Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Libye (suite)

Tripoli, la véritable capitale, principale ville du pays et ancien chef-lieu de la Tripolitaine, partie nord-ouest de la Libye, compte aujourd’hui plus de 200 000 habitants. Benghazi, capitale de la Cyrénaïque, partie orientale du pays, a plus de 100 000 habitants. Une nouvelle capitale est construite sur le littoral de la Cyrénaïque, à El-Beida. La Libye a amorcé des tentatives de fusion avec l’Égypte d’abord, la Tunisie ensuite, deux États peut-être attirés par les revenus du pétrole, mais aux options politiques différentes de celles du colonel Kadhafi : ces deux tentatives se sont soldées par un échec.

R. O.


L’histoire


Jusqu’à l’arrivée des Arabes

Les Grecs appliquaient le nom de « Libye » à une zone côtière de l’Afrique du Nord allant du Nil à l’Atlantique, et aussi à l’arrière-pays désertique. Le pays libyen joue un grand rôle dans l’histoire de l’Égypte ancienne et des Carthaginois. Zone de passage, la Libye garde encore les traces prestigieuses de ses occupants : Égyptiens, Grecs, Carthaginois, Romains. Ses principales parties constitutives sont le Fezzan, la Tripolitaine et la Cyrénaïque.

Territoire des Garamantes, le Fezzan, entièrement saharien, est conquis par L. Cornelius Balbus Minor (ier s. av. J.-C.) ; les Romains le désignent sous le nom de « Phazania ». Indépendant et chrétien après l’invasion des Vandales, il est envahi par les Arabes en 666.

La Cyrénaïque tire son nom de Cyrène, ville prestigieuse, fondée — selon une tradition semi-légendaire — par un groupe de colons grecs de l’île de Thêra (Santorin) en 631 av. J.-C. Le chef de l’expédition, Battos, est à l’origine de la dynastie des Battiades, qui s’éteint aux environs de 450 av. J.-C., après avoir assuré à Cyrène et à son port, Apollonia (Marsa Susa), une grande prospérité, liée surtout au ravitaillement de la Grèce en grains, en vin, en fruits et aussi en silphium, base d’un médicament très recherché.

Sous la République, Cyrène entre dans l’orbite de l’Égypte ptolémaïque (ive s. av. J.-C.). Les villes de Teuchira (auj. Tocra) et d’Euhesperides (auj. Benghazi) se développent, le port de Barca prend le nom de Ptolémaïs et Cyrène devient l’un des grands centres culturels du Bassin méditerranéen : son école de médecine, l’enseignement du géographe Ératosthène (v. 284 - v. 192 av. J.-C.), du philosophe Aristippe (v. 435 - 356 av. J.-C.), le prestige du poète Callimaque (v. 310 - v. 235 av. J.-C.) fondent la renommée de la cité.

En 96 av. J.-C., la Cyrénaïque tombe aux mains des Romains, qui la transforment en province sénatoriale unie à la Crète (67 av. J.-C.). Une grande révolte des Juifs en 115 apr. J.-C. cause beaucoup de dommages à Cyrène et à Barca. En 297, la ville portuaire de Ptolémaïs devient capitale de la province de Libye-Supérieure, distincte de la province de Libye-Inférieure, à l’est. Les désastres du ve s. rendent de plus en plus incertains les confins désertiques. Sous Justinien*, Cyrène possède encore deux églises, mais sa population émigre massivement vers Ptolémaïs.

Riche colonie phénicienne, la Tripolitaine compte trois villes prospères : Sabratha, Leptis Magna, Ola. Cette dernière devient la capitale de ce groupe et prend le nom de Tripoli (« Trois Villes »). Tous ces postes commandent le commerce avec le Sahara et le Soudan. Leur histoire suit le cours de celle de Carthage : ils sont occupés par les Romains en 106 av. J.-C. ; en 46 av. J.-C., après la bataille de Thapsus, la Tripolitaine est incorporée à l’Africa Nova, puis à la province proconsulaire d’Afrique. Septime Sévère* est originaire de Leptis Magna. Dioclétien* détache la Tripolitaine de la proconsulaire et la place sous l’autorité d’un Praeses Tripolitanae, dépendant du vicaire d’Afrique. Pillée par les Berbères, la Tripolitaine, comme la Cyrénaïque, tombe aux mains des Vandales (ve s.), dont la puissance est détruite par les Byzantins (534), qui font de la Tripolitaine une province consulaire administrée de Leptis Magna.


La Libye arabe et turque

La dislocation du monde hellénico-romain sous les coups des Arabes va accélérer la décadence des provinces libyennes et transformer le pays en un désert voué aux souverainetés tribales.

En 643, les troupes du calife ‘Umar Abū Ḥafṣa ibn al-Khaṭṭāb (v. 581-644), commandées par ‘Amr ibn al-‘Āṣ († 663), s’emparent facilement d’un pays déjà marqué par le marasme et les violences. Tandis que la Cyrénaïque garde une certaine importance comme zone de passage entre Alexandrie et Kairouan et est islamisée par des tribus nomades venues de Haute-Égypte (xie s.), la Tripolitaine passe dans la mouvance de Tunis ; la dynastie des Banū ‘Ammār se maintient indépendante durant quatre-vingt ans (1327-1401).

La Libye se réveille au xvie s., lors du conflit qui oppose les Ottomans — alliés de la France — à la maison d’Autriche. En 1510, Ferdinand* le Catholique s’empare de Tripoli, puis cède cette ville aux chevaliers de Malte (1530), qui sont chassés en 1551 par le corsaire turc Dragut († 1565) : celui-ci fait de Tripoli le chef-lieu d’un vilayet ottoman. À partir de 1714, Ahmed Paşa Karamanlı (1711-1745) se rend indépendant de la Porte ; ses successeurs se contenteront de payer un tribut annuel au Sultan. Il est vrai que la piraterie fournit indirectement aux pachas d’importants revenus, car ils vendent aux puissances occidentales leur protection. Cette politique sera à l’origine de deux conflits avec les États-Unis (1803-1805, 1815).

En 1835, à la faveur d’une guerre civile, les Turcs rétablissent leur autorité dans les provinces libyennes, sauf dans une partie de la Cyrénaïque, où le cheikh Muḥammad ibn ‘Alī al-Sanūsī (v. 1791-1859) établit la grande confrérie des Senousis. Déjà la conquête d’Alger par les Français (1830) a stoppé la piraterie de Tripoli. Quand la France s’installe en Tunisie (1881), la Porte renforce ses garnisons en Libye et jusque dans le désert (Bilma) ; de longues discussions avec Paris ont pour objet les frontières dans l’arrière-pays. Bientôt l’Allemagne, puis l’Italie (qui cherche une compensation à la Tunisie) jettent leur dévolu sur la Libye. Mais, tandis que les Allemands se contentent d’une prédominance économique, les Italiens prétendent annexer les terres libyennes.