Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Manche. 50 (suite)

Au nord, la péninsule du Cotentin se partage entre, d’une part, les terrains anciens qui s’étendent à l’ouest et au nord autour de Saint-Sauveur-le-Vicomte et dans les deux promontoires de la Hague et du Val de Saire, et, d’autre part, le bas plateau de calcaire liasique situé à l’est autour de Sainte-Mère-Église. Au sud, les marais de la région de Carentan et de La Haye-du-Puits forment un isthme de terres très basses que l’eau recouvre pendant l’hiver. Aussi le Cotentin présente-t-il des paysages variés autant que nuancés. Si l’herbe des prairies permanentes occupe la plus grande partie des surfaces, elle s’insère dans un bocage plus ouvert sur le bas plateau de Sainte-Mère-Église que celui, très serré, des hauteurs gréseuses ou granitiques de la partie occidentale ou septentrionale. Les marais de Carentan, les landes de la Hague témoignent de paysages traditionnels, jadis plus étendus.

Au sud, les bocages du Coutançais, du Saint-Lois, de l’Avranchin et du Mortainais couvrent un relief assez confus de massif ancien dont les lignes directrices sont orientées est-ouest. Les altitudes s’élèvent vers le sud et vers l’est, atteignant 368 m à l’est de Sourdeval. Les molles collines du Coutançais et du Saint-Lois, dégagées le plus souvent dans les schistes, sont entièrement consacrées à la prairie permanente. Le relief de l’Avranchin et du Mortainais s’aère autour des deux petites vallées de la Sée et de la Sélune, qu’entourent des lignes de relief plus élevées, à armature granitique ; dans ces deux régions, les labours occupent entre 30 et 50 p. 100 des surfaces utiles à côté des prairies permanentes, toujours dominantes.

À la périphérie, le littoral ne s’anime, avec de belles falaises rocheuses, qu’autour de quelques sites privilégiés : la côte de part et d’autre de Cherbourg, le promontoire de la Hague, les régions de Carteret et de Granville. Ailleurs, le littoral de la Manche présente toujours la même physionomie : des plages de sable qui découvrent très largement, à marée basse, de longs cordons littoraux, percés de quelques petits estuaires et bordés en arrière par les dunes.


La dépopulation

Depuis le début du xixe s., le département s’est beaucoup dépeuplé. De 1851 à 1946, une longue chute ininterrompue a porté sa population d’un peu plus de 600 000 personnes à 435 000. Jusqu’en 1914, l’émigration s’est conjuguée avec la dénatalité. Depuis la Première Guerre mondiale, le bilan des naissances et des décès s’est redressé, devenant constamment positif. Aussi, la courbe de la population s’est-elle relevée depuis 1946, de 435 000 à 452 000 habitants. Mais ce léger essor demeure inférieur au croît naturel. En fait, la Manche continue de perdre nombre de ses enfants par émigration. Cette dépopulation s’explique par la stagnation économique de ce département, essentiellement rural dans ses structures et où de nouvelles formes d’activité, industrielles ou touristiques, ne relaient pas l’agriculture.


L’agriculture et l’élevage

Un peu moins de 30 p. 100 de la population active est occupée dans l’agriculture. Il s’agit d’une activité traditionnelle et familiale, dont l’unité de base est constituée par de petites ou moyennes exploitations, de 10 à 30 ha. L’élevage des vaches laitières s’inscrit en tête des ressources du département de la Manche, qui, avec une production supérieure à 11 millions d’hectolitres de lait par an, se classe premier département laitier de France.

Dans des élevages spécialisés du Cotentin, et particulièrement du Val de Saire, sont sélectionnés vaches et taureaux de race normande qu’utilisent les centres d’insémination artificielle. Le lait est vendu à des groupes de coopératives (Nord-Cotentin, Elle-et-Vire) ou à des firmes privées (Gloria, Claudel, Préval), qui le transforment et le commercialisent sur les marchés nationaux et internationaux sous forme de beurre, de poudre de lait, de fromages, de produits diététiques. Au produit du lait peuvent s’ajouter l’engraissement de veaux, l’élevage de porcs, l’élevage de chevaux demi-sang pour les courses de trot, les concours hippiques ou les manèges. Par contre, l’embouche reste peu développée. Cette agriculture sans cultures, tout entière tournée vers l’élevage et l’utilisation des prairies permanentes, a traversé des périodes de grande prospérité au cours des cent dernières années. Mais elle se heurte maintenant à de redoutables problèmes de structure, les exploitations étant souvent trop petites pour être efficacement compétitives, les esprits trop traditionnels, les prix des terres trop élevés. La production, néanmoins, s’intensifie, particulièrement dans les bocages du sud, cependant considérés comme les plus déshérités.

En bordure du littoral, quelques secteurs de production légumière et maraîchère s’intercalent au milieu des bocages d’élevage : le bas Val de Saire, la région de Tourlaville, les secteurs de Surtainville, Créances et Lingreville. La Manche ajoute ainsi à son palmarès agricole le titre de premier département français producteur de carottes.


Les autres activités

Les industries jouent un rôle très faible dans la Manche, concernant moins du tiers de la population active (bâtiment compris). Sauf à Cherbourg, seul véritable centre industriel, il s’agit de petits établissements, noyés dans le milieu rural, aux salaires le plus souvent très faibles. À Cherbourg se trouvent un important arsenal de la marine nationale et quelques autres usines, et, à une quinzaine de kilomètres, l’usine atomique de la Hague. On remarque encore, très dispersés, les nombreuses usines laitières, le travail du cuivre de Villedieu-les-Poêles, les fabrications en acier inoxydable de Sourdeval, les industries diverses de Saint-Lô, de Granville et d’Avranches.

Le tourisme n’a pas encore atteint un haut niveau de développement, en dépit de possibilités assez remarquables : les paysages très reposants de l’intérieur, les sites à peine occupés du littoral, le passage de touristes britanniques qui débarquent à Cherbourg. À l’extrême sud du département, Le Mont-Saint-Michel reste un cas très isolé de forte attraction. Ailleurs, le département souffre encore, en ce domaine comme en d’autres, de son isolement, à l’écart des grandes voies de passage de l’Ouest français. Cependant, un certain développement se manifeste maintenant, particulièrement autour de Granville.