Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Libye (suite)

La Libye italienne

Prétextant le désordre dans lequel se trouve le pays, l’Italie envoie un ultimatum à la Turquie et lui déclare la guerre le 29 septembre 1911.

Tripoli est bombardée, tandis qu’un corps expéditionnaire occupe les principales villes de la côte. En novembre, l’annexion de la Tripolitaine par l’Italie est officiellement proclamée, mais les opérations languissent, bien que l’armée italienne ait engagé 150 000 hommes contre 15 000 Turco-Arabes, qui pratiquent, il est vrai, une harassante guérilla. Des démonstrations navales sont entreprises sur Beyrouth (févr. 1912) et dans le détroit des Dardanelles (avr.). Mais il faut l’incendie qui gagne les Balkans pour obliger les Turcs à signer la paix d’Ouchy (18 oct. 1912), qui entérine l’annexion de la Tripolitaine par l’Italie. Celle-ci, par contre, ne contrôle pas vraiment l’arrière-pays libyen ; en Cyrénaïque, la guerre se poursuit contre les Senousis, qu’arment les Turcs et aussi les Allemands.

La déclaration de guerre de l’Italie à l’Autriche (23 mai 1915) est le signal d’une révolte générale, qui oblige les Italiens à évacuer le pays, sauf les ports de Tripoli, de Homs et de Zouara. En septembre 1916, un firman du Sultan fait du chef senousi Sulaymān al-Baruni le gouverneur général du pays ; le port de Misourata devient une base sous-marine allemande. En 1919 et en 1920, les Italiens négocient un accord avec les Senousis ; mais, dès 1922, il leur faut lutter contre une révolte générale des Bédouins. Si bien que la reconquête du pays, menée par le général De Bono (1866-1944) et le maréchal Badoglio*, et dirigée par le sénateur Giuseppe Volpi (1877-1947), doit se poursuivre jusqu’en 1931, le Fezzan étant occupé en dernier lieu. En 1935, le gouvernement français de Pierre Laval cède à l’Italie un vaste territoire proche du Tibesti.

La Libye vient d’être officiellement reconstituée par la fusion de la Cyrénaïque et de la Tripolitaine (1er janv. 1934) ; le 9 janvier 1939, Mussolini* l’incorpore à la métropole, le Fezzan constituant le territoire militaire de la Tripolitaine Sud.

Le régime fasciste fournit un gros effort de mise en valeur d’un pays où le nombre des Italiens passe de 18 000 en 1921 à 90 000 en 1940 ; des colonies sont établies dans la zone côtière (plaine de la Djeffara en Tripolitaine, Djebel Akhḍar en Cyrénaïque).

L’entrée de l’Italie dans la Seconde Guerre mondiale (1940) aux côtés de l’Allemagne nazie provoque en 1942 l’évacuation de la population italienne fixée en Libye. Après la dure campagne de Libye, qui finit par amener Montgomery à Tripoli (23 janv. 1943), la France (Fezzan) et l’Angleterre (Tripolitaine, Cyrénaïque) administrent la colonie italienne, évacuée par les troupes de l’Axe. Quand la guerre se termine, le pays passe sous le contrôle de l’O. N. U. Des difficultés subsistent du fait de la présence de nombreux Italiens et des divergences qui opposent Arabes et Berbères aux Senousis.


La Libye indépendante

Finalement, le 21 novembre 1949, l’O. N. U. accorde la pleine indépendance et la souveraineté à la Libye, État fédéral ; le transfert des pouvoirs s’opère jusqu’au 24 décembre 1951, quand l’émir de Cyrénaïque, Muḥammad Idrīs al-Mahdī al-Sanūsī, devient le roi Idrīs Ier de Libye. La Constitution votée le 7 octobre 1951 par une Assemblée constituante donne au roi des pouvoirs considérables ; les sénateurs sont pour moitié nommés par lui et pour moitié élus par les conseils législatifs provinciaux. La Chambre des représentants compte 55 députés élus. L’islām est religion d’État.

Mais, dès 1952, les chefs de l’opposition (parti national du Congrès), partisans de l’expulsion des Occidentaux, doivent se réfugier en Égypte. Car, si elle est membre de la Ligue arabe depuis 1953, la Libye d’Idrīs fonde son essor économique sur les droits versés par les Américains et surtout les Anglais, désireux d’y établir des bases militaires.

Le 27 avril 1963, une importante réforme constitutionnelle fait de la Libye un état unitaire, les trois provinces autonomes de Tripolitaine, de Cyrénaïque et du Fezzan étant remplacées par dix provinces, dont les gouverneurs sont désignés par le roi. En même temps, la Libye amorce une politique de désengagement vis-à-vis des Anglo-Saxons, avec qui elle signe des accords (1966, 1967) prévoyant l’évacuation des bases occupées par eux.

Mais de graves difficultés subsistent, notamment au niveau social, alimentant une opposition — recrutée surtout dans la nouvelle bourgeoisie — qui reproche au gouvernement royal de laisser la Libye, devenue l’un des grands producteurs de pétrole, aux mains des étrangers, de priver la vie politique des libertés essentielles et d’être trop indifférent à la cause palestinienne.

Le 1er septembre 1969, alors que le roi Idrīs, âgé de soixante-dix-neuf ans, se fait soigner à Ankara, un coup d’État militaire éclate à Tripoli, où le prince héritier Ḥasan Riḍà annonce qu’il abdique volontairement. Un conseil révolutionnaire, dirigé par le colonel Kadhafi (Mu‘ammar al-Qadhāfi), nomme Maghrebi (Maḥmūd Sulaymān al-Marhrabī) Premier ministre, qui, avec son équipe, entend immédiatement coopérer avec les autres pays arabes dans leur lutte contre Israël. Le programme du gouvernement est « Liberté, socialisme, unité arabe ».

C’est le 11 décembre qu’est proclamée la République arabe libyenne et que sont indiquées les orientations constitutionnelles du nouveau régime : l’exécutif dispose aussi du pouvoir législatif ; l’autorité suprême est dans les mains du Conseil du commandement de la révolution (C. C. R.), qui décide de tout, le gouvernement étant uniquement chargé de l’exécution de la politique générale de l’État.

Le C. C. R. entre très vite dans la voie des nationalisations (banques étrangères, compagnies pétrolières), de la planification et de l’épuration administrative. En juin 1971, le colonel Kadhafi annonce la création d’un parti unique : l’Union socialiste arabe. Peu après, le tribunal du peuple condamne à mort par contumace l’ex-roi Idrīs. En juillet 1972, le vice-président du C. C. R., le commandant Jalloud (‘Abd al-Salām Djallūd), est chargé de former un nouveau gouvernement et, en avril 1974, le colonel Kadhafi se décharge d’une partie de ses fonctions politiques et administratives.

Tandis qu’à l’intérieur l’équipe révolutionnaire au pouvoir s’efforce d’allier le respect des traditions islamiques avec le courant moderniste, à l’extérieur elle fait preuve d’une vigoureuse politique pro-arabe et antisioniste. Elle échoue cependant, par deux fois, dans ses tentatives d’union de la Libye avec l’Égypte, puis avec la Tunisie.

P. P.