Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Madrid (suite)

Quand, à partir de 1950, l’immigration s’accrut considérablement, on ne put faire face, et les bidonvilles se multiplièrent. Ces « chabolas » ont été progressivement résorbés après 1957 par la construction d’immeubles à bas loyers par l’État ou avec son aide. Les plus anciens, les « poblados de absorción » de Fuencarral, Hortaleza et Orcasitas, sont de médiocre qualité et ont un aspect sinistre ; les plus récents sont mieux construits, plus avenants et pourvus des équipements collectifs indispensables. Les bidonvilles n’ont pas disparu pour autant : les plus importants sont situés à l’ouest de Vallecas et le long de la route d’Andalousie.

Pour les classes moyennes, de grands ensembles ont été construits, principalement à l’est (Moratalaz, las Avenidas, la Concepción), par des sociétés privées, parfois avec l’aide de l’État. Dotés d’une bonne infrastructure commerciale et des équipements collectifs nécessaires, ces ensembles, dont les immeubles ont été vendus en copropriété à des prix modérés et avec de larges facilités de crédit, présentent l’inconvénient d’être trop compacts et de manquer d’espaces verts. Il en est de même dans le quartier de Chamartín, axé sur l’aveniḍa del Generalísimo, où de grands immeubles offrent à des prix très élevés des appartements luxueux aux classes riches ; aussi ces dernières tendent-elles de plus en plus à s’établir dans les ensembles de villas luxueuses qui bordent la Cité universitaire et s’étirent le long de l’autoroute de La Corogne (Aravaca).

Ainsi, la brusque poussée de la ville s’est faite sans idée directrice affirmée, et une intense spéculation foncière, née de la part croissante prise par l’initiative privée, l’a bien souvent emporté sur les efforts de l’administration pour faire respecter les plans d’urbanisme. Il est donc urgent d’aménager l’espace urbain pour en corriger les conséquences fâcheuses.

Trois préoccupations essentielles guident la municipalité dans sa politique d’aménagement : en premier lieu, elle tente de remodeler les vieux quartiers du centre au tissu urbain trop dense et aux maisons souvent vétustés. On s’efforce d’y libérer des terrains pour les transformer en espaces verts et pour mettre en valeur le patrimoine architectural du vieux Madrid. Dans l’Ensanche, les quartiers populaires du sud, où voisinent en désordre immeubles vétustés, usines et ensembles modernes, doivent aussi être restructurés, et le déplacement des grandes gares vers la périphérie doit y libérer de vastes espaces. Dans la périphérie, les maisons individuelles et les petits immeubles des vieux faubourgs, souvent dans un triste état de délabrement, doivent être remplacés en ménageant des espaces verts.

Le second souci de la municipalité est en effet de multiplier les espaces verts. De 1966 à 1970, huit parcs d’une superficie totale de 60 ha ont été ouverts au public, et, dans les années à venir, 1 200 ha d’espaces verts doivent être aménagés. C’est un besoin d’autant plus urgent que Madrid souffre d’une pollution atmosphérique qui ne cesse de s’aggraver avec l’accroissement du trafic automobile.

La circulation est la préoccupation la plus pressante de la municipalité. Bien que le métro, qui comporte un réseau de 50 km auxquels s’ajouteront bientôt les 27,7 km en chantier, transporte en moyenne 1 400 000 voyageurs par jour, et les autobus, dont les 62 lignes couvrent une distance de 400 km, quelque 900 000 utilisateurs par jour, le trafic automobile ne cesse de se développer. L’usage de 600 000 véhicules environ explique les difficultés de la circulation aussi bien dans les rues étroites du centre que sur les grandes artères, où se concentre le plus gros du trafic. Un très important effort a été fait pour discipliner la circulation et en améliorer la fluidité, notamment par des passages souterrains et des viaducs. D’autre part, 23 parkings souterrains ont été aménagés dans le centre pour résoudre le problème du stationnement. Enfin, pour décongestionner le centre, on a entrepris la construction d’une autoroute urbaine qui doit contourner l’Ensanche par l’est et on réalise sur la rive droite du Manzanares une voie à circulation rapide.

Ainsi, Madrid connaît les problèmes de toutes les grandes villes modernes. Les réalisations récentes prouvent la détermination des autorités municipales à remodeler l’espace urbain et à contrôler la croissance de la ville. La tâche est énorme, d’autant que la pression des nouveaux immigrants ne se ralentit pas.

R. L.

➙ Castille / Espagne.

 F. C. Sainz de Nobles, Historia y estampas de la vida de Madrid (Madrid, 1933 ; 2 vol.). / J. A. Gaya Nuño, Madrid (Madrid, 1944 ; nouv. éd., Barcelone, 1966)./ F. Chueca, Madrid y sitios reales (Barcelone, 1958). / J. Lucas-Dubreton, Madrid (Fayard, 1962). / P. Guinard, Madrid (Rencontre, Lausanne, 1964). / A. Huetz de Lemps, Madrid (la Documentation fr., « Notes et études documentaires », 1972). / F. B. Morata, Madrid pendant la guerre civile. 32 mois de siège (Hachette, 1973).


Madrid, ville d’art

Si Madrid compte parmi les grandes villes d’art, elle le doit à son incomparable musée de peinture plus encore qu’à ses monuments. Pourtant, ceux-ci sont loin d’être négligeables. La vogue récente du baroque revalorise un ensemble d’édifices religieux et civils, qui, sans rivaliser avec ceux d’autres « cours » — Turin ou Prague — et malgré les mutilations infligées par les deux derniers siècles, conserve son style et son attrait propres, en même temps qu’il reflète les vicissitudes de la capitale nouvelle choisie par Philippe II.


L’évolution artistique

Le modeste Madrid d’avant 1561 ne survit que par le tracé médiéval de ses rues montueuses, par quelques tours mudéjares (San Pedro el Viejo, San Nicolás), par quelques portails gothiques ou renaissants et par le très bel ensemble « plateresque », intact et trop ignoré, de la capilla del Obispo : greffée sur l’église San Andrés, celle-ci garde un important retable de bois doré ainsi que les tombeaux de l’évêque fondateur, Gutiérrez de Vargas, et de ses parents, le tout dû à Francisco Giralte (v. 1500-1576), un des meilleurs élèves d’Alonso Berruguete*.