Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mao Tsö-tong (suite)

En mars 1925, la mort de Sun Yat-sen, « le père de la Révolution chinoise », dont le rôle unificateur s’était fait sentir, pose aux membres du Guomindang un problème d’orientation. Or, le 30 mai 1925, au cours d’une manifestation de protestation contre la mort d’un ouvrier chinois tué par un contremaître japonais, un officier anglais donne l’ordre de tirer sur la foule. Douze personnes sont tuées ; une cinquantaine sont blessées. À Canton, le 23 juin, une cinquantaine de manifestants sont tués par la police franco-anglaise. Le résultat est non seulement un mouvement de boycottage qui touche particulièrement le port de Hongkong, pratiquement immobilisé pendant seize mois, mais surtout un état d’agitation grandissant dans les villes et les campagnes. La puissance du parti nationaliste et celle du P. C. C. ne cessent de se développer, particulièrement au Guangdong. Une « armée révolutionnaire » est créée. À la tête de l’académie militaire de Huangpu (Houang-p’ou), on a placé un jeune et brillant général : Jiang Jieshi (Tsiang Kiai-che, ou, usuellement, Tchang Kaï-chek*). Suivant le système mis au point par les conseillers soviétiques, un commissaire politique le seconde. Il s’appelle Zhou Enlai (Tcheou Ngen-lai*, ou, usuellement, Chou En-lai). En 1926, on commence à organiser la « grande expédition vers le nord » qui doit permettre la réunification du pays en mettant fin aux différents régimes locaux des « seigneurs de guerre ».

Le 20 mars 1926, Jiang Jieshi, sous prétexte de déjouer un complot, arrête plusieurs dizaines de militants d’extrême gauche et met à l’écart des membres du Guomindang sympathisants du P. C. C. Ni celui-ci ni Moscou ne réagissent devant ce premier coup porté à la collaboration, qui continue malgré les dissensions.

Mao, quant à lui, continue son travail de militant politique et s’occupe de plus en plus du mouvement paysan ; à Canton d’abord, dans sa province natale ensuite, où il mène une enquête approfondie. Le Rapport sur l’enquête menée au Hunan à propos du mouvement paysan qui résulte de cette enquête, rédigé dans un style haut en couleur, aux accents prophétiques, prouve très clairement que l’analyse de ce militant marxiste est déjà « maoïste » dans la mesure où elle privilégie le rôle des masses paysannes en Chine. Son point de vue est issu de l’expérience vivante : avant même que l’armée nationaliste n’arrive, les paysans commencent à mener à bien leur révolution agraire. Or, si dans les rangs de cette armée se trouvent nombre de propagandistes communistes, beaucoup de jeunes officiers appartiennent à la classe des propriétaires fonciers et n’acceptent pas la remise en cause de leurs privilèges. Et l’on commence à freiner le mouvement qui se développe en Chine du Sud. Un choix doit être fait. C’est bien pourquoi Mao lance cet avertissement : « [...] À l’heure actuelle, l’essor du mouvement paysan revêt une très grande importance. Dans peu de temps, on verra dans les provinces du centre, du sud et du nord de la Chine des centaines de millions de paysans se dresser, impétueux, invincibles, tel l’ouragan, et aucune force ne pourra les retenir. Ils briseront toutes leurs chaînes et s’élanceront sur la voie de la libération. Ils creuseront le tombeau de tous les impérialistes, seigneurs de guerre, fonctionnaires corrompus et concussionnaires, despotes locaux et mauvais hobereaux. Ils mettront à l’épreuve tous les partis révolutionnaires, tous les camarades révolutionnaires, qui auront à prendre leur parti. Nous mettre à la tête des paysans et les diriger ? Rester derrière eux en nous contentant de les critiquer avec force gestes autoritaires ? Ou nous dresser devant eux pour les combattre ? Tout Chinois est libre de choisir une de ces trois voies, mais les événements obligent à faire rapidement ce choix. »

Pendant l’été 1926, Jiang Jieshi, qui a pris pratiquement tous les pouvoirs, commence à mener la grande expédition vers le nord. C’est un succès total. En août, tout le Hunan est aux mains de l’armée nationaliste. D’une part, les discours du nouveau chef du Guomindang reflètent un anti-impérialisme véhément ; d’autre part, il ne se gêne pas pour éliminer les militants qui ont préparé sa venue.

Alors qu’en Chine tout indique l’imminence d’une scission entre les deux tendances du Guomindang, Staline croit ou feint de croire à la nature révolutionnaire de ce parti.

Dès le début de 1927, la coupure entre les deux tendances est consommée. Le Guomindang « de gauche », qui a formé un gouvernement à Wuhan (Wou-han), souhaite que l’armée nationaliste marche sur Pékin. Jiang Jieshi passe outre son avis et avance vers Shanghai (Chang-hai), non sans réprimer ceux dont l’action est jugée trop radicale.

À Shanghai, où la grève générale a éclaté, on attend l’« armée révolutionnaire ». Comme on craint à Moscou des accrochages entre les forces de Jiang Jieshi et les ouvriers, l’Internationale communiste demande que les armes soient enterrées. Le 12 avril, Jiang entre avec ses troupes et commence une répression systématique du mouvement révolutionnaire.

Pendant plusieurs mois, les communistes croient pouvoir prolonger une alliance avec le « Guomindang de gauche ». Or, tout indique que celui-ci refuse de cautionner une politique agraire trop radicale et désire renouer au plus vite avec Jiang Jieshi. Pendant toute cette période justement, du début de 1927 jusqu’en mai, c’est à Mao Zedong et à plusieurs autres responsables que revient la tâche délicate d’élaborer une réforme agraire qui soit acceptée par tous, le débat fondamental étant de savoir quelles terres seraient confisquées et sur quels critères, et quels barèmes choisir pour classer les paysans. À l’époque, les solutions préconisées par Mao le placent à l’aile gauche de son propre parti.

Très vite cependant, le débat perd sa raison d’être. Un télégramme de Moscou demande de « combattre les excès » des unions paysannes pour éviter de rompre l’alliance avec le « Guomindang de gauche ». Il semble que Mao ait dû appliquer ces directives en tant que membre du Comité exécutif de la Fédération des paysans de Chine. Or, dès le mois de mai, certains généraux « alliés » commencent à frapper les organisations d’extrême gauche. En juillet, les communistes sont placés au rang de hors-la-loi par le gouvernement de Wuhan.