Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mandchourie (suite)

Depuis le début des années 20, en effet, l’état de guerre civile pratiquement constant n’a cessé d’affaiblir la « république ». De grandes régions vivent en autonomie presque totale par rapport au pouvoir central. C’est le cas de la Mandchourie, où règne un ancien brigand à la solde des Japonais, le seigneur de guerre Zhang Zuolin (Tchang Tso-lin) [1873-1928]. Inquiété à plusieurs reprises par d’autres potentats de provinces, il doit son salut au soutien des Nippons. Il réussit même en 1926 à s’emparer de Pékin, dont il est chassé par Jiang Jieshi, et, en 1928, il se cantonne de nouveau en Mandchourie. Les Japonais, qui n’apprécient pas son indépendance grandissante, font sauter le train dans lequel il voyage en 1928.

Le seul obstacle à l’expansion nipponne en Mandchourie est Jiang Jieshi. Or il semble que celui-ci ait convenu avec le général Tanaka, Premier ministre japonais, que l’unification de la Chine n’irait pas au-delà de la Grande Muraille. Et, de fait, les troupes du Guomindang (Kouo-min-tang) ne dépasseront pas cette limite.

Seules restent sur place les armées du fils de Zhang Zuolin, le « jeune maréchal » Zhang Xueliang (Tchang Hiue-leang) [né en 1898], qui ne cache pas ses sentiments antijaponais.

En Mandchourie, les incidents entre immigrés chinois et coréens (devenus sujets de l’empire du Soleil-Levant depuis 1910) se multiplient. Une campagne de presse qui souligne la nécessité de protéger les sujets du mikado prépare l’opinion japonaise à une intervention militaire.


De 1931 à 1949

Dans la nuit du 18 au 19 septembre 1931, prenant prétexte d’un sabotage de voie ferrée, les Japonais occupent Moukden (auj. Shenyang [Chen-yang]) et sa région, puis l’ensemble de la Mandchourie. L’armée de Zhang Xueliang est repoussée de l’autre côté de la Grande Muraille.

Le 18 février 1932, la Mandchourie est déclarée indépendante, et Puyi (P’ou-yi), le dernier empereur qu’ait connu la Chine de 1908 à 1912, devient régent du nouvel État en mars. Le nouvel État se nomme Mandchoukouo (« pays mandchou »), bien que la population locale soit mise depuis longtemps en minorité par les immigrés chinois et coréens. La Société des Nations, après avoir pris connaissance du rapport de la commission Lytton, condamne l’attitude du gouvernement japonais. Celui-ci se retire aussitôt de la S. D. N.

La colonisation, commencée depuis le début du siècle, continue de façon plus systématique. C’est principalement l’armée qui mène cette exploitation. De nouveaux ports, de nouvelles voies ferrées sont ouverts. Des milliers de kilomètres de routes sont construits. Des complexes sidérurgiques s’implantent près des mines de charbon et de fer. Les Japonais développent d’autre part la production agricole, et principalement le coton, le blé, le soja, le bois. La région du Nord-Est est alors la plus prospère de Chine. Paradoxalement, cette richesse ne profite en rien au régime de Jiang Jieshi. Celui-ci refuse, néanmoins, d’affronter un adversaire jugé trop puissant et préfère tenter d’anéantir l’« ennemi de l’intérieur », c’est-à-dire les communistes.

Très vite, les Japonais étendent leur domination à l’ensemble de la Chine du Nord.

Mais l’opinion publique chinoise s’insurge de plus en plus contre l’occupation nipponne. D’autre part, en décembre 1936, un événement capital vient modifier l’attitude de Jiang Jieshi. Celui-ci, rendant visite au « jeune maréchal » Zhang Xueliang (Tchang Hiue-lang), qui refuse implicitement de lutter contre les communistes, est arrêté par ce dernier et prié d’accepter les conditions des jeunes officiers nationalistes et des rouges : à savoir un front uni antijaponais. Après les négociations auxquelles prend part Zhou Enlai (Tcheou Ngen-lai), le généralissime est libéré.

Le 7 juillet 1937, après l’« incident du pont Marco Polo », le Japon commence son invasion. La guerre durera jusqu’à sa capitulation, huit jours après l’explosion d’Hiroshima (6 août 1945).

En Mandchourie, depuis le début de l’occupation, des mouvements de résistance s’étaient manifestés. Après 1937, on compte une douzaine d’armées en lutte contre l’envahisseur, et, parmi elles, celle de l’actuel chef d’État de la Corée du Nord, le maréchal Kim Il-sŏmg. Les communistes sont surtout implantés dans le Sud, au Liaoning (Leao-ning).

À la fin des hostilités, aussitôt après la capitulation japonaise, le partage entre nationalistes et communistes prend des allures de course de vitesse. Cependant, la reddition ne s’effectue pas au profit des troupes chinoises, mais à celui des troupes russes, qui ont déclaré la guerre au Japon le 8 août 1945 et ont occupé toute la Mandchourie.

L’armée soviétique n’empêche pas l’infiltration des troupes communistes commandées par Lin Biao* (Lin Piao). En novembre 1945, 130 000 rouges ont pris position dans le Nord-Est. Mais les installations industrielles et les villes ne passent pas aux mains des communistes chinois. Les grands complexes installés par les Japonais sont démontés par les occupants et transportés par le Transsibérien en territoire soviétique. De même, l’or des banques mandchoues est considéré comme butin de guerre par le maréchal Malinovski*, qui commande l’armée soviétique.

Les nationalistes demandent aux Russes de différer l’évacuation de la Mandchourie pour éviter que les communistes ne s’emparent des villes, ce qui est accordé. Les armées de Jiang Jieshi prennent alors position dans les principaux centres du Nord-Est. Celles de Lin Biao s’établissent dans les campagnes.

Après la parodie de négociation entre les deux camps, les armées du Guomindang se répandent sur l’ensemble de la Mandchourie (été 1946 - printemps 1947). Ce déploiement spectaculaire se retournera bientôt contre les nationalistes, dont les forces sont trop disséminées.

C’est justement par la Mandchourie que les communistes commencent leur contre-offensive. Les attaques de Lin Biao, conjuguées avec les sabotages des lignes de chemin de fer, permettent d’isoler, puis de prendre les grands centres industriels.