement et d’anéantissement ». À la fin de 1930, 100 000 hommes attaquent l’armée rouge, forte de 40 000 soldats. En peu de temps et grâce à la nouvelle tactique élaborée par Mao et Zhu De (Tchou Tö), les communistes remportent leurs premiers succès. Mao lui-même explique les raisons de cette première victoire : « La tactique que nous avons dégagée de la lutte de ces trois dernières années diffère réellement de tout ce qui s’est fait jusqu’à présent dans tous les pays et à toutes les époques. Grâce à notre tactique, la lutte des masse se développe en ampleur, et l’adversaire le plus puissant ne peut venir à bout de nos forces. Notre tactique, c’est celle de la guerre de partisans. Elle se ramène, pour l’essentiel, aux principes suivants : disperser les forces pour soulever les masses, concentrer les forces pour faire face à l’ennemi. L’ennemi avance, nous reculons ; l’ennemi s’immobilise, nous le harcelons ; l’ennemi s’épuise, nous le frappons ; l’ennemi recule, nous le pourchassons. Pour créer des bases révolutionnaires stables, recourir à la tactique de la progression par vagues. Au cas où l’on est talonné par un ennemi puissant, adopter la tactique qui consiste à tourner en rond. Dans le minimum de temps, avec les meilleures méthodes, soulever les masses les plus larges. En somme, c’est la tactique du filet de pêche qu’il faut savoir lancer ou retirer à tout moment ; on le lance pour la conquête des masses, on le retire pour faire face à l’ennemi. »

En dehors de ces considérations tactiques, la force de l’armée rouge tient à sa discipline, son unité, liées à l’éducation politique intense reçue par les soldats ainsi qu’à la démocratie fonctionnant entre tous, toutes choses que les armées traditionnelles chinoises et particulièrement celles du Guomindang ignorent.

La deuxième campagne commence dès mai 1931. Aidés par les paysans qui les renseignent et les approvisionnent, les communistes remportent de nouvelles victoires. Mais ils sortent considérablement affaiblis de cette campagne.