Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Manche. 50 (suite)

Le commerce et les services (38 p. 100 de la population active) accompagnent la vie rurale sans se présenter comme un élément moteur de l’économie. Cherbourg, la seule grande ville (agglomération de 85 000 hab.), reste très isolée de son environnement régional. Ni à Cherbourg, ni à Granville (15 172 hab.), la pêche ou le commerce maritime ne suscitent d’activités très dynamiques. Les autres cités, comme Avranches ou Coutances, ne dépassent guère 10 000 habitants, Carentan 6 000 habitants et, en dépit d’un essor récent, Saint-Lô, le chef-lieu de département, atteint seulement 25 000 habitants.

A. F.

➙ Cherbourg / Normandie.

Manchester

V. de Grande-Bretagne.


C’est la cinquième ville de Grande-Bretagne, et l’agglomération dont elle fait partie, dite « conurbation du Sud-Est Lancashire », est la deuxième, après celle de Londres.

La position géographique de Manchester appartient à un type classique en Europe : à faible distance du pied d’une montagne, là où convergent des rivières issues de celle-ci. La ville est située dans un renfoncement de la plaine du Lancashire, limité à l’est par la chaîne Pennine, d’où descend la Mersey, et au nord par le massif de Rossendale, d’où dévale l’Irwell. Le noyau urbain initial, Mancunium, est sur la rive gauche de l’Irwell, un peu en amont de sa confluence avec la Mersey ; sur l’autre rive de l’Irwell s’est établie la ville jumelle de Salford. Entre les marécages tourbeux de la plaine et les landes éventées de la montagne, Manchester n’a été longtemps qu’une bourgade industrielle (filature et tissage de la laine et du lin) et un petit marché agricole où l’on échangeait la laine et les ovins des hautes landes contre les céréales, le lin et les bovins de la plaine. Elle n’avait que 2 000 habitants vers 1600, 10 000 environ vers 1700, mais elle en avait déjà 70 000 au début du xixe s.

L’essor de la conurbation de Manchester est étroitement lié au spectaculaire développement de l’industrie textile ; Manchester a été pendant près de deux siècles la « capitale cotonnière » du monde. Un concours de facteurs favorables explique sa prééminence dans ce secteur industriel.

La force vive des rivières, rapides et bien alimentées, des Pennines et du massif de Rossendale actionnait à partir de 1730 les « mule-jennys » et les « waterframes » (broches à filer et métiers mécaniques) ; cette localisation primitive de l’industrie textile au pied de la montagne subsiste encore de nos jours. Le bassin houiller qui s’étend immédiatement au nord et à l’est de la ville permit de remplacer, dès le début du xixe s., la force motrice des cours d’eau par celle des machines à vapeur.

L’humidité de l’atmosphère sur cette façade pluvieuse de la Grande-Bretagne se prêtait bien au travail des fibres cassantes dans des ateliers qui ne bénéficiaient pas encore de la climatisation artificielle. Les eaux douces issues des massifs gréseux des Pennines-Rossendale convenaient au blanchiment et à la teinture des tissus.

Grâce au voisinage de Liverpool*, un grand port en relation avec les possessions britanniques d’Amérique et des Antilles, l’approvisionnement en coton s’effectuait facilement ; dès le xviiie s., l’industrie cotonnière supplantait les anciennes industries de la laine et du lin. Quant à la main-d’œuvre, elle ne manquait pas dans les régions rurales pauvres du Lancashire, des Pennines et surtout en Irlande.

Enfin, l’ambiance économique libérale, l’absence de corporations privilégiées à Manchester attiraient des chefs d’entreprise et des banquiers d’autres régions britanniques et même de l’étranger. Très tôt, le patronat mancunien fondait des ateliers dans les villages du bassin houiller, au pied de la montagne, à Bolton, Bury, Rochdale, Oldham, Ashton-under-Lyne, Stockport, où les travailleurs se contentaient de salaires plus faibles qu’à Manchester. Ces villages, devenus des villes importantes, forment une demi-couronne au nord et à l’est de Manchester, dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres.

La filature ayant été mécanisée et motorisée avant le tissage, la première l’emporte largement sur le second dans la couronne suburbaine ; en 1935, la conurbation de Manchester avait 90 p. 100 des broches à filer du Lancashire, alors que le tissage se rassemblait surtout au nord du massif de Rossendale. Grâce à la création d’entreprises textiles intégrées, elle n’a plus, de nos jours, que les trois quarts des broches, mais un quart des métiers du comté.

Manchester elle-même pratique peu les opérations industrielles de base ; elle s’est surtout réservé l’apprêt, la teinture, l’emballage, l’entrepôt et la commercialisation des tissus ainsi que la confection (en particulier la fabrication des imperméables) et les activités bancaires.

Cette industrie textile est responsable de l’essor démographique de Manchester à l’époque moderne ; la ville avait 142 000 habitants en 1831, 250 000 en 1851, 410 000 en 1901, 766 000 à son maximum en 1931. C’est à elle aussi qu’on doit la formation d’une grande conurbation dirigée par les chefs d’entreprise libéraux de Manchester et qui, à son apogée en 1931, avait 2 427 000 habitants.

L’industrie cotonnière n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était avant 1914, mais elle imprime toujours profondément sa marque dans le paysage urbain. Beaucoup d’usines textiles, à Oldham, à Bolton, etc., sont maintenant occupées par des entreprises de confection, de matières plastiques, de matériel électroménager, d’aliments congelés, de cosmétiques, etc. De même, les mines de charbon ferment les unes après les autres ; une seule mine moderne, à Agecroft (800 000 t de charbon par an), les a remplacées.

Manchester, ville intérieure, est un port depuis la fin du xixe s. Pour échapper à l’emprise jugée exorbitante du port de Liverpool, des capitaux fournis par la municipalité, les banques et les industriels mancuniens financèrent le creusement (1885-1894) d’un canal maritime qui suit la rive sud de l’estuaire de la Mersey, de Ellesmere Port à Salford. Ce canal, le seul canal maritime de Grande-Bretagne, long de 55 km, large de 40 m au fond, profond de 10 m, rachète par cinq écluses une dénivellation de 19 m. Il est accessible aux cargos d’un tonnage inférieur à 15 000 tonneaux. L’autorité du port municipal de Manchester s’étend à l’ensemble du canal. Le trafic portuaire est égal à la moitié de celui de Liverpool : 12 Mt aux entrées (surtout des produits pétroliers et des matières premières nécessaires à l’industrie mancunienne) et 4,3 Mt aux sorties (surtout des produits ouvrés du Lancashire et du Yorkshire).